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laissa qu'un habit d'homme. Obligée par pudeur de s'en revêtir, elle fut jugée relaps, comme telle abandonnée au bras séculier, et condamnée à être brûlée vive.

La sentence fut exécutée. Son second confesseur, qui rachetoit par ses vertus l'infâme trahison du premier, «Frère Martin l'Advenu étoit monté sur «<le bûcher avec elle; il y étoit encore que le bour<< reau alluma le feu. « Jésus! » s'écria Jeanne, et elle fit descendre le bon prêtre. «Tenez-vous en bas, dit-elle; levez la croix devant moi, et dites-moi « de pieuses paroles jusqu'à la fin... >> Protestant de son innocence et se recommandant au ciel, on l'entendit encore prier à travers la flamme. Le dernier mot qu'on put distinguer fut Jésus.

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Tel fut le premier trophée élevé par les armes angloises au jeune Henri VI, qui se trouvoit alors à Rouen! Telle fut la femme qui sauva la France, et l'héroïne qu'un grand poëte a outragée. Ce crime du génie n'a pas même l'excuse du crime de la puissance : l'Angleterre avoit été vaincue par le bras d'une villageoise; ce bras lui avoit ravi sa proie; le siècle étoit grossier et superstitieux; et, enfin, ce furent des étrangers qui immolèrent Jeanne d'Arc. Mais au dix-huitième siècle! mais un François! mais Voltaire !... Honneur à l'historien qui venge aujourd'hui d'une manière pathétique tant de vertus et de malheurs!

Disons-le aussi à la louange des temps où nous vivons; une telle débauche du talent ne seroit plus possible. Avant l'établissement de nos nouvelles

institutions, nous n'avions que des mœurs privées, aujourd'hui nous avons des mœurs publiques, et partout où celles-ci existent, les grandes insultes à la patrie ne peuvent avoir lieu; la liberté est la sauvegarde de ces renommées nationales qui appartiennent à tous les citoyens.

Henri VI quitta Rouen et vint à Paris; il fut couronné dans cette cathédrale où devoit être consacrée une autre usurpation: il n'y resta qu'un mois. Le traité d'Arras réconcilia le roi de France et le duc de Bourgogne. Paris ouvrit ses portes au maréchal de l'Ile-Adam (1436), et le roi, un an après, y fit son entrée solennelle. « Le sire Jean Dau«<lon, qui avoit été écuyer de la Pucelle, tenoit le «< cheval du roi par la bride; Xaintrailles portoit << devant lui le casque royal, orné d'une couronne « de fleurs de lis, et le bâtard d'Orléans, le fameux « Dunois, couvert d'une armure éclatante d'or et « d'argent, menoit l'armée du roi. »

Nous avons été bien malheureux; nos pères l'ontils été moins? Après le règne de Charles VI et de Charles VII, M. de Barante nous présentera le tableau de la tyrannie de Louis XI. Les guerres de I'Italie et la captivité de François Ier ne sont pas loin, et les fureurs de la ligue les suivent. La France ne respire enfin qu'après les désordres de la Fronde; car si les guerres de Louis XIV l'épuisèrent, elles ne troublèrent pas son repos. Cette paix continua sous Louis XV, et il faut remarquer que c'est en avançant vers la civilisation, que les peuples voient augmenter la somme de leurs prospérités.

L'immense orage de la révolution a éclaté après un siècle et demi de tranquillité intérieure. Il a changé les lois et les mœurs, mais il n'a pas arrêté la civilisation. Une autre histoire va naître, quels en seront les personnages? Souhaitons-leur un historien qui, comme M. de Barante, parle des rois sans humeur, des peuples sans flatterie, et qui ne méprise ni n'estime assez les hommes pour altérer la vérité.

SUR

L'HISTOIRE DES CROISADES,

PAR M. MICHAUD,

DE L'ACADÉMIE FRANÇOISE.

Octobre 1825.

D

Es choses remarquables se passent sous nos yeux. Tandis qu'un mouvement immense emporte les peuples vers d'autres destinées, tandis qu'une politique en sommeil néglige d'attacher à ce qui reste de croyances et d'institutions anciennes les intérêts d'une société nouvelle, cette société se jette avec une égale ardeur sur le passé pour le connoître, sur l'avenir pour en faire la conquête.

C'est en effet un trait particulier de notre époque que la grande activité politique qui travaille les générations ne se perde plus, comme aux premiers jours de nos expériences, dans le champ des théories on se résigne, courage bien singulier! au changement des doctrines par l'étude des faits, se précautionnant, pour ne pas s'égarer dans la route qu'on va suivre, de toutes les autorités de l'histoire.

A cette idée de prudence, il se mêle aussi une idée de consolation. Cette chaleur de travail et

d'instruction historique, cette sorte d'invasion dans les monuments des vieux âges, vient encore du besoin universel d'échapper au présent. Ce présent pèse en effet à toutes les âmes fortes, tant il leur est étranger, tant elles sont peu contemporaines des hommes qui s'agitent et des choses qui se traînent sous nos yeux. Il semble que pour retrouver une France noble et belle, telle que des hommes d'État, dignes de ce nom, pourroient la faire, il semble qu'on soit obligé d'aller demander à l'histoire de quoi nourrir cet orgueil de nous-mêmes, qui, malgré tout ce qu'on a fait pour le flétrir, ne nous quittera pas. Il faut donc considérer comme une généreuse conspiration de patriotisme, cette notable passion de notre époque pour l'étude des souvenirs, des traditions, des monuments natio

naux.

Une pensée fraternelle semble animer ceux qui lisent et ceux qui écrivent. L'histoire des vieux temps, tracée par des hommes du nôtre, resserre encore les liens de la parenté. Ceux qui ont des souvenirs, ceux qui ont des espérances, se rapprochent dans ce commerce historique. Par une double rencontre, il devient l'occupation des hommes mûrs qui ont passé par les affaires, et des hommes jeunes encore qui doivent y passer; ils mettent en commun leurs nobles douleurs et leurs ambitions généreuses. Chassés du présent par une politique étroite, ils se retrouvent dans les jours qui ne sont plus.

Il est surtout quelques vieux François à qui la

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