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<< dressing rooms » (salles de toilettes), « bed rooms, (chambres à coucher), « bath rooms » (salles de bains), << private chapel » (chapelle particulière), la chambre à coucher de Jacques Ier, celle de Henri VIII, puis celle de Charles II, ornée des portraits de toutes les femmes qui furent, dit-on, ses maîtresses. Tous ces appartements sont garnis et meublés comme ils l'étaient du temps de leurs possesseurs; les lits sont couverts de riches courtespointes et d'édredons. Ils sont décorés, comme toutes les autres parties du palais, de tableaux des premiers maîtres; mais les plus grands trésors d'art qu'ils renferment sont incontestablement les cartons de Raphaël, qui sont au moins connus de nom du monde artististique en entier. Raphaël les avait composés pour servir de patrons de tapisserie. Quand ils furent envoyés à Arras pour exécution, les ouvriers coupèrent chacun d'eux perpendiculai– rement en six ou sept morceaux, afin de travailler avec plus de facilité. Ces tapisseries furent exposées et admirées à Rome, tandis que les cartons, inestimables, restaient oubliés dans une cave à Arras pendant au moins cent ans. Enfin, Charles Ier, à la sollicitation de Rubens, les fit rechercher et, malheureusement, on trouva que plusieurs étaient déchirés ou détruits en partie. Il ne put en réunir que sept fragments intacts. Quelques années après, Guillaume III fit faire des cadres et bâtit à Hampton Court une salle pour les y placer, celle où je suis en ce moment à les admirer. On a proposé à différentes reprises de les transporter à Londres, où ils pourraient être admirés de tout le monde, mais l'on a craint avec raison l'effet de l'atmosphère pernicieuse de la métropole, tandis que la galerie actuelle est bien disposée pour leur conservation. Chaque cadre est placé dans des rainures et pourrait, à l'aide de poulies, en cas d'incendie, glisser rapidement jusqu'au sol pour être sauvé. A la vente de la collection de Charles Ier, les cartons furent achetés par Cromwell pour la faible somme de 300 livres (7,500 fr.); quelque temps après, il obtint de la Hollande, en les

donnant comme garantie, un emprunt de 50,000 livres (1,250,000 fr.); ce qui indique assez l'estimation que déjà l'on en faisait. Je traverse enfin d'immenses et nombreuses salles de peintures; j'ai à peine entrevu quelques Holbein, un portrait de François Ier et à côté un autre de Henri VIII; ils ont dû être peints vers l'époque de l'entrevue dans le Camp du drap d'or.

Tout ce que j'aperçois ici, tout ce qui m'entoure me rappelle Henri VIII, non pas le terrible jaloux de la Tour de Londres, mais bien l'astucieux monarque rêvant le divorce par tous les moyens humainement possibles; son favori, son conseiller, Wolsey m'apparaît toujours à ses côtés, rallumant le feu, l'attisant et soufflant la discorde. En considérant leurs deux portraits, il me revient. en mémoire quelques vers de l'Henri VIII de Shakespeare: LA REINE CATHERINE D'ARAGON, devant le conseil et plaidant contre le divorce demandé. Lord cardinal, je vous parle !

LE CARDINAL WOLSEY. Votre plaisir, madame?

LA REINE. Seigneur, je suis sur le point de pleurer, mais réfléchissant que nous sommes une reine (ou nous l'avons rêvé pendant longtemps); certainement, la fille d'un roi, je tournerai chaque goutte de pleurs en étincelles de feu!

WOLSEY. Soyez encore patiente.

LA REINE. Je le veux quand vous serez humble et même avant, ou Dieu me punirait. Je crois que, poussé par des circonstances toute-puissantes, vous êtes mon ennemi et je vous récuse; vous ne serez pas mon juge; car c'est vous qui avez soufflé sur ce brasier entre mon seigneur et moi! Que la rosée de Dieu l'éteigne! Donc, je dis encore, je vous exècre! Oui, et du fond de mon âme, je vous refuse pour mon juge, vous qu'encore une fois je tiens pour mon plus mortel ennemi et que je ne crois pas du tout ami de la vérité!...

Si un jour vous allez à Hampton-Court, vous verrez, mon cher Guillaume, comment ces lignes de Shakespeare se retraceront à votre mémoire à chaque pas.

Les jardins du palais sont tracés et arrangés dans le goût hollandais. Je laisse à ma gauche le jardin de la reine Marie, les orangeries à droite, et au fond, dans le jardin particulier, on me montre la célèbre vigne qui étend

ses rameaux à 150 pieds du tronc, sous un toit de verre; le jardinier m'affirme qu'elle a été plantée il y a plus d'un siècle, et qu'on l'a vue produire en une seule saison, 2,200 grappes de raisins, pesant en moyenne une livre chacune.

Un parc ayant à peu près 5 milles de circonférence est situé près de la rivière et renferme un canal d'un demi-mille de longueur, bordé de magnifiques tilleuls. La belle et large avenue principale a plus d'un mille de longueur; elle est bordée des deux côtés par plusieurs rangées de hauts marronniers. Vous ne sauriez vous imaginer le magnifique coup d'œil que présente cette avenue de marronniers à perte de vue, tout couverts de milliers de gracieuses pyramides de fleurs blanches et rosées qui répandent un doux parfum, et dans lesquelles j'entends bourdonner les abeilles. Au loin apparaît le palais dans sa majestueuse simplicité. A 7 heures, je reprends le convoi à Richmond.

Vendredi 16 mai, à 7 heures du matin. Et maintenant, il me faut dire au revoir à ce beau et noble pays, à cette grande et puissante nation; il me faut quitter toutes ces belles et grandioses conceptions, dont le souvenir ne s'effacera jamais de ma mémoire! Aussi avec quel indicible bonheur je me redis, en le savourant, ce mot: au revoir! C'est que, voyez-vous, mon cher Guillaume, je suis sincèrement admirateur de l'Angleterre, et j'avoue hautement, franchement, que mon cœur n'oubliera jamais l'hospitalité que j'y ai trouvée.

Le capitaine ÉD. LEFILS.

LE PRÉSENT ET L'AVENIR.

And such is human Life...

A thousand ills beset us as we go...

All dark before, all desolate behind!
SAMUEL RODGERS.

Les ans comptent pour nous bien peu de jours dorés !
Quand parfois à nos pleurs vient se mêler la joie,
A peine épanouie, hélas ! elle s'y noie :

Le regret seul se lit en nos yeux éplorés...

D'autres jours devant nous dérouleront leur trame
Et comme aux jours passés d'autres chagrins naîtront :
Une ride de plus creusera notre front,

Pour y dépeindre mieux les tourments de notre âme;

Mais si par intervalle un éclair de bonheur

Vient à luire sur nous, combien vite il s'efface!

Dans l'ombre où nous marchons, après lui nulle trace N'éveille un souvenir pour consoler le cœur.

De ton divin trésor, ô pure jouissance,
Qu'échoit-il à la terre, orbe matériel?
Sur elle tombe à peine un rayon de ton ciel,
Et de rares élus savourent ton essence;

R. T.

19

Tandis que la Douleur de son calice amer
Verse à tous sans merci sa liqueur corrosive,
Et que chacun attend sa crise convulsive,
Comme les patients du baquet de Mesmer.

Elle seule est, hélas! la reine de ce monde :
Il gémit sous le joug de son sceptre sanglant;
C'est son vautour à lui, qui déchire son flanc
Et change sa surface en une plaie immonde.

Et l'homme, son vassal, né pour porter toujours
De ce fatal pouvoir la pesante livrée,

Dès qu'il sait lire au fond de son âme navrée,

Compte pour jours heureux ceux qui sont les plus courts.

D'où viendra la lueur, ô Père!
Dieu dit :- De vous, en vérité.
Allumez, pour qu'il vous éclaire,
Votre cœur de quelque côté!

Il faut aimer.

VICTOR HUGO.

Qu'il est poignant ce cri d'anxieuse détresse,

Qui sans trêve en tous lieux échappe au cœur humain ! Mais, n'est-il pas d'issue à ce morne chemin,

Où de tant de dégoûts le triste poids l'oppresse?

Il faut se détourner de l'abîme où l'on court,

Comme le marinier, attentif à la sonde,
Évite les écueils qui, sous les plis de l'onde,
De son navire au port menacent le retour.

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