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<< Jehan de Neelle, le seigneur de Heilly, Charles de << Savoisis, Anthoine de Craon, Anthoine des Essars, « Jehan de Courcelles, Pierre de Fontenay et Maurice « de Ruilly'. Tous ceulx, par force et par violence..., « militent et tiennent le lieu des bons preudhommes... « Et n'est mie vray semblable que, tant longuement. << qu'ilz soient et demeurent avecques vous en vostre « service....., bonne paix ne bon regime puist estre en << vostre royaume. Car tousjours empeschent et empes<< cheront que vous ne faciez le bien de justice à moy « ne à autre... Et ce font et feront pour ce qu'ilz se << sentent chargez et souvent coulpables de plusieurs «< crimes et malefices, dont aucuns d'eulx, c'est assa« voir Jehan de Neelle et le sire de Heilli, (qui) sont « coulpables de la cruelle et enorme mort de mondit << seigneur...; ilz sont tous serviteurs jurez ou pension«naires... audit duc de Bourgoingne... Je vous requiers << et supplie cordialement, tant comme je puis, que, pour «<le bien et honneur de vous..., ilz soient prins et que « de eulx..... soit faicte bonne justice. Et vueillez aussi « debouter hors et eslongner de vous les complices, << facteurs et favorisans dudit duc de Bourgongne, « vostre ennemy, et convoquer à vostre Conseil et << service les bons et loyaulx conseillers et autres bons preudommes, lesquelz souffisans trouverez en vostre « royaume. » Les mêmes » Les mêmes plaintes furent répétées,

1. C'est de lui qu'Eustache de Pavilly disait, le 14 février 1413, en s'adressant au Roi. « Est venu ung autre office qu'on appelle la garde des coffres, lequel office tient Marice de Ruilly, pour lequel il reçoit chascun jour pour l'ordinaire x escus d'or en monnoie, qui se doit bailler et donner en vostre main pour en faire ce que bon vous en semble. Mais il n'y a croix; car il l'a distribué à son plaisir... » (Monstrelet, t. II, p. 315.)

2. Monstrelet, t. II, p. 118-120. Cf. Geste des nobles, p. 132; Chronique des Cordeliers, p. 206; Journal de Nicolas de Baye, t. II, p. 13 et 300.

aussi inutilement, dans le courant du mois de juillet : << Entre les autres choses, fut appoincté que ceulx qui « adonc entour vous et vostre Conseil demoureroient << seroient hommes non suspetz, non favorables, non « serviteurs, non pensionnaires d'une partie ne d'autre. « Et il (le duc de Bourgogne) a laissé ses serviteurs et « officiers, voire les principaulx, par le moien des« quelz il a tousjours l'auctorité, le regime et le gou« vernement de vostre royaume mieulx et plus seure<< ment que s'il y estoit en personne. » Le duc de Bourgogne, de son côté, soutint qu'il avait loyalement observé le traité de Bicêtre, dénonça les conseillers placés auprès du Roi par les Armagnacs et déclara que, sur tous les points, les princes d'Orléans avaient menti << comme faux, mauvais et des loyaux traistres ». Ce langage donna le signal de la plus affreuse guerre civile.

A cette époque, le Conseil offrait encore le spectacle de deux factions en présence: les Armagnacs, malgré leur infériorité, y comptaient toujours un certain nombre de représentants. Il n'en fut plus ainsi quand le comte de Saint-Pol, capitaine de Paris, eût lâché la bride à ses nouveaux auxiliaires, les bouchers et les écorcheurs. Le règne de Caboche s'ouvrit par l'expulsion violente de tous les partisans des ducs d'Orléans et de Berry. Un prélat déjà plusieurs fois cité au cours de cette étude, Simon de Cramaud, archevêque de Reims, se retira dans son diocèse il ne pouvait plus siéger dans un Conseil où les frères Legoix' étaient admis à

1. Monstrelet, t. II, p. 142.

Religieux de Saint-Denys, t. IV, p. 418 et suiv. Jouvenel des Ursins, édit. Michaud et Poujoulat, p. 462.

2. Jouvenel des Ursins, p. 466.

Chronique des Cordeliers, p. 206, etc.

3. Sur ces trop fameux personnages, voir une note de M. A. Tuetey (Journal

d'un bourgeois de Paris, p. 37).

présenter eux-mêmes les suppliques, c'est-à-dire les ordres de la populace. L'évêque de Saintes Bernard de Peyrusse fut trop heureux d'en pouvoir faire autant : une allusion imprudente aux torts de Jean sans Peur avait failli lui coûter la vie 1. Tous les autres conseillers favorables aux Armagnacs quittèrent ainsi la capitale; seuls les partisans du duc de Bourgogne purent demeurer sans péril, et, de fait, à partir du mois d'août 1411 jusqu'au 14 juillet 1412, date de la conclusion de la paix, les listes de conseillers jointes aux chartes royales ne nous offrent que de longues énumérations de conseillers bourguignons. Heureux encore quand la formule finale ne mentionne pas la présence au Conseil de « plusieurs notables bourgeois et habitans de Paris' » : c'est ainsi que, dans le style de la chancellerie royale, étaient sans doute désignés les redoutables chefs de la corporation des bouchers.

La paix d'Auxerre fit rentrer, pour quelques mois, tous les princes et, avec eux, la discorde au Conseil. Quoi d'étonnant à ce que le fonctionnement d'un corps composé d'éléments aussi complètement disparates ait excité les vives critiques de l'Université de Paris? Le chapitre consacré au Conseil n'est pas un des moins

1. Religieux de Saint-Denys, t. IV, p. 445 et 451. Simon de Cramaud et Bernard de Peyrusse apparaissent pour la dernière fois au Conseil le 20 juillet 1411 (DOUET D'ARCQ, Choix de pièces inédites, etc., t. I, p. 343).

2. Vers cette époque, un nommé Jacques Mestreau, roi d'armes de Champagne, se laissait aller à exprimer ainsi son mécontentement on avait ôté, disait-il, du Grand Conseil « les bons proudommes qui desjà s'en estoient alez, comme le sire de Blarru, le sire de Torcy et autres »; le Roi était « mal conseilliez ». (Rėmis. sion de février 1412, citée par M. Tuetey, Journal d'un bourgeois de Paris, p. 19, note 2.)

3. Ordonnances, t. IX, p. 637, 641 et 653. p. 605 et 625.

Religieux de Saint-Denys, t. IV,

véhéments du long mémoire lu, le 14 février 1413, en présence du duc de Guyenne, du Grand Conseil et des États « Et quant à ung Grant Conseil, disait en << s'adressant au Roi l'orateur de l'Université, on n'y «tient point telle ordonnance qu'il appartendroit « bien. Car chascun [y] est apperceu, et toutesfois n'y << doivent estre que preudommes et sages, tant clercs << comme chevaliers, en nombre competent, prenans << pension et gaiges de vous et non de quelzconques « autres seigneurs (l'Université regrettait, on le voit, « l'inexécution du traité de Bicêtre, dont elle avait eu << d'ailleurs l'honneur d'indiquer les bases), ai[a]ns << l'ueil à vostre prouffit et à vostre honneur et de << vostre royaume et à la conservacion de vostre cou<< ronne et seigneurie. Et advient maintes foiz que, pour << la grande multitude qui y est, et les requestes qui « vous sont faictes, voz besongnes en sont delaissées. << Et, quant une bonne besongne y est prinse, comme il << advient aucunez foiz, elle demeure à estre executée << et sans estre mise à fin, combien que souveraine<< ment vous touche. Et aussi devroient les ambaxa« deurs, tant estranges comme autres, estre expediez. « Et, quant une conclusion est prinse par meure deli<< beracion, elle ne devroit point estre rompue pour << ung peu de gens, comme il arrive souvent. Et est << grant inconvenient de oyr les complaintes qui se << font pour la longue expedicion en voz besongnes, « regardans la debilité de vostre royaume. Et mesme<<<ment on voit le seigneur de Montberon', le viconte

1. Jacques de Montberon et sa femme, Marguerite, comtesse de Sancerre, disputaient à Bérault, dauphin d'Auvergne, comte de Clermont, fils aîné de Mar

« de Murat' et ceulx de la Rochelle complaignans sur « ce que vostre Conseil ne leur fait bonne expedicion; << et ce qu'ilz poursuivent est pour le bien de vostre « royaume; et dient les aucuns que, se autre provision « n'y est mise, il fauldra neccessairement qu'ilz facent << paix avecques voz ennemis et par ainsi estes vous << en voie de perdre plusieurs de voz bons vassaulx'. »

Quand ensuite l'Université passait des doléances aux requêtes, elle montrait une certaine timidité, justifiée par l'insuccès de ses précédentes demandes. Au lieu de réclamer, comme en 1410, l'éloignement des princes, elle se bornait à supplier qu'on leur adjoignît des conseillers vraiment dignes de ce nom. A peine indiquait-elle vaguement son désir de voir le Conseil élu « par bonne et vraye election », ce qui impliquait peut-être, dans sa pensée, l'intervention des États, mais ce qui pouvait aussi s'entendre d'un choix sérieux fait par les princes : « Et il nous semble, qu'on devroit << eslire par bonne et vraye election certains bons et « sages hommes, afin qu'ilz soient seulz et pour le « tout à vostre Conseil avec ceulx de vostre lignage, << afin de vous loyaument conseiller et advertir de vos « besongnes et de vostre royaume, et qu'en ce faisant

guerite, la propriété du comté de Sancerre et de diverses seigneuries sises en Auvergne, en Touraine et dans le Berry (A. TUETEY, Journal de Nicolas de Baye, t. I, p. 243).

1. Il s'agit d'un grand procès pendant depuis plus de dix ans au sujet de la vicomté de Murat; elle avait été adjugée à Renauld de Murat par un arrêt du Par lement du 11 avril 1403, exécuté à main armée, et contre lequel Pons de Cardilhac n'avait cessé de réclamer (Journal de Nicolas de Baye, t. I, p. 18, 58, 154, 183, 288).

2. Le texte du mémoire est ainsi reproduit par Monstrelet ( t. II, p. 320). Nous avons donné ailleurs (Étude historique sur le Conseil du Roi, p. cr) un extrait du mêine réquisitoire d'après le Religieux de Saint-Denys.

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