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cet article n'en eût pas été persuadé d'avance, il en serait maintenant convaincu par la scène qui se passe sous ses yeux. Quelle est cette puissance extraordinaire qui promène ces cent mille chrétiens sur ces ruines? Par quel prodige la croix reparaît elle en triomphe dans cette même cité où naguères une dérision horrible la traînait dans la fange ou le sang? D'où renaît cette solennité proscrite? Quel chant de miséricorde a remplacé si soudainement le bruit du canon, et les cris des chrétiens foudroyés ? Sontce les pères, les mères, les frères, les sœurs, les enfans de ces victimes qui prient pour les ennemis de la foi, et que vous voyez à genoux de toutes parts, aux fenêtres de ces maisons délâbrées, et sur les monceaux de pierres où le sang des martyrs fume encore? Les collines chargées de monastères, non moins religieux, parce qu'ils sont déserts; ces deux fleuves où la cendre des confesseurs de Jésus-Christ a si souvent été jetée; tous les lieux consacrés par les premiers pas du christianisme dans les Gaules; cette

* L'auteur écrivait ceci à Lyon le jour de la Fête-Dieu.

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grotte de Saint Pothin, les catacombes d'Irénée, n'ont point vu de plus grands miracles que celui qui s'opère aujourd'hui. Si en 1793, àu moment des mitraillades de Lyon, lorsque l'on démolissait les temples et que l'on massacrait les prêtres; lorsqu'on promenait dans les rues un âne chargé des ornemens sacrés, et que le bourreau, armé de sa hache, accompagnait cette digne pompe de la raison; si un homme eût dit alors: "Avant que dix ans se soient écoulés, un prince de l'église, un archevêque de Lyon, portera publiquement le saint-sacrement dans les mêmes lieux ; il sera accompagné d'un nombreux clergé, de jeunes filles vêtues de blane; des hommes de tout âge et de toutes professions, suivront, précéderont la pompe, avec des fleurs et des flambeaux'; soldats trompés, que l'on a armés contre la reJigion, paraîtront dans cette fête pour la protéger." Si un homme, disons-nous, eût tenu un pareil langage, il eût passé pour un visionnaire ; et pourtant cet homme n'eût pas dit encore toute la vérité! La veille même de cette pompe, plus de dix mille chrétiens ont voulu recevoir le sceau de la foi le prélat de cette grande com

mune a paru, comme Saint Paul, au milieu d'une foule immense, qui lui demandait un sacrement si précieux dans les temps d'épreuve, puisqu'il donne la force de confesser l'évangile. Et ce n'est pas tout encore, des diacres ont été ordonnés, des prêtres ont été sacrés. Dira-t-on que les nouveaux pasteurs cherchent la gloire et la fortune ? Où sont les bénéfices qui les attendent, les honneurs qui peuvent les dédommager des travaux qu'exige leur ministère ? Une chétive pension alimentaire, quelque presbytère à moitié ruiné, ou un réduit obscur, fruit de la charité des fidèles; voilà tout ce qui leur est promis. Il faut encore qu'ils comptent sur les calomnies, sur les dénonciations, sur les dégoûts de toute espèce: disons plus, si un homme puissant retirait sa main aujourd'hui, demain le philosophisme ferait tomber les prêtres sous le glaive de la tolérance, ou rouvrirait pour eux les philantropiques déserts de la Guyanne. Ah! lorsque ces enfans d'Aaron sont tombés la face contre terre; lorsque l'archevêque, debout devant l'autel, étendant les mains sur les lévites prosternés, a prononcé ces paroles: accipe jugum

Domini, la force de ces mots a pénétré tous les cœurs et rempli tous les yeux de larmes ; ils l'ont accepté le joug du Seigneur, ils le trouveront d'autant plus léger, onus ejus leve, que les hommes cherchent à l'appesantir. Ainsi, malgré les prédictions des oracles du siècle, malgré les progrès de l'esprit humain, l'église croît et se perpétue, selon l'oracle bien plus certain de celui qui l'a fondée; et quels que soient les orages qui peuvent encore l'assiéger, elle triomphera des lumières des sophistes, comme elle a triomphé des ténèbres des barbares.

D'UNE NOUVELLE ÉDITION DES ŒUVRES DE

ROLLIN.

LES amis des lettres observent depuis quelque temps, avec un plaisir extrême, que l'on com-. mence à revenir de toutes parts à ces principes du goût et de la raison, dont on n'aurait jamais dû s'écarter. On abandonne peu-à-peu les. systêmes qui nous ont fait tant de mal; on ose examiner et combattre les jugemens incroyables prononcés par la littérature du dix-huitième siècle. La philosophie, jadis trop féconde, semble à présent menacée de stérilité, tandis que la religion fait éclore chaque jour de nouveaux talens, et voit se multiplier ses disciples.

Un symptôme non moins équivoque du retour des esprits aux idées saines, c'est la réimpression des livres classiques que l'ignorance et le dédain ridicule des philosophes, avaient rejetés. Rollin, par exemple, tout chargé qu'il est des trésors de l'antiquité, ne paraissait plus digne de servir de guide aux écoliers d'un siècle de lumières, qui aurait eu grand besoin lui-même d'être ren

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