Imágenes de página
PDF
ePub

toribusgræcis et latinis ab Homero ad initium sæculi post Christum natum decimi sexti (1708) n'aient fait aucune mention des hellénistes italiens, dont ils s'est appliqué à retirer les noms de l'oubli où ils étaient tombés. Laurent Inghevald, Laurent Reinhard, ont partagé la même erreur. Quand ils ont voulu parler de la restauration des lettres grecques en Italie, en Allemagne, en France, ils ont négligé d'étudier le moyen âge. Ils ne font remonter qu'à Manuel Chrysoloras, les premières connaissances du grec en Europe ('). Humphry Hody (1742) va un peu plus loin dans son livre De Græcis illustribus linguæ Græcæ, etc, mais il ne dépasse pas l'époque où vivaient Pétrarque et Boccace, auxquels il attribue la gloire de s'être les premiers appliqués à l'étude de la langue grecque. Eusèbe Renaudot, dans sa dissertation sur les Traductions Arabes d'Aristote, n'est guère plus favorable au moyen âge que les auteurs cités plus haut. Il n'attribue qu'à un très-petit nombre de savants la connaissance des lettres grecques. Il affirme que, malgré la fréquence des relations de l'Occident avec Constantinople, nos écrivains n'ont presque point tiré profit des livres grecs (3).

Adrien Valois était mieux renseigné quand, dans ses notes sur un éloge anonyme de l'empereur Béranger, publié par Muratori (3), il disait que depuis

(1) P. 10.

(2) P. 21. « Licet ab auno 1096, quo Hierosolymitana urbs in christianorum potestatem venit, multa essent Græcos inter, atque Europæos commercia, pauci tamen admodum ex istorum numero græce sciebant, et ex ipsa Græcia studiis humanioribus, aut philosophicis subsidium ex transmarina expeditione exiguum omnino comparatum est, vel prope nullum. »

(3) T. II, p. 1. Scriptorum rerum Italicarum, p. 587. «Post occupatum a Carolo magno imperium occidentis, cum nostros inter et Græcos crebra essent epistolarum commercia, coepit in occidentalibus nosci, et in usu esse lingua græca, quod qui scriptores nostros Eginardum, Abbonem, Luitprandum, Dudonem, aliosque legerit facile agnoscet græca verba, aut proverbia latinis inserta. >

Charlemagne, la langue grecque avait été connue et usitée dans l'Occident.

C'est à dissiper cette ignorance presque générale, et à réparer l'injustice faite aux Italiens hellénisants que Gradenigo a consacré ses efforts.

Au commencement du XIe siècle, on vit apparaître en Italie quelques lueurs des études grecques. Des artistes venus de Constantinople fondirent les portes de la basilique Saint-Paul à Rome, et l'on y pouvait lire en caractères grecs les noms de quatre prophètes, Baruch, Ezechiel, Daniel et Joël (1). C'était en introduisant à Rome tout à la fois leurs arts et leur langue que les moines grecs payaient l'asile, que les papes leur accordaient avec une si grande bienveillance (2).

Dès le XI° siècle à Rome, l'usage du grec s'était introduit dans la liturgie et dans le chant des psaumes. A Saint-Pierre, le grec s'unissait avec le latin dans la célébration des louanges du Seigneur. Les psaumes, les leçons, les symboles et d'autres prières se chantaient souvent dans les deux langues, comme on peut le voir dans les livres de liturgie publiés par le cardinal Tommasi et par Mabillon (3). On en trouve encore une preuve dans les lignes suivantes tirées d'un opuscule intitulé, Bibliotheca Veronensis MS, produit par le marquis Maffei : « Apostolorum symbolum et oratio dominica super masculos et feminas dicuntur et expo

66

(1) VIII® s. « Quare et in valvis æneis seculo XI, pro eadem basilica S. Pauli via ostiensi constructa, tam majores quos vocant, quam minores (propheta) recensentur ut constat ex litteris superstitibus quamplurium ex unoque numero ibidem adhuc spectandis nempe BAPOYX, IEZEXIHA, AANI HA, IQHA. » P. 29.

(2) P. 30. Ut enim ea ætate (dit Fapebrok), frequentes e græcia adveniebant monachi eleganter scribendi pingendique periti iconomachorum principum declinantes vesaniam; ita eorum imitatio passim crescebat in monasteriis, et græcanicæ litteraturæ affectatio placere incœperat etiam latine scribentibus.

(3) P. 31.

nuntur græca et latina lingua »; et ailleurs : « Leguntur igitur (sabbatho sancto) in quibusdam ecclesiis XXIV lectiones, XII græce, XII latine; græce propter auctoritatem LXX interpretum, quorum auctoritas floruit in græcia; latine propter auctoritatem Hieronymi, cujus translatio prævaluit in italia. » Il est vrai de dire que les lignes grecques sont écrites en caractères latins, et cela ne nous oblige pas à croire que le grec fût alors connu de ceux qui lisaient ou récitaient ces leçons (1).

Au même siècle on trouve des actes publics écrits en grec et en latin. Gradenigo en rapporte deux exemples. Un jugement rendu à Pavie en présence de l'empereur Henri II, l'an mil quatorze, offre entre autres signatures, la suivante écrite en grec et en latin Sicgefredus ΣYTHOPHAOYE (2). Une seconde ordonnance rendue au nom de l'empereur dans la même année, à Pavie, offre la même signature en deux langues; on rencontre encore la même particularité dans une charte de l'année 1043 (3).

Voici des preuves plus concluantes: Un certain Papias appelé Papia Lombardo, a écrit, vers l'an mil, un dictionnaire latin étymologique, ou élémentaire dédié à

(1) P.33. La France, à la mème époque, ne restait pas en arrière dans l'étude du grec, s'il est vrai que le duc Richard II, mort en 1028, attirait près de lui par ses bienfaits et ses récompenses, des évêques, des clercs, des abbés, des moines. On vit même des Grecs et des Arméniens quitter leurs pays et aller illustrer la Normandie par leur présence et leur savoir. Tous les ans, il venait auprès de lui un moine du mont Sinaï, Saint Siméon, qui savait cinq langues : l'égyptien, le syriaque, l'arabe, le grec et le latin. C'est de là sans doute que vient le manuscrit grec signalé par les rédacteurs de l'Histoire littéraire de la France, sous le n° 4954, qui contient l'office ecclésiastique à l'usage des grecs. Il y est marqué qu'il fut fait en 1022 par uu moine nommé Hélie. « Et ce qui fait croire que ce copiste était normand et qu'il écrivait en Normandie, c'est que son manuscrit est enrichi de l'alphabet des norvégiens. Il y a beaucoup d'apparence que l'original sur lequel fut faite cette copie, avait été apporté en France par quelqu'un de ces moines grecs, qui y venaient recueillir les aumônes du duc Richard.» (Hist. litt. de la France, t. VII. p. 67.)

(2) Muratori, Antichità Estensi, c. 54. (3) P. 33.

ses fils. L'ouvrage manuscrit a été vu à Turin par Gradenigo. Partout où il se présente quelque mot grec, Papia en donne la signification en latin; il interprète les mots grecs avec assez de compétence. L'exemple suivant avait déjà frappé le marquis Maffei au mot Charité, Papia cite cinq vers d'Hésiode, tirés de l'original grec. Voici comment il les donne et la traduction dont il les fait suivre :

Τρίς δὲ οἱ εὐρυνομυ χαρίτας τεκε καλλιπάρηους
Ωλεανοῦ κουρη πολυήρατον είδος εδοσα
Αγλαϊην χαι ευφροσυνεν θαλίηντ ερατεινσω
Των κι απο Βλεφαρων ἔρος ειδεται δερχομεναων
Λυσιμελεσ χαλον δηποφρυοι δαχρυονται.

Trisque Jovi charitas præstanti corpore nata
Oceano tulit Eurinone. Si nomina quæris,
Aglaje prima: Euphrosine Thalieque sequuntur.
Ex oculis pulchrum aspiciunt intentius harum.
Sidereis irrorat amor lascivus ocellis (').

Cette citation se trouve à la page 26 du dictionnaire de Papia. Il adressait son ouvrage à ses fils.

Dominico Marengo, Patriarche de Venise, fut beaucoup plus versé que Papia dans la connaissance de la langue grecque. En l'année 1073 il fut envoyé par Grégoire VII vers l'empereur Michel, à Constantinople, pour rétablir l'unité entre les deux églises. Il écrivit à Pierre, évêque d'Antioche, une lettre en grec, que Cotelier a publiée dans le tome second des Monuments de l'Eglise grecque. Ducange fait mention de cet écri

(1) Voici les vers d'Hésiode si cruellement défigurés :

Τρεῖς δὲ οἱ Εὐρυνόμη Χάριτας τέκε καλλιπαρήους
Ὠκεανοῦ κούρη, πολυήρατον εἶδος ἔχουσα,
Αγλαίην τε καὶ Εὐφροσύνην, Θαλίην τ' ἐρατεινήν·
Τῶν καὶ ἀπὸ βλεφάρων ἔρος εἴβετο δερκομενάων
Λυσιμελής · καλὸν δὲ θ ̓ ὑπ ̓ ὀφρύσι δερκιόωνται.
Θεογονία, 907.

vain à la page XLIV du tome II de son glossaire Medic et infimæ græcitatis (1).

André de Milan, Ambroise de Bergame sont désignés par Landolfo, au tome quatrième des Historiens de l'Italie, comme ayant été versés tous les deux dans la connaissance du grec. On y lit en effet les mentions suivantes : «De decumanis (dignité spéciale de l'Eglise de Saint-Ambroise) autem Andreas Sacerdos in divinis et humanis, græcis et latinis sermonibus virilis, seu decorus. » Au chapitre 23o du même ouvrage, on lit : « Sermo Ambrosii in latinis litteris et græcis eruditi ; ideo biffarius dictus (2). "

Sur la fin du XIe siècle, l'an 1086, un italien du nom de Jean passa à Constantinople et s'y fit remarquer par les doctrines étranges qu'il y répandit. Muratori, au tome III des Antiquités d'Italie pendant le moyen âge, cite le jugement que porte sur lui Anne Comnène au livre Ve de l'Histoire d'Alexis. Cotelier (3) déclare qu'il est connu des gens même d'une instruction médiocre. Il y a lieu de s'étonner que Fabricius n'en ait rien dit dans sa Bibliothèque, mediæ et infimæ ætatis (*).

Quoiqu'il faille bien se garder d'attribuer à Jean l'italien les éloges qu'Anne Comnène fait de Michel Psellus, erreur qu'avait commise Muratori, il n'en est pas moins vrai, qu'au, témoignage de la princesse Anne, Jean interprétait dans des leçons publiques, à Constantinople, les philosophes les plus renommés de

(1) P. 44.

(2) P. 44.

(3) T. 1, p. 375. dans les notes de ses Monumenta Ecclesiæ Græcæ. Paris, 1677.

(') Edit. de Paris 1651, p. 144, de Venise 1720, p. 115. Voici le passage d'Anne Comnene : Παιδείας τοίνυν λογικῆς ἐξ ἐκείνων μετασχῶν καὶ Μιχαὴλ ἐκείνῳ τῷ Ψελλῷ ἐν ὑστέρῳ προσωμίλησεν, ὃς οὐ πάνυ τοι παρὰ διδασκάλοις σου φοῖς ἐφοίτησε. Διὰ φύσεως δὲ δεξιότητα, καὶ ὀξύτητα... εἰς ἄκρον σοφίας ἁπάσης ἐληλακώς, καὶ τὰ Ἑλλήνων, καὶ τὰ Χαλδαίων ἀκριβωσάμενος, γέγονε τοῖς τότε χρόνοις περιβοήτος ἐν σοφίᾳ. Τούτῳ γοῦν ὁ Ἰταλὸς προσομιλήσας...

« AnteriorContinuar »