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santo amico di Dio, e sempre si sforzò a dovere fermare i detti di filosofi alla santa fè cattolica."

Ces légendes effrayantes n'empêchaient pas des hommes actifs et laborieux de s'exercer à traduire les œuvres d'Aristote. Plusieurs abordaient directement le texte grec. Il faut surtout signaler parmi ces traducteurs, plus ardents qu'exacts, des membres de l'ordre des frères prêcheurs. Ces religieux, zélés missionnaires, avaient pour règle de s'instruire dans la langue du peuple qu'ils allaient évangéliser. Ils comptèrent parmi eux, au XIIIe siècle, plusieurs religieux sachant le grec; ils tenaient à faire traduire en cette langue les ouvrages dont pouvait s'honorer leur communauté. Ils avaient deux maisons à Constantinople, ❝ et envoyaient de là des prédicateurs dans tout l'Orient (1). ·

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Cependant la connaissance du grec n'a pu donner aux savants du moyen âge la critique qui leur a toujours fait défaut. Des traducteurs comme le dominicain Jofroi de Waterford ne savaient pas discerner avec netteté les livres apocryphes des livres authentiques du grand philosophe grec. Ils n'étaient pas plus coupables en cela que les grammairiens des derniers temps de la littérature hellénique; mais leurs erreurs prenaient quelque chose de singulièrement étrange. L'admiration de Jofroi de Waterford pour Aristote, le commerce direct qu'il pouvait avoir avec les manuscrits venus de Constantinople ou avec « les exemplaires de Paris ", ne l'ont pas empêché de prendre pour une œuvre du précepteur d'Alexandre le livre fameux intitulé le Secret des secrets, Secretum secretorum, ou de Regimine Principum.

Déjà, avant le XIII° siècle, Philippe, clerc de l'Église de Tripoli, en avait donné une version latine que saint

() Hist. litt. de la France, t. XXI, p. 216.

Thomas, Roger Bacon, Albert le Grand, ont quelquefois citée. Ce livre nous revient de droit dans ce travail, puisqu'il est donné par le traducteur comme un traité de gouvernement et de conduite tant privée que politique, envoyé par Aristote à son royal élève vainqueur de la Perse.

Le premier chapitre de ce livre est curieux; il est intitulé de la Louenge Aristotle. Nous y voyons qu'il fut adressé « par Aristotle, princes des philosophes, li fiuz de Nichomache de Machedoine, al sieu deciple Alixandre li rei renomez, qui fiuz eree Philippe li rei de Machedoine (1). "Nous y apprenons qu'Alexandre avait, dit-on, « deux cornes en semblance (2). »

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❝ Car ausi comme nature a porvues a acune maniere de bestes cornes en lieu d'armes por soi deffendre et garder, fait a entendre que de n. choses fu donné : sens ce ne se pot provinces bien garder et son roame a droit guier : c'est à dire povoir et savoir. »

Ces dons précieux du ciel n'auraient pas suffi seuls à Alexandre, car Aristote l'a puissamment secondé de son amitié, de ses conseils, de son dévouement. "... Aristotles a Alixandres fu druz amis et chiers, et por ce le fist il maistre et consilhier de son roame et chief de son consel; car il estoit hons de grant consel et de parfonde lettreure et de perchant entendement, et bien savoit les lois. De haute noureture estoit, bien esprovez et apris de toutes manières de sciences, visouges (sagesse), de grant amor, courtes et humles, et molt ama droiture et verité. "

Ce magnifique éloge des vertus humaines d'Aristote ne pouvait longtemps continuer sans qu'il s'y mêlât

(1) Ms fr. no 1822, p. 84, ancien 7856, 3, 3, col. 1.

(2) Certaines monnaies d'Alexandre le représentent avec des cornes de bélier, et aujourd'hui encore les Grecs modernes, qui confondent Iskander et Skanderbeg avec Alexandre, l'appellent « le Cornu. »

quelque chose de miraculeux; et, en effet, l'écrivain ajoute aussitôt : « Et por ce le tindrent pluisor a un prophete. Et est trovez es antif escris de grigois ke dieus son angle li tramist, ki li dist: Miex te nomerai angle ke home. De lui sunt pluisors merveilles et oivres estraingnes, ke trop me seroit a conter ou a escrire. Por quoi de sa mort troive lom escrit diversement. Car li uns dient qu'il monta en ciel en semblance d'une flambe. Et de ce ne se doit nus esmervilher tot fuist il paiens, car toz ceus ki devant la venue ou la naisence de Jhesu Crist tindrent la loi de nature come Job et pluisors autres furent savei. »

Dante, theologien plus rigoureux, se contentera de mettre Aristote en compagnie de tous les justes qui ont précédé Jésus-Christ. Dans le cercle où il rassemble Abel, Noé, Moïse, Abraham, Homère, Horace, Ovide et Lucain, Camille et Penthésilée, il n'y a ni peine ni douleur; le seul chagrin qui tourmente ces justes d'avant la loi de grâce, c'est de vivre dans le désir sans espérance :

E sol di tanto offesi,

Che senza speme vivemo in disio (').

Dans cet asile, Dante fera au philosophe grec une place d'honneur. Il le mettra au centre de la famille philosophique, en lui donnant la supériorité sur Socrate et Platon, ceux qui s'approchent le plus de lui :

(1) C. IV.

Poichè innalzai un poco più le ciglia,
Vidi 'l Maestro di color che sanno,
Seder tra filosofica famiglia.

Tutti lo miran, tutti onor gli fanno.
Quivi vid' io e Socrate, e Platone,
Che' nnanzi gli altri più presso gli stanno.

Le dominicain Jofroi de Waterford est plus hardi; il n'hésite pas, de sa propre autorité, à le mettre dans la gloire et dans le bonheur; il en fait un élu de Dieu.

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Après ce grand hommage, qui consacre devant l'Éternel la science du philosophe, on ne s'étonnera pas que Jofroi attribue au savoir du Stagirite toutes sortes d'heureux effets dans le cercle des événements humains. Jofroi ne balance donc pas à faire du précepteur d'Alexandre une sorte de Mentor dont la présence gardait son disciple de tout danger. Une fois éloigné de son maître, Alexandre ne pouvait qu'éprouver malheur. S'il mourut à Babylone, c'est qu'Aristote l'avait délaissé pour se livrer à l'étude. « Tant cum estoit Aristotles lez Alixandre asez estoit sain et vioubles (viable). Mais puis ke il, ensus de li, fu entendans a l'estude fu Alixandres envenimez. "

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Ne nous étonnons pas non plus d'entendre dire que le conquérant dut toutes ses victoires à son maître. «Par le consel Aristotle conquist il citez et signories, et toz venqui et pluisors roames gaaingna, et de tout le monde tute la roautei. Dont li renons de li par tout le monde s'espandi. Si ke touz li mondes et toutes gens a son empire et a son comandement furent suges, Arabis et Persans et tout li autre jusques en Inde quest la fin du monde en l'Orient, si que nulle gent n'osoit n'en dit n'en fait contrester a sa volentei (1).

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(1) Le manuscrit syriaque dont nous avons parlé plus haut ne semble pas donner de la sagesse d'Aristote une aussi belle idée; il nous le montre en défaut sur la fondation d'Alexandrie dans l'anecdote suivante: «And when Aristotle, the teacher of Alexander, heard about the building of this city. he sent to him: "No, master, do not begin to build so large and spacious city, and place in it men of various countries and different tongues, lest they revolt from serving you, and take the city from you. And moreover, if the city should make a feast and sports heralds could in several days only give notice among the people. And if all the world assemble, and all the barleybread that exists in your dominions, be collected in one place, for provision, they, will not suffice for food for the people in it.",

Reprenant cette fable déjà vieille du commerce épistolaire qui ne cessa d'exister entre le maître et l'élève, Jofroi nous donne deux échantillons de cette correspondance : « Aristotles envoa pluisors epistles a Alixandre des quez ceste est une et fait a entendre tout le livre du gouvernement des rois.-L'oquoison de ceste epistle fu teile. Quant Alixandre avoit Perse conquise, por ce que acun du peuple contre lui furent revelei (p. e. rebelei), envoa ses epistles a Aristotles en ceste forme: A noble maistre de droiture gouverneor de veritée Aristotle, le sien deciple Alixandre, salus. A ta cointise fai a savoir que je ai trové en la terre de Perse une gent plaine de raison et de parfont entendement et de perchant engin ke sur autres convoitent la signorie, por quoi les pensames toz destruire. Ce que toi iert avis sor chou nos fais asavoir par tes lettres."

"A qui Aristotles ensi respondi: «Se vos poez changier l'air et l'èvve de cette terre et surque tout l'ordenement des citez, parfaites vostre propos. Se ce non, governez les avoic bienvoilhance et debonnaireteiz; car se chou fachiez avoir poez esperance avoic l'aide de Deu que tout serunt obeissans, et gouverner les poez en bone pais.» Et quant Alixandre out recheue l'espitre fist solom son consel par quo ceux de Perse li furent suges plus que nulle gens."

La Perse vaincue, Alexandre vole dans l'Inde, tandis qu'Aristote «fu demorez en Gresce a l'estude". Mais le roi ne pouvait se passer de ses conseils. Une fois de plus, il députa vers son maître en le priant de venir auprès de lui; mais le studieux philosophe, qui ne pouvait << en bonne manière l'estude gerpir, rescrist al roi en ceste forme : « O fiz tres gloirious, tres droituriers empereres, Dieus te conserve en santé de veritei et de droiture et de vertu, et encor referme toz apetis bestiaus, et ton engin alume al service et a l'onor.de

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