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étendue, et quelquefois les dédommage de l'injustice de leur siècle. Pourquoi, dit Sénèque, ne fêterai-je pas le jour de la naissance de ces hommes illustres? Pline, dans le troisième livre de ses épîtres, rapporte que Silius Italicus célébroit le jour de la naissance de Virgile plus scrupuleusement que le sien même.

La flatterie, tenant une coquille de fard à la main, në manqua pas de solemniser la nativité des personnes que la fortune avoit mises dans les premières places, et par qui se distribuoient les graces et les bienfaits: Horace invite une de ses anciennes maîtresses à venir célébrer chez lui la naissance de Mécènes; et, afin que rien ne trouble la fête, il tâche de la guérir de la passion qu'elle avoit pour Téléphus. Philis, j'ai chez moi, dit-il, du vin de plus de neuf feuilles ; mon jardin me fournit de l'ache pour faire des couronnes. J'ai du lierre propre à relever la beauté de vos cheveux: l'autel est couronné de verveine; les jeunes garcons et les jeunes filles qui doivent nous servir courent déjà de tous côtés. Venez donc célébrer le jour des ides qui partage le inois d'avril consacré à Vénus; c'est un jour solemnel pour moi, et presque plus sacré que le jour de ma naissance; car c'est de ce jour-là que Mécènes compte les années de sa vie.

On voit dans ce propos une image bien vive d'une partie destinée à la célébration d'un jour de naissance; il ne s'agit pas de savoir si elle étoit conforme à l'esprit de l'institution sans doute que ce vin délicieux, cette parure galante, cette propreté, ce luxe, cette liberté d'esprit que le poète recommande à Philis, plus dangereuse que la passion même, enfin cette troupe de jeunes filles et de jeunes garçons, n'étoient guère appelés dans les fêtes religieuses, où on songeoit sérieusement à honorer les dieux.

Le jour de la naissance des princes étoit sur-tout un jour consacré par la piété ou par la flatterie des peuples. Leur caractère, la distinction de leur rang et de leur fortune, devenoient la mesure des honneurs et des réjouissances établies à cette occasion. La tyrannie même, bien loin d'interrompre ces sortes de fêtes, en rendoit l'usage plus nécessaire; et, dans la dureté d'un règne où chacun craignoit de laisser échapper ses sentimens, on entroit

avec une espèce d'émulation dans toutes les choses dont on pouvoit se servir pour couvrir la haine qu'on portoit au prince; tous ces signes équivoques d'amour et de respect n'empêchèrent pas que les empereurs n'en fussent extrêmement jaloux. Suétone remarque que Caligula fut si piqué de la négligence, des consuls, qui oublièrent d'ordonner la célébration du jour de sa naissance, qu'il les dépouilla du consulat, et que la république fut trois jours sans pouvoir exercer l'autorité souveraine.

Ces honneurs eurent aussi leur contraste on mit quelquefois, avec cérémonie, au rang des jours malheureux, celui de la naissance, et c'étoit là la marque la plus sensible de l'exécration publique. La mémoire d'Agrippine, veuve de Germanicus, fut exposée à cette flétrissure par l'injustice et la cruauté de Tibère. C'est à ce sujet que Racine, si exact dans la peinture des mœurs, fait dire, par Narcisse, à Néron, en parlant de Britannicus et d'Octavie :

Rome, sur les autels prodiguant les victimes,
Fussent-ils innocens, leur trouvera des crimes,
Et saura mettre au rang des jours infortunés
Ceux où jadis la sœur et le frère sont nés.

(ANONYME.)

NAIVETÉ. (Voyez candeur.)

NARRATION.

LA narration, dans l'histoire et dans l'éloquence, est

un récit ou relation d'un fait ou d'un événement, comme il est arrivé ou comme on le suppose arrivé.

Il y en a de deux sortes; l'une simple et historique, dans laquelle l'auditeur ou le lecteur est supposé, entendre ou lire un fait qui lui est transmis de la seconde main; l'autre, artificielle et fabuleuse, où l'imagination de l'auditeur échauffée prend part au récit d'une chose, comme si elle se passoit en sa présence.

Dans l'histoire, la narration fait le corps de l'ouvrage; et si l'on en retranchoit les réflexions incidentes, les épisodes, les digressions, l'histoire se réduit à une simple. narration.

Cicéron demande quatre qualités dans la narration; savoir, clarté, probabilité, briéveté et agrément.

On rend la narration claire, en y observant l'ordre des temps, en sorte qu'il ne résulte nulle confusion dans l'enchaînement des faits, en n'employant que des termes propres et usités, et en racontant l'action sans interruption.

Elle devient probable par le degré de confiance que mérite le narrateur, par la simplicité et la sincérité de son récit, , par le soin qu'on a de n'y rien faire entrer de contraire au sens commun ou aux opinions reçues, par le détail précis des circonstances et par leur union, en sorte qu'elles n'impliquent point contradiction, et ne se détruisent point mutuellement.

La briévelé consiste à ne point reprendre les choses de plus haut qu'il n'est nécessaire, afin de ne point charger le récit de circonstances triviales et de détails inutiles.

Enfin, on donne à la narration de l'agrément, en employant des expressions nombreuses d'un son agréable et doux, en évitant, dans leur arrangement, les hiatus et les dissonances; en choisissant, pour objet de son récit, des choses grandes, nouvelles, inattendues; en embellis

sant sa diction de tropes et de figures, en tenant l'auditeur en suspens sur certaines circonstances intéressantes, et en excitant des mouvemens de tristesse ou de joie, de terreur ou de pitié.

C'est principalement la narration oratoire qui comporte ces ornemens; car la narration historique n'exige qu'une simplicité mâle et majestueuse, qui coûte plus à un écrivain que tous les agrémens du style qu'on peut répandre sur les sujets qui sont du ressort de l'éloquence.

Il ne sera pas inutile d'ajouter ici quelques observations sur les qualités propres à la narration oratoire.

1° Quoiqu'on recommande dans la narration la simplicité, on n'en exclut pas toujours le pathétique. Cicéron, par exemple, remue vivement les passions, en décrivant les circonstances du supplice de Gavius, citoyen romain, qui fut condamné à être battu de verges par l'injustice et par la cruauté de Verrès. Rien n'est plus touchant que le récit qu'il fait de la mort des deux Philodamus, père et fils, tous deux immolés à la fureur du même Verrès; le père déplorant le sort de son fils, et le fils gémissant sur le malheur de son père. Il y a donc des causes qui demandent une narration touchante et passionnée, comme il en est qui n'exigent qu'une exacte et tranquille exposition du fait. C'est à l'orateur sensé à distinguer ces convenances, et à varier son style, selon la différence des matières.

2o Pour les causes de peu d'importance, comme sont la plupart des causes privées, il faut relever la médiocrité du sujet par une diction simple en apparence, mais pure, élégante, variée. Sans cette parure, elles paroissent tristes, sèches, ennuyeuses; on doit même y jeter quelques pensées ingénieuses, quelques traits vifs, qui piquent la curiosité, et qui soutiennent l'attention.

3o A l'égard des causes où il s'agit d'un crime ou d'un fait grave, d'un intérêt public, elles admettent des mouvemens plus forts; on y peut ménager des surprises qui tiennent l'esprit en suspens, y faire entrer des mouvemens de joie, d'admiration, d'étonnement, d'indignation, de crainte et d'espérance, pourvu que l'on se souvienne que ce n'est pas là le lieu de terminer ces grands sentimens, et qu'il suffit de les ébaucher; car l'exorde et la

narration ne doivent avoir d'autre fonction que de préparer l'esprit des juges à la preuve et à la péroraison.

(M. l'abbé MALLET.)

DANS la poésie, la narration est l'exposé des faits, comme la description est l'exposé des choses; et celle-ci est comprise dans celle-là, toutes les fois que la description des choses contribue à rendre les faits plus vraisemblables, plus intéressans, plus sensibles.

Il n'est point de genre de poésie où la narration ne puisse avoir lieu; mais, dans le dramatique, elle est accidentelle et passagère, au lieu que dans l'épique elle domine et remplit le fond.

Toutes les règles de la narration sont relatives aux convenances et à l'intention du poète.

Quel que soit le sujet, le devoir de celui qui raconte, pour remplir l'attente de celui qui l'écoute, est d'instruire et de persuader: ainsi les premières règles de la narration sont la clarté et la vraisemblance.

La clarté consiste à exposer les faits d'un style qui ne laisse aucun nuage dans les idées, aucun embarras dans les esprits. Il y a dans les faits des circonstances qui se supposent, et qu'il seroit superflu d'expliquer. Il peut arriver aussi que celui qui raconte ne soit pas instruit de tout, ou qu'il ne veuille pas tout dire; mais ce qu'il ignore ou veut dissimuler ne le dispense pas d'être clair dans ce qu'il expose. L'obscurité même qu'il laisse ne doit être que pour les personnages qui sont en scène. Les circonstances des faits, leurs causes, leurs moyens, le spectateur ou le lecteur veut tout savoir; et si l'acteur est dispensé de tout éclaircir, le poète ne l'est pas. Il est vrai qu'il a droit de jeter un voile sur l'avenir; mais, s'il est habile, il prend soin que ce voile soit transparent, et qu'il laisse entrevoir ce qui doit arriver dans un lointain confus et vague, comme on découvre les objets éloignés à la foible lumière des étoiles; c'est un nouvel attrait pour le lecteur, un nouveau charme qui se mêle à l'intérêt qui l'attache et l'attire. A l'égard du présent et du passé, tout doit être aux yeux du lecteur sans nuage et sans équivoque.

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