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PRÉFACE.

Lorsque je rentrai en France, en 1800, après une émigration pénible, mon ami, M. de Fontanes, rédigeoit le Mercure de France; il m'invita à écrire avec lui dans ce journal, pour le rétablissement des saines doctrines religieuses et monarchiques.

J'acceptai cette invitation : je donnai quelques articles au Mercure, avant même d'avoir publié Atala, avant d'être connu, car mon Essai historique étoit resté enseveli en Angleterre. Ces combats n'étoient pas sans quelques périls: on ne pouvoit alors arriver à la politique que par la littérature; la police de Buonaparte entendoit à demi-mot; le donjon de Vincennes, les déserts de la Guiane et la plaine de Grenelle, attendoient encore, si besoin étoit, les écrivains royalistes. Mon premier article sur le Voyage en Espagne de

MÉLANGES LITTÉRAIRES.

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M. de Laborde faillit de me coûter cher : Buonaparte menaça de me faire sabrer sur les marches de son palais; ce furent ses expressions. Il ordonna la suppression du Mercure et sa réunion à la Décade. Le Journal des Débats, qui avoit osé répéter l'article, fut bientôt après ravi à ses propriétaires.

Au retour du roi, je réclamai auprès du gouvernement la propriété du Mercure, que j'avois acheté de M. de Fontanes pour une somme de 20,000 francs. Je m'étois imaginé que la cause qui avoit fait supprimer cet ouvrage feroit un peu valoir mon bon droit; je me trompai. C'est ainsi qu'ayant eu à répéter une part de mes appointements de ministre, je n'ai pu l'obtenir, par la raison qu'ayant fait le voyage de Gand, je ne m'étois pas rendu à mon poste à Stockholm; c'est ainsi qu'en sortant du ministère, non-seulement on ne m'a pas alloué le traitement de retraite accoutumé, mais encore on m'a supprimé ma pension de ministre d'État. Je rappelle ceci, non pour me plaindre, mais afin

tres que

qu'on ne fasse pas à l'avenir porter sur d'aumoi ces misérables vengeances et ces ignobles économies, si peu d'accord avec la générosité naturelle de nos monarques et la dignité de la couronne.

Un choix des articles du Mercure a été fait par moi: ces articles, réunis à quelques autres articles littéraires tirés du Conservateur et du Journal des Débats, forment la collection renfermée dans ce volume. Les lettres n'ont jamais été si honorables que lorsque, dans le silence du monde subjugué, elles proclamoient des vérités courageuses, et faisoient entendre les accents de la liberté au milieu des cris de la victoire.

Puisque le nom de M. de Fontanes est venu se placer naturellement sous ma plume, qu'il me soit permis de payer ici un nouveau tribut de regret et de douleur à la mémoire de l'excellent homme que la France littéraire pleurera long-temps. Si la Providence me laisse encore quelques jours sur la terre, j'écrirai la vie de mon illustre et généreux

ami. Il annonça au monde ce que, selon lui,

je devois devenir; moi, je dirai ce qu'il a été : ses droits auprès de la postérité seront plus sûrs que les miens.

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pas

I un instinct sublime n'attachoit l'homme à sa patrie, sa condition la plus naturelle sur la terre seroit celle de voyageur. Une certaine inquiétude le pousse sans cesse hors de lui; il veut tout voir, et puis il se plaint quand il a tout vu. J'ai parcouru quelques régions du globe; mais j'avoue que j'ai mieux observé le désert que les hommes, parmi lesquels, après tout, on trouve souvent la solitude.

J'ai peu séjourné chez les Allemands, les Portugais et les Espagnols, mais j'ai vécu assez longtemps avec les Anglois. Comme c'est aujourd'hui le seul peuple qui dispute l'empire aux François, les moindres détails sur lui deviennent intéressants.

Érasme est le plus ancien des voyageurs que je connoisse, qui nous ait parlé des Anglois. Il n'a vu à Londres, sous Henri III, que des Barbares et des huttes enfumées. Long-temps après, Voltaire, qui

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