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Mais, enfin, je consens d'oublier le passé.
Je rends graces au Ciel que votre indifférence
De mes heureux soupirs m'apprenne l'innocence.
Mon cœur, je le vois bien, trop prompt à se gêner,
Devoit mieux vous connoître, et mieux s'examiner.
Mes remords vous faisoient une injure mortelle:
Il faut se croire aimé pour se croire infidele.
Vous ne prétendiez point m'arrêter dans vos fers.
J'ai craint de vous trahir; peut-être je vous sers.
Nos cœurs n'étoient point faits dépendans l'un de
l'autre :

Je suivois mon devoir, et vous cédiez au vôtre.
Rien ne vous engageoit à m'aimer, en effet.

HERMIONE.

Je ne t'ai point aimé, cruel! qu'ai-je donc fait ?
J'ai dédaigné pour toi les voeux de tous nos Princes,
Je t'ai cherché moi-même au fond de tes provinces,
J'y suis encor, malgré tes infidélités,

Et malgré tous mes Grecs, honteux de mes bontés;
Je leur ai commandé de cacher men injure,
J'attendois, en secret, le retour d'un parjure
J'ai cru que, tôt ou tard, à ton devoir rendu,
Tu me rapporterois un cœur qui m'étoit dû :
Je t'aimois inconstant, qu'aurois-je fait fidelle?
Et même en ce moment où ta bouche cruelle
Vient si tranquillement m'annoncer le trépas,
Ingrat! je doute encor si je ne t'aime pas...
Mais, Seigneur, s'il le faut, si le Ciel en colere
Réserve à d'autres yeux la gloire de vous plaire,
Achevez votre hymen : j'y consens; mais, du moins,

Ne forcez pas mes yeux d'en être les témoins.
Pour la derniere fois je vous parle, peut-être :
Différez-le d'un jour, demain vous serez maître....
Vous ne répondez point.... Perfide! je le voi,
Tu comptes les momens que tu perds avec moi.
Ton cœur impatient de revoir ta Troyenne
Ne souffre qu'à regret qu'une autre t'entretienne!
Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux.
Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux :
Va lui jurer la foi que tu m'avois jurée,
Va profaner des Dieux la majesté sacrée.
Ces Dieux, ces justes Dieux n'auront pas oublié
Que les mêmes sermens avec moi t'ont lié.

Porte aux pieds des autels ce cœur qui m'abandonne. Va, cours; mais crains encor d'y trouver Hermione. (Elle sort.)

SCENE V I.

PYRRH US, PHENIX.

PHENIX.

SEIGNEUR, vous l'entendez. Gardez de négliger

Une amante en fureur, qui cherche à se venger. Elle n'est en ces lieux que trop bien appuyée:

La querelle des Grecs à la sienne est liée. Oreste l'aime encore; et, peut-être, à ce prix....

PYRRHUS.

Andromaque m'attend; Phœnix, garde son fils.

Fin du quatrieme Acte.

A CTE V.

SCENE PREMIERE.

HERMIONE, seule.

U suis je? qu'ai-je fait? que dois-je faire encore?
Quel transport me saisit? quel chagrin me dévore ?
Errante et sans dessein je cours dans ce palais.
Ah ne puis-je savoir si j'aime, ou si je hais ?...
Le cruel! de quel il il m'a congédiée !

Sans pitié, sans douleur, au moins étudiée !
L'ai-je vu se troubler et me plaindre un moment?
En ai-je pu tirer un seul gémissement?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
Sembloit-il seulement qu'il eût part à mes larmes ?
Et je le plains encore! et pour comble d'ennui,
Mon cœur, mon lâche cœur s'intéresse pour lui!
Je tremble au seul penser du coup qui le menace!
Et prête à me venger, je lui fais déja grace !....
Non, ne révoquons point l'arrêt de mon courroux ;
Qu'il périsse.... aussi bien il ne vit plus pour nous.
Le perfide triomphe, et se rit de ma rage.
Il pense voir en pleurs dissiper cet orage.

Il croit que, toujours foible, et d'un cœur incertain

Je parerai d'un bras les coups de l'autre main.
Il juge encor de moi par mes bontés passées....
Mais plutôt le perfide a bien d'autres pensées !
Triomphant dans le Temple, il ne s'informe pas
Si l'on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas !
Il me laisse, l'ingrat! cet embarras funeste.
Non, non, encore un coup, laissons agir Oreste....
Qu'il meure, puisqu'enfin il a dû le prévoir,
Et puisqu'il m'a forcée enfin à le vouloir....

A le vouloir?... Eh ! quoi, c'est donc moi qui l'ordonne?
Sa mort sera l'effet de l'amour d'Hermione !
Ce Prince, dont mon cœur se faisoit autrefois
Avec tant de plaisir redire les exploits,

A qui même, en secret, je m'étois destinée,
Avant qu'on cût conclu ce fatal hyménée,
Je n'ai donc traversé tant de mers, tant d'États
Que pour venir si loin préparer son trépas?
L'assassiner, le perdre!.... Ah! devant qu'il expire !....

SCENE II.

CLÉONE, HERMIONE.

HERMIONE.

AH! qu'ai-je fait, Cléone, et que viens-tu me dire?

Que fait Pyrrhus?

CLÉONI.

Il est au comble de ses vœux,

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