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NOTES DU VOYAGE EN ESPAGNE (1640-41) DU MÉDECIN OTTO SPERLING

AVANT-PROPOS

L'auteur de ces notes de voyage, dit : Otto Sperling père (pour le distinguer de son fils du même nom), était né en 1602 à Hambourg et appartenait à une famille de savants. Il avait, dans sa jeunesse, voyagé beaucoup, en étudiant la médecine, la chimie, la botanique et autres sciences aux universités de Greifswald, Leide, Rostock et Padoue. Déjà en 1622, il avait fait un séjour en Norvège et en Danemark, pays où il allait plus tard passer la plus longue période de sa vie, subissant beaucoup de malheurs. Il était sur le point de s'y établir, quand la soif d'élargir ses connaissances et l'inquiétude des jeunes ans le firent encore une fois voyager en Europe. C'est alors qu'il parcourut l'Italie d'un bout à l'autre, de Venise à Naples, et même il administra, pendant quelque temps, le grand jardin du gentilhomme vénitien Nicolas Contarini ; en 1627, il fut reçu docteur en médecine à l'université de Padoue. Au moment où il voulait passer à Londres, l'année suivante, un corsaire de Dunkerque chassa son navire, qui se réfugia à Drammen en Norvège. Il vécut dès lors six ans dans ce pays, pratiquant la médecine, jusqu'en 1634, où il élut domicile en Danemark. Corfitz Ulfeld, premier ministre du royaume et gendre de Christian IV, était son protecteur, et grâce à cette puissante influence le roi le nomma médecin d'une grande institution vouée à l'éducation correctionnelle des enfants, puis directeur du jardin botanique royal au château de Rosenbourg, enfin il le préposa au service sanitaire de la ville de Copenhague. Mais Sperling avait des ennemis, et peut-être son administration donna-t-elle lieu à des critiques fondées : il fut destitué de ses emplois, pendant la disgrâce temporaire d'Ulfeld et après avoir fait, bien malgré lui, le voyage d'Espagne qu'il a décrit dans les pages que l'on va lire. Au commencement du règne de Frédéric III il eut le titre de médecin de la Cour; mais, peu d'années après, il fut entraîné dans la ruine du ministre, son protecteur. Accusé injustement, en 1651, d'avoir voulu empoisonner le roi, il préféra quitter le pays, avec permission royale. Cependant, l'amitié qu'il gardait à Ulfeld et les services qu'il prêtait à la famille de l'homme d'État proscrit, le rendaient toujours suspect au gouvernement danois: deux fois il fut arrêté, et la seconde

(1664), après l'avoir attiré traîtreusement sur le territoire danois, on l'enferma dans une prison à Copenhague pour avoir manqué — selon l'opinion ou le prétexte du gouvernement — à la parole donnée de ne pas conspirer contre le roi de Danemark. Il ne sortit jamais vivant de la «< Tour bleue » du palais royal où on l'avait mis, et où l'épouse d'Ulfeld passa aussi bien des années comme prisonnière. En 1681, il y mourut. L'autobiographie, dont les pages suivantes sont une partie, a été écrite dans sa prison; la Bibliothèque royale de Copenhague en possède le manuscrit original, catalogué: Ancien fonds royal, no 3094, in-4o. Ce livre, écrit en langue allemande, n'a jamais été publié en entier. M. Birket Smith, ancien directeur de la Bibliothèque de l'Université de Copenhague, en publia (1885) la plus grande partie, mais traduite en danois; souvent il n'a donné que des extraits: par exemple, dans le chapitre où est raconté le voyage d'Espagne plusieurs détails ont été omis. C'est pour cela qu'il m'a semblé justifiable de le présenter aux hispanisants textuellement sans abréviations: comparée aux descriptions déjà généralement connues de voyages faits en Espagne dans la première moitié du XVIIe siècle, celle-ci contient des traits assez intéressants d'histoire naturelle et culturelle qui ne se trouvent pas dans les autres.

Quant à l'ambassade qui donna occasion au voyage de Sperling, j'en dirai ici deux mots. Pendant que Christian IV essayait de jouer le rôle de pacificateur dans la guerre de l'Allemagne, il se créa de nouveaux adversaires parmi les puissances protestantes. Non seulement le Danemark avait un ennemi héréditaire, la Suède, dont la force et l'influence politique croissaient de jour en jour aux dépens des voisins, mais l'augmentation des droits du Sund, dicté par le manque d'argent du gouvernement danois et par un orgueil monarchique borné et mal placé, fit naître chez les Hollandais une véritable haine contre les Danois et les rapprocha de plus en plus de la Suède. On avait manqué le moment favorable qui s'était offert, de détacher les Pays-Bas de l'alliance avec la Suède, lorsque ce royaume avait surélevé le péage dans ses ports de la mer Baltique. Maintenant il fallait chercher d'autres amitiés, et les pensées de Christian IV, guidées par les intentions et conseils d'Ulfeld, se tournèrent aussi du côté de l'Espagne, ennemie des Hollandais comme des Français, dont l'alliance avec les Suédois contre la maison de Habsbourg existait déjà depuis nombre d'années et devait bientôt influer fortement sur la guerre allemande. Mais ce n'étaient pas des résultats décidément politiques que le roi cherchait à atteindre pour le moment en se rapprochant de l'Espagne. Il espérait, de ces relations amicales, des avantages de la plus grande importance pour le commerce du Danemark, qui pourrait ainsi s'emparer d'une grande partie de la puissance mercantile des Hollandais. Avant d'y entrer il fallait cependant faire disparaître quelques sujets de discorde existant entre les deux pays des pertes occasionnées par les courses des Dunkerquois et la

détention, par le gouverneur de Ténérife, d'un navire danois destiné aux Indes orientales. L'ambassade coûterait beaucoup d'argent, mais on pensait qu'elle en rapporterait bien davantage. Elle fut confiée à Hannibal Sehested, autre gendre du roi, homme sagace, d'un grand talent pour la diplomatie et l'administration; plus tard mais pendant peu d'années officier dans l'armée espagnole et nommé général d'artillerie (1657, à Madrid). Les négociations de l'ambassadeur en Espagne durèrent longtemps. Parti des côtes danoises au commencement d'août 1640, il n'était de retour qu'au mois de juillet l'année suivante. Elles aboutirent à une convention conclue le 1er janvier 1641 (nouveau style) et stipulant le privilège d'exporter une quantité de sel espagnol sans payer de douane, et un traité de commerce du 19 mars (imprimé dans le « Corps diplomatique » de Dumont. - VI, 1re partie, p. 209 et d'autre part). La valeur du sel serait l'indemnité due aux sujets du roi de Danemark pour le dommage causé à leurs navires et chargements. Le gouvernement espagnol tarda longtemps, presque vingt ans, à payer la dette, dont une partie avait été convertie, par une convention supplémentaire, en argent comptant au lieu de la marchandise. J'ai traité l'histoire de ces négociations dans mon livre écrit en danois « Grev Bernardino de Rebolledo », Copenh. 1883, p. 25-26, 95-99, 183-184, 249-250, 309-321, 353-354.

Émile GIGAS.

Im Jahr 1640 ward der H. Hannibal Sehest1 für Ambassadeur nach Spanien gesandt, der liess mich ersuchen dass Ich alss Medicus mit Ihm dahin reissen wolte: Ich thäte mich bedancken, mich entschuldigende dass Ich von meinen Dienst im Kinderhausse nicht abkommen konte. Er liess mich drauff selbst zu sich fordren und behielt mich zur Maelzeit, und begehrte abermahls dasselbige von mir. Ich aber antwortete, dass vorige. Da sprach Er, dass er mir Ihro Maj. Vhrlaub darzu verschaffen wolte. Ich aber schlugs rund ab mit andren entschul

1. Sehested, né en 1609, mort en 1666 à Paris. En 1636 il devint gouverneur du comte, Valdemar Christian, fils du roi et de son épouse Kirstine Munk; la même année il fut fiancé à Mlle Christiane, sœur de son élève; 1640, membre du conseil du royaume et bailli royal dans une province de Norvège. 2. Comp. l'avant-propos.

digung meiner haussfrawen und kindern. Dass verdross Ihm mächtig, und wie Ich hernacher erfuhr, hatt er zu Eilert Wiffeldt gesagt, Ess solte mir ubel bekommen, wo Ich Ihn nicht auf dieser reisse folgte. Wie Ich meinen abscheidt von Ihm genommen, gieng Ich alssbald zum H. Statthalter und berichtet Ihm, was Hannibal von mir begehret, und wass Ich Ihm geantwortet, Er sagte, Ihr habt wol gethahen dass Ihr Euch dieser reisse entschlagen. Mitlerweile dass wir mit einander redeten, kam siin Bruder Eylert Wlffeldt in dem gemach, und redete mit seinem Bruder heimlich à part. Da rieff mir der Herr Statthalter zu sich, und erzehlte mir wass sein Bruder von Hannibal gehöret, und wie Er mir und den meinen hefftig gedrawet hatte, rieth mir derhalben Ich solte die reisse nur annehmen, Ess wurde mich Hannibal sonsten Suchen gäntzlich zu ruiniren. Den folgenden Tag, sendte Hannibal wieder zu mir, und liess mir sagen, Er hatte mit dem König meinetwegen geredet, der wehre gahr wol zu frieden, dass Ich mit Ihm reissete. Ich solte nur mit Ihm kommen, die Reisse solte mir nicht gerewen. Wass wolte Ich thuhen, Ich muste auss zwey bössen, dass beste erwehlen, und folgte dess H. Statthalters rath, und gab mein Jawort von mir. Da waer alles Schöhn ding mit Hannibal, und fordert mich offte zu sich zum essen, und hatte lust mit mir in Italian scher Sprach zu discurriren, den er waer mit dem Graffen Woldemar lang in Italiâ und sein Hoffmeister gewesen, hatte

1. Sp. avait épousé, en 1630, la veuve d'un médecin de Bergen (en Norvège); il avait en 1640 quatre enfants, et en octobre il lui en naquit un cinquième. C'est à son fils Otto (né en 1634, mort en 1715, savant historien et archéologue) qu'il a dédié son autobiographie.

2. Frère du ministre, né en 1613, mort en 1644, à la bataille navale de Kolberger Heide, tué par la même balle qui priva d'un œil le roi Christian IV. Il resta en Espagne comme résident quelque temps après le retour de Sehested.

3. Corfitz Ulfeld, alors gouverneur de Copenhague.

4. Comte de Slesvig et Holstein, né en 1622, mort en 1656. Son voyage

sich auch in Franckreich und Engelland, lange auffgehalten, und redete dieselbe Sprachen wol, aber insonderheit die Englische, die Spanische Sprache konte er nicht reden, Aber der herr Statthalter ubertraff Ihn darinnen, welcher doch nie mahls in Spannien gewesen waer, sondern hatte die Sprache in Italia durch einen Sprachmeister gelernet. Uber diss hatte herr Hannibal ohngemein wol studiret, aber hatte eine sehr bosshafftige Natur an sich, wovon Ich viel schreiben könte. Hergegen waer der Statthalter Corfitz Wllffeldt ein sehr frommer, leutseliger, guetthätiger Herr, von sehr grosser erfahrenheit, sonderlich in Statssachen, wovon Ich, zu seinem grossen Ruhm, viel erzehlen könte, Aber diese materie fordert einen andern ohrt. Ich machte mich alssbald fertig zu dieser langen Spanischen reisse, die Ich wieder meinen willen auff mich nam ', sonderlich weiln meine liebe Haussfraw abermahl mit leibesfrucht gesegnet waer, und Ich von Ihr und meinen kleinen hertzlieben Kinderlein so lange solte abgescheidet seyn. Da nun der Ambassadeur seine Depeche vom König empfangen, fuhr er nach Helsingör mit einer grossen suite von Edelleuten, worunter wehren Hans Ulrich dess Königs Christ. 4. natural Sohn, Eylert Wlffeldt, welcher auf dess Königs wegen solte zu Madrit Residiren, Otto Kraeg3 Denscher

avec H. Sehested eut lieu en 1637-39. Il mena plus tard une vie pleine de troubles et fut tué en Pologne, officier dans l'armée du roi de Suède, CharlesGustave.

1. Le 30 juillet (n. st.) il écrit à Contarini de Copenhague : « S. Mta mi commanda d'andar per Medico in Spagna con l'Illmo Sr Ambasciatore che vien mandato di queste bande. Et gia sono in ordine d'imbarcarmi per questo viaggio in poche hore....... Una cosa mi consola, che nella Spagna non mi mancarà materia d'impieghar la mia curiosità ». (Brouillon dans la Bibl. roy., Anc. fonds royal, 1110, in-fol.).

2. H.U. Gyldenlöve, fils du roi et d'une bourgeoise, né en 1613, mort en 1645, amiral.

3. O. Krag, 1611-66, de la première noblesse danoise, employé souvent dans les affaires diplomatiques et dans l'administration.

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