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ante el campo obscuro, silencioso y triste, bajo el cielo negro y tachonado de estrellas. »

La casa de Aizgorri fut le second ouvrage de M. Pio Baroja. En voici le sujet le village d'Arbea était un des plus importants des provinces basques. Un peuple d'agriculteurs semibarbares l'habitait. Les Aizgorri étaient les seigneurs de l'endroit, des brutes puissantes, aux muscles d'acier, à la volonté de fer, race de conquistadores ou de bandits. Mais l'un d'eux eut l'idée de fonder une fabrique d'alcool et, du même coup, porta la ruine dans le pays, et la désorganisation et la mort parmi les siens. Les paysans, devenus ouvriers, s'étiolent et s'abrutissent sous l'influence de l'eau-de-vie. La famille Aizgorri s'empoisonne lentement et ne compte guère, parmi ses membres, que des dégénérés. D. Lucio, son chef actuel, est sur le point de succomber à l'alcool qu'il respire journellement dans la distillerie et qu'il boit. Luis, son fils, est un pauvre niais, sans force et sans courage, un débauché veule et blème. Seule sa fille Agueda est préservée: elle est restée saine physiquement et moralement. La fabrique, mal administrée, périclite et menace de sombrer. D. Lucio pour se débarrasser de ses créanciers, songe à l'anéantir et charge de cette besogne le facteur Pachi qui n'aura qu'à rompre une digue pour l'ensevelir sous les eaux. Mais une attaque du terrible mal qui doit l'emporter l'empêche de mettre son projet à exécution. Son fils Luis, qui a peur d'avoir peur en passant la nuit auprès de son lit d'agonie, abandonne lâchement la maison et se sauve à Madrid. Agueda reste seule avec sa nourrice et passe, dans une chambre voisine de celle du moribond, une nuit terrible d'hallucinations et d'affolantes terreurs. Son père mort, sa première pensée est de réparer, dans la limite du possible, le mal que sa famille a causé au pays. Pour cela, elle voudrait transformer la distillerie en hôpital. Elle est appuyée dans ce dessein par D. Julián, le vieux médecin de sa famille, et par un fondeur du voisinage, Mariano, qui est secrètement épris d'elle. Mais cela ne fait pas l'affaire de l'ancien contremaître de

D. Lucio, soupirant éconduit d'Agueda, lequel intrigue avec un ingénieur français pour racheter à vil prix la fabrique grevée d'hypothèques. Mariano, de son côté, cherche à le prévenir et, afin de trouver l'argent nécessaire pour s'en assurer la possession, il a accepté une forte commande d'un fabricant de ciment. Celui-ci a même consenti à lui avancer l'argent, mais en stipulant qu'une forte indemnité lui serait versée si les machines n'étaient pas livrées au jour dit. Le délai est près d'expirer: tous les fours sont en activité. Mariano va triompher quand une grève subite, suscitée par son rival, éclate parmi ses ouvriers. Un seul lui reste fidèle: n'importe, il luttera jusqu'au bout. D. Julián, Agueda, chassée de sa maison par la foule hurlante et réfugiée à la fonderie, lui prêtent un secours désespéré; la coulée jaillit, se répand dans les moules, tout est sauvé et la dernière des Aizgorri épousera un humble travailleur.

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Ce livre profondément tragique et significatif n'est pas écrit sous la forme d'un roman mais d'un drame. M. Pío Baroja l'intitule novela en siete jornadas. Seul l'épilogue adopte le discours indirect de la description et du récit. Étrange idée que celle de terminer ainsi par une sorte d'appendice réfrigérant et doucereux qui semble emprunté à la bibliothèque rose, une œuvre par ailleurs vibrante et cruelle! Sans doute l'auteur n'a-t-il pas voulu laisser la douce figure d'Agueda disparaître à nos yeux sur le fond sinistrement éclatant du métal en fusion, de l'usine en feu et du drapeau rouge déployé; la forme dramatique, trop précise, trop brutale, ne lui permettait pas d'atténuer graduellement les teintes, d'étouffer peu à peu les cris et les rumeurs avant de nous la faire voir une dernière fois s'estompant au loin sur la brume empourprée de l'aurore. Et c'est aussi que diverses influences semblent avoir agi tour à tour sur son esprit pendant qu'il écrivait La casa de Aizgorri. La sombre énergie de certains caractères, l'importance accordée aux forces irrésistibles de l'instinct atavique, le milieu même où se déroule l'action l'usine, la fonderie, le contremaître, les ouvriers, tout cela nous fait

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penser à quelque puissant dramaturge du Nord, à Ibsen peutêtre. Quant à l'atmosphère mystérieuse qui enveloppe l'action, à la couleur légendaire, aux décors falots et vieillots, à certains procédes de style, les critiques ont été d'accord pour les attribuer à une imitation directe de Maurice Maeterlinck. Et, en effet, c'est bien l'impression que nous donnent certaines scènes, notamment celle de la veillée où Agueda et Melchora, sa nourrice, entendent une voix lointaine qui crie: Amá!... Amá! et sentent passer la mort. On pense involontairement à une situation analogue de L'Intruse. Quelques phrases même sont si bien dans le ton de l'auteur belge qu'on dirait un pastiche:

AGUEDA

¿Qué serán aquellas luces que corren, alli, en el monte?

MELCHORA

Aquellas luces. ; ah!; ah !... ¿No sabe su merced de veras lo que son esas luces?

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Mais une observation un peu attentive fait voir que cette influence ne dépasse pas la surface. Le merveilleux de M. Baroja est tout autre que celui de M. Maeterlinck. Ce dernier crée des personnages imaginaires, leur donne des noms mystérieux et évocateurs, et les situe dans un décor de rêve. Là, ils évoluent en proie à des forces inconnues, échangeant des phrases étonnées, studieusement puériles et banales à dessein, qui empruntent à l'ambiance irréelle une signification lointaine et troublante. Dans La casa de Aizgorri, au contraire, nous trouvons des hommes et des femmes, portant des noms qui figurent au calendrier, occu

pant une place déterminéé dans le temps et dans l'espace, et le monde invisible auquel ils ont affaire c'est tout bonnement celui des gens superstitieux. La vieille Melchora croit au mauvais oil, aux esprits, aux revenants, à des choses effrayantes sans doute mais presque officielles, cataloguées et familières.

Quoi qu'il en soit, cette œuvre mérite de retenir notre attention; elle n'a pas été, croyons-nous, appréciée à sa juste valeur. La forme du roman dialogué convient à merveille au tempérament de M. Baroja. Après avoir lu La casa de dizgorri et Palafox rey qui relève du même procédé, on s'étonne qu'il n'ait pas abandonné le roman pour le théâtre. Il faudrait très peu de chose pour faire de celui qui nous occupe un drame poignant et profond. La psychologie subtile, la recherche des ressorts secrets de nos actions, l'analyse de nos états d'âme, la création des caractères qui préoccupent le romancier ne sont pas le fait d'un écrivain pour lequel tout est mouvement, tout est manifestation visible et tangible, tout se ramène au raccourci obligé et suggestif, à l'exagération des effets de l'œuvre dramatique. La mobilité d'esprit qui s'oppose à la lente élaboration de types solides et invariables trouve chez lui une heureuse contrepartie dans une vision très nette du trait saillant, de l'expression essentielle, et c'est ainsi qu'il campe en quelques lignes et qu'il soutient, grâce à l'excitation, à la provocation des répliques, tel personnage de théâtre qu'il eût laissé flotter au gré des circonstances après quelques pages de roman. Les caractères de La casa de Aizgorri sont, de ce fait, je ne dirai pas les plus curieux, mais les mieux frappés, les plus vrais, les plus achevés de M. Baroja et le plus bel éloge qu'on puisse en faire est de n'en citer aucun, car il faudrait les citer tous.

Quittant l'activité et la vie enfiévrée des contrées industrielles, les conflits tout modernes entre le capital et la main-d'œuvre, nous allons, sans sortir des Provinces Basques ni du temps présent, passer, avec El Mayorazzo de Labraz, dans un décor si dissemblable qu'il semblera que nous avons franchi des océans et

que nous avons reculé de deux siècles. Ce contraste entre l'agitation d'une civilisation avancée et l'immobilité lasse et dédaigneuse d'un peuple indifférent s'est-il reflété dans l'âme à la fois mystique et tumultueuse de M. Pio Baroja? Cette frèle hypothèse que je propose en passant ne doit pas être négligée en une matière où tout n'est qu'incertitude. Donc nous sommes à peu de distance de la côte Cantabrique, à Labraz, « ville agonisante, ville moribonde »> protégée par une enceinte de murs croulants contre les assauts du progrès. Pour se garder de toute contamination de l'esprit du mal, Labraz avait refusé noblement chemin de fer, fabriques et autres instruments de perdition, et obstinément et farouchement elle vivait dans le passé. « Era Labraz un pueblo terrible, un pueblo de la Edad media. No había calle que no fuese corcovada, las casas tenían todas escudos de piedra. Casi todas eran silenciosas y graves; muchas estaban desplomadas, completamente hundidas. » C'est au milieu de cette atmosphère de traditions vétustes, d'anachronismes violents, de cagoterie étroite, de préoccupations mesquines, de basse envie et de barbarie native, l'atmosphère de l'Orbajosa de Doña Perfecta, que va se dérouler l'action et que va se détacher la grande et tragique figure du Mayorazgo. Don Juan, el Mayorazgo, le dernier représentant de la vieille et noble famille de Labraz, était voué au pire destin. A la suite de la variole, il perd la vue et se confine dans sa vieille maison seigneuriale avec sa sœur Cesárea sur qui il concentre toutes ses affections et le fils adoptif d'un oncle défunt. Celui-ci, enfant de bohème, ramassé sur la route et introduit dans la famille par le caprice d'une aïeule romanesque, a gardé les instincts d'aventure et de rapine propres à sa race. Il séduit Cesárea et tous deux s'enfuient, laissant à D. Juan la petite Rosario, fruit de leurs amours. Le Mayorazgo souffre cruellement de cette tache à l'honneur de sa famille et plus encore de ce lâche abandon. Heureusement, une jeune fille, Micaela, dont les liens de parenté avec lui n'apparaissent pas clairement dans le livre, mais qui semble être une sœur cadette de Cesárea, vient rempla

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