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profonde que l'athéisme y creusait en silence.. La religion est surtout faite pour ceux qui s'élèvent entre les hommes. Elle est placée auprès des trônes, comme ces vulnéraires qui croissent sur le sommet des Alpes, là où les chutes sont plus terribles.

Il est probable que les deux satyres de M. Gilbert, et quelques strophes de ses odes resteront à notre littérature. Ce jeune poète, mort avant d'avoir perfectionné son talent, n'a ni la grâce et la légèreté d'Horace, nila belle poésie et l'excellent goût de Boileau. Il tourmente sa langue, il force l'inversion, il tire ses métaphores de trop loin, son talent est capricieux et sa muse quinteuse mais il a des mots piquans, des expressions créées, des vers bien frappés, et souvent la verve de Juvénal. Grâce au rétablissement des temples en France, nous n'avons plus besoin de nouveaux Gilbert, pour décrire les maux de la religion, maiș de poètes pour chanter ses triomphes. Déjà nos littérateurs les plus distingués, les Delille, les Laharpe, les Fontanes, les Bernardin de Saint-Pierre ont consacré leurs veilles à des sujets religieux. Un nouveau dé TOME II.

F

fenseur, M. de Bonald, par la profondeur de ses idées et la puissance de son raisonnement, développe la haute et prévoyante sagesse des institutions chrétiennes. Tout ce qui annonce quelque talent parmi la jeunesse, revient à ces principes sacrés qui ont fait dire à Quintilien: "Si tu crois, tu seras bientôt instruit des devoirs d'une bonne et heureuse vie." Brevis est institutio vita honesta beataque, si credas.

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ANALYSE DE L'OUVRAGE

DE M. DE BONALD,

Intitulé," Législation primitive, considérée dans les derniers Temps par les seules Lumières de la Raison,"

S PEU d'hommes naissent avec une disposition particulière et déterminée à un seul objet qu'on appelle talent; bienfait de la nature, si des cir constances favorables en secondent le développe ment, en permettent l'emploi ; malheur réel, tourment de l'homme, si elles le contrarient."

Ce passage est tiré du livre même que nous examinons. Rien n'est plus touchant et en même temps plus triste que les plaintes involontaires qui échappent quelquefois au véritable talent. L'auteur de la Législation primitive, comme tant d'écrivains célèbres, semble n'avoir reçu les dons, de la nature que pour en sentir les dé

goûts. Comme Epictète, il a pu réduire la philosophie à ces deux maximes: "Souffrir et s'abstenir" avexou xai aixo. C'est dans l'obscure chaumière d'un paysan d'Allemagne, au fond d'une terre étrangère qu'il a composé sa Théorie du Pouvoir politique et religieux, (ouvrage supprimé en France par le Directoire); c'est au milieu de toutes les privations de la vie; et encore sous la menace d'une loi de proscription qu'il a publié ses observations sur le divorce; traité admirable, dont les dernières pages surtout sont un modèle de cette éloquence de pensées, bien supérieure à l'éloquence des mots, et qui soumet tout, comme le dit Pascal, par droit de puissance; enfin c'est au moment où il va abandonner Paris, les lettres et pour ainsi dire son génie, qu'il nous donne sa Législation primitive: Platon couronna ses ouvrages par ses lois, et Lycurgue s'exila de Lacédémone après avoir établi les siennes. Malheureusement nous n'avons pas, comme les Spartiates, juré d'observer les saintes lois de notre nouveau législateur. Mais que M. de Bonald se rassure quand on joint comme lui l'autorité des bonnes mœurs à l'autorité du génie; quand on

n'a aucune de ces faiblesses qui prêtent des armes à la calomnié et consolent la médiocrité, les obstacles tôt ou tard s'évanouissent, et l'on arrive à cette position où le talent n'est plus un malheur, mais un bienfait.

Les jugemens que l'on porte sur notre littérature moderne, nous semblent un peu exagérés. Les uns prennent notre jargon scientifique, et nos phrases ampoulées pour les progrès des lumières et du génie; selon eux la langue et la raison ont fait un pas depuis Bossuet et Racine: quel pas! Les autres, au contraire, ne trouvent plus rien de passable: et, si on veut les en croire, nous n'avons pas un seul bon écrivain. Cependant, n'est-il pas à-peu-près certain qu'il y a eu des époques en France où les lettres ont été audessous de ce qu'elles sont aujourd'hui ? Sominesnous juges compétens dans cette cause, et pouvons-nous bien apprécier les écrivains qui vivent avec nous ? Tel auteur contemporain dont nous sentons à peine la valeur sera peut-être un jour la gloire de notre siècle. Combien y a-t-il d'années que les grands hommes du siècle de Louis XIV sont mis à leur véritable place? Racine et la

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