Imágenes de página
PDF
ePub

Cette collection avoit déjà été entreprise. Commencée sur un mauvais plan, conduite avec peu de savoir, de critique et de soin, elle est en tout très inférieure à celle que M. Petitot publie aujourd'hui. Les deux derniers volumes de cette première collection parurent sous le règne de Buonaparte, et sont dédiés au prince Murat.

Toutefois, il eût été désirable que le nouvel éditeur eût travaillé sur un plan plus vaste. Pourquoi ne se seroit-il pas attaché à continuer, avec les autres savants qui s'en occupent, le Recueil des Historiens de dom Bouquet? Les Mémoires, et surtout les très anciens Mémoires, ne s'éloignent guère des histoires générales du même temps. Nous avouons que nous sentons peu la différence qui existe entre les Chroniques de Saint-Denis, celles de Flandre et de Normandie, entre les Chroniques de Froissart et de Monstrelet, et les Mémoires de Villehardouin et de Joinville. Il nous semble donc qu'au lieu de faire deux classes des Histoires et des Mémoires, on devroit les réunir; c'est le même plan que l'on a suivi jusqu'ici pour les trois races, dans le grand Recueil de dom Bouquet. En effet, l'Histoire de Grégoire de Tours n'est pas autre chose que des Mémoires, puisqu'on y trouve mêlées les propres aventures de l'auteur et une foule d'anecdotes étrangères à l'histoire générale. Les Gestes de Dagobert, la Vie de Charlemagne par Éginhard, celle de Louis-le-Débonnaire par l'Anonyme dit l'Astronome, la Vie de Robert par Helgaud, de Conrad II

par Vippon, de Philippe-Auguste par Riggord, sont autant de Mémoires particuliers. A commencer à l'époque des Mémoires françois, c'est-à-dire à l'époque où Villehardouin écrivoit, on auroit pu donner tour à tour un volume des chroniqueurs latins, des Mémoires françois en prose, des Vies ou Chroniques en carmes ou vers. C'eût été encore rentrer dans le plan de dom Bouquet. Son recueil contient des extraits des grandes et petites Chroniques de Saint-Denis, des fragments des Chroniques de Normandie, des vers en latin du moyen-âge et en vieil allemand, tout aussi barbares que nos poëmes françois historiques. Ces poëmes sont, il est vrai, difficiles à dévorer; mais on y trouve bien des choses, et ils servent à éclairer des points obscurs de notre histoire. Par exemple, sans un poëme sur le combat des Trente, conservé à la Bibliothèque du Roi, nous ignorerions si les champions de ce fameux combat étoient tous à cheval, ou si les chevaliers bretons ne durent la victoire qu'à l'avantage qu'obtint Montauban, en combattant seul monté sur un coursier. Cela n'étoit guère probable : quand il s'agit d'honneur, on peut s'en fier aux Bretons. Mais enfin le fait étoit resté sans preuve. Un vers du poëme lève toutes les difficultés:

Et d'un côté et d'autre tous à cheval seront '.

La Bretagne vient d'ériger un monument à la

'Nous possédons une copie de ce poëme. M. de Penhouet doit l'avoir publié dans un ouvrage sur les antiquités de la Bretagne.

mémoire de ses Trente Héros. On peut toujours dire des Bretons modernes combattant pour leur roi ce qu'on disoit de leurs ancêtres: On n'a pas fait plus vaillamment depuis le combat des Trente.

M. Petitot auroit été plus capable qu'un autre d'enrichir un grand travail de savantes préfaces à la manière des Baluze et des Bignon sur les lois des Francs et sur les capitulaires; des Pithou, des Duchesne, des dom Bouquet, des Valois, des Mabillon sur nos historiens; des de Laurière, des Secousse, des Vilevaut, des Brequigny et des Pastoret, sur les ordonnances de nos rois.

Les nouveaux volumes publiés par M. Petitot achèvent l'histoire de Du Guesclin, et contiennent les charmants Mémoires de Boucicaut. Christine de Pisan, qui avoit précédé ces derniers Mémoires, est à la fois sèche et diffuse. L'éditeur a préféré les Anciens Mémoires de Du Guesclin, écrits par Le Febvre, à tous les autres. Il a peut-être eu raison en ce sens qu'ils sont les plus complets; mais ils sont pour ainsi dire modernes, et ils n'ont pas la naïveté de l'Histoire de Messire Bertrand Du Guesclin, escrite en prose à la requeste de Jean d'Estourville, et mise en lumière par Claude Mesnard. C'est là qu'on voit, dit Mesnard, une ame forte, nourrie dans le fer, et pétrie sous des palmes.

Cette histoire de Du Guesclin nous fait souvenir qu'en bon Breton nous avons plusieurs fois été tenté d'écrire la vie du bon connétable. Notre dessein de travailler sur l'Histoire générale de France

nous a fait abandonner cette idée. Ensuite l'histoire vivante est venue nous arracher à l'histoire morte. Comment s'occuper du passé quand on n'a pas de présent ?

[graphic]

SUITE.

Décembre 1819.

PRÈS avoir traité de l'histoire, il conviendroit de parler des sciences; mais nous manquons de ce courage, si commun aujourd'hui, de raisonner sur des choses que nous n'entendons pas. Dans la crainte de prendre le Pirée pour un homme, nous nous abstiendrons. Néanmoins nous ne pouvons résister à l'envie de dire un mot d'un ouvrage de science que nous avons sous les yeux. Il est intitulé: De l'Auscultation médiate. Au moyen d'un tube appliqué aux parties extérieures du corps, notre savant compatriote breton, le docteur Laënnec, est parvenu à reconnoître, par la nature du bruit de la respiration, la nature des affections du coeur et de la poitrine. Cette belle et grande découverte fera époque dans l'histoire de l'art. Si l'on pouvoit inventer une machine pour entendre ce qui se passe dans la conscience des hommes, cela seroit bien utile dans le temps où nous vivons. « C'est dans son génie que « le médecin doit trouver des remèdes, » a dit un autre médecin dans ses ingénieuses Maximes; et l'ouvrage du docteur Laënnec prouve la justesse de cette observation. Nous pensons aussi, comme l'Ecclésiastique, « que toute médecine vient de « Dieu, et qu'un bon ami est la médecine du

« AnteriorContinuar »