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DÉFENSE

DU GÉNIE DU CHRISTIANISME.

Il n'y a peut-être qu'une réponse noble pour un auteur attaqué, le silence. C'est le plus sûr moyen de s'honorer dans l'opinion publique.

Si un livre est bon, la critique tombe; s'il est mauvais, l'apologie ne le justifie pas.

Convaincu de ces vérités, l'auteur du Génie du Christianisme s'était promis de ne jamais répondre aux critiques. Jusqu'à présent il avait tenu sa résolution.

Il a supporté sans orgueil et sans découragement les éloges et les insultes les premiers sont souvent prodigués à la médiocrité, les secondes au mérite.

Il a vu avec indifférence certains critiques passer de l'injure à la calomnie, soit qu'ils aient pris le silence de l'auteur pour du mépris, soit qu'ils n'aient pu lui pardonner l'offense qu'ils lui avaient faite en vain.

Les honnêtes gens vont donc demander

pourquoi l'auteur rompt le silence, pourquoi il s'écarte de la règle qu'il s'était prescrite?

Parce qu'il est visible que sous prétexte d'attaquer l'auteur, on veut maintenant anéantir peu de bien qu'a pu faire l'ouvrage.

le

Parce que ce n'est ni sa personne ni ses talens vrais ou supposés que l'auteur va défendre, mais le livre lui-même; et ce livre, il ne le défendra pas comme ouvrage littéraire, mais comme ouvrage religieux.

Le Génie du Christianisme a été reçu du public avec quelque indulgence. A ce symptôme d'un changement dans l'opinion, l'esprit de sophisme s'est alarmé, il a cru voir s'approcher le terme de sa trop longue faveur. Il a eu recours à toutes les armes, il a pris tous les déguisemens, jusqu'à se couvrir du manteau de la religion, pour frapper un livre écrit en faveur de cette religion même.

Il n'est donc plus permis à l'auteur de se taire. Le même esprit qui lui a inspiré son livre, le force aujourd'hui à le défendre. Il est assez clair que les critiques dont il est question dans cette Défense, n'ont pas été de bonne foi dans

leur censure: ils ont feint de se méprendre sur le but de l'ouvrage ; ils ont crié à la profanation; ils se sont donné garde de voir que l'auteur ne parlait de la grandeur, de la beauté, de la poésie même du christianisme, que parce qu'on ne parlait, depuis cinquante ans, que de la petitesse, du ridicule et de la barbarie de cette religion. Quand il aura développé les raisons qui lui ont fait entreprendre son ouvrage, quand il aura dé signé l'espèce de lecteurs à qui cet ouvrage est particulièrement adressé, il espère qu'on cessera de méconnaître ses intentions et l'objet de son travail. L'auteur ne croit pas pouvoir donner une plus grande preuve de son dévouement à la cause qu'il a défendue, qu'en répondant aujour d'hui à des critiques, malgré la répugnance qu'il s'est toujours sentie pour ces controverses.

On a d'abord demandé si l'auteur avait le droit de faire cet ouvrage.

Cette question est sérieuse ou dérisoire. Si elle est sérieuse, le critique ne se montre pas fort instruit de son sujet.

Qui ne sait que dans les temps difficiles, tout chrétien est prêtre et confesseur de Jésus

Christ? La plupart des apologies de la religion chrétienne ont été écrites par des laïques. Aristide, Saint Justin, Minucius, Félix, Arnobe et Lactance étaient-ils prêtres? Il est probable que Saint Prosper ne fut jamais engagé dans l'état ecclésiastique, cependant il défendit la foi contre les erreurs des sémi-pélagins; l'église cite tous les jours ses ouvrages à l'appui de sa doctrine. Quand Nestorius débita son hérésie, il fut combattu par Eusèbe, depuis évêque de Dorylée, mais qui n'était alors qu'un simple avocat. Origène n'avait point encore reçu les Ordres, lorsqu'il expliqua l'Ecriture dans la Palestine, à la sollicitation même des prélats de cette province. Démétrius, évêque d'Alexandrie, qui était jaloux d'Origène, se plaignit de ces discours comme d'une nouveauté: Alexandre, évêque de Jérusa lem, et Théocrite de Césarée, répondirent "que c'était une coutume ancienne et générale dans l'Eglise, de voir des évêque se servir indifféremment de ceux qui avaient de la piété et quelque talent pour la parole." Tous les siècles

* S. Hieron. Dial. c. Lucif.

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offrent les mêmes exemples. Quand Pascal entreprit sa sublime apologie du christianisme, quand la Bruyère écrivit si éloquemment contre les Esprits-forts, quand Leibnitz défendit les principaux dogmes de la foi, quand Newton donna son explication d'un livre saint, quand Montesquieu fit ses beaux chapitres de l'Esprit des lois, en faveur du culte évangélique, a-t-on demandé s'ils étaient prêtres ? Des poètes même ont mêlé leur voix à la voix de ces puissans Apologistes, et le fils de Racine a défendu en vers harmonieux, la religion qui avait inspiré Athalie à son père.

Mais si jamais de simples laïques ont dû prendre en main cette cause sacrée, c'est sans doute dans l'espèce d'apologie que l'auteur du Génie du Christianisme a embrassée; genre de défense commandait impérieusement le genre

que

d'attaque, et qui (vu l'esprit des temps) était peut-être le seul dont on pût se promettre quelque succès. En effet, une pareille apologie ne devait -être entreprise que par un laïque. Un ecclésiastique n'aurait pu, sans blesser toutes les convenances, considérer la religion dans ses rapports

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