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du foyer maternel, seul lieu où elles pourraient apprendre à connaître leurs devoirs d'épouse et de mère !

C'est certainement un grand sacrifice pour des dames, que de renoncer, en partię du moins, aux plaisirs du monde pour consacrer plus de temps à l'éducation morale de leurs enfants; c'est un sacrifice aussi, pour la femme du peuple, que de renoncer au salaire qu'elle pourrait gagner en travaillant dans un atelier pour rester renfermée chez elle, afin de soigner le ménage et pour élever convenablement ses enfants. Mais quelle ample compensation à ces sacrifices, il y a dans les jouissances si douces que donnent des enfants bien élevés, payant au centuple, par leur reconnaissance et leur amour, par le bonheur de leur avenir, les tendres soins d'une mère dévouée !

Les hommes ont aussi leur part à prendre dans l'éducation morale de l'enfance et de sa jeunesse; c'est à eux d'achever ce que les mères ont commencé.

Le citoyen, le travailleur ne doit pas oublier qu'il est père en même temps, et, quelque graves que soient ses préoccupations, quelque rude son labeur, il doit réserver une part de son temps et de ses peines à cette éducation; il doit manifester à ses enfants la tendresse sans laquelle l'autorité paternelle n'est qu'un joug difficile à supporter; il doit surtout veiller à ce que sa femme jouisse de la liberté et soit entourée de la considération et du respect qui lui sont nécessaires pour bien remplir sa mission d'éducatrice. La conclusion qui ressort naturellement de toute cette étude nous semble être la suivante :

La misère et la plupart des autres maux qui affligent l'humanité ont pour cause principale le manque d'un développement suffisant des facultés morales de l'homme, ce manque devenant plus sénsible à mesure que s'élève chez lui le niveau intellectuel et la puissance dominatrice sur la nature.

Pour élever les facultés morales de l'homme, au moins au même niveau que ses facultés intellectuelles et que son pouvoir sur la nature, il faut perfectionner son éducation morale.

La régénération complète de l'éducation morale exige,

de son côté, la liberté entière des cultes et de l'enseignement, c'est-à-dire l'abolition radicale des monopoles, des priviléges, des immunités et des subventions dont ils ont joui jusqu'ici, et la suppression de toute intervention de l'État dans leurs affaires, à quelque titre que ce soit, sinon. pour la répression des abus qui pourraient être commis sous prétexte de religion ou d'enseignement.

Les parents, les prêtres et les instituteurs doivent être chargés de l'instruction morale, chacun pour la partie qui le concerne. Cette instruction, pour être complète, doit comprendre le précepte, l'exemple et l'exercice pratique, et c'est surtout aux parents qu'incombe cette dernière partie de l'enseignement, comme exigeant les soins les plus dévoués et les plus assidus.

En dehors de cette régénération, tous les efforts tentés par la science, par l'industrie et par le commerce pour augmenter la satisfaction que peut procurer une même quantité de travail et aussi pour opérer une répartition plus égale de ces satisfactions parmi les membres de la société humaine, ne remédieront pas à la misère et ne réussiront pas davantage à extirper les autres maux qui affligent l'humanité. De même, les tentatives faites par les philanthropes dans ce but, telles que les crèches, salles d'asile, écoles gardiennes, ateliers d'apprentissage, bureaux de bienfaisance, hôpitaux, hospices, maisons de travail, colonies pénitentiaires, prisons cellulaires, etc., ne seront que des palliatifs capables, au plus, d'atténuer la misère et ses conséquences, mais jamais de l'extirper. Hommes et femmes de toutes les nations, de tous les partis, de toutes les religions et les sectes religieuses, savants, artistes, philosophes, industriels, commerçants, fonctionnaires, ouvriers, unissezvous donc tous, pour travailler en commun, et chacun dans la mesure de ses forces, à la grande œuvre d'où dépend le bien-être, la liberté et la dignité du genre humain, à l'œuvre de régénération de l'éducation morale!

CH. LE HARDY DE BEAULIEU.

WILLIAM TINDALE.

Notice sommaire sur la vie, les œuvres et le procès de William Tindale, brûlé vif au château de Vilvorde en 1536;

précédée d'un aperçu sur les progrès de la réforme en Angleterre sous Henri VIII.

La doctrine des réformateurs du xvie siècle se propagea d'autant plus facilement en Angleterre, qu'un grand nombre des disciples de Wiklef1, connus sous le nom de Lollards, se trouvaient encore dans ce pays lors de l'apparition des premiers écrits de Luther. Henri VIII, élevé dans le respect de la papauté et alarmé des progrès des idées nouvelles, réfuta les opinions de l'apôtre de la réforme, dans un livre latin dont il fit hommage à Léon X, livre qui lui valut de la part de ce pontife, le titre de défenseur de la foi, porté jusqu'aujourd'hui par ses successeurs. Luther, selon ses habitudes de polémique, répondit avec une violence et une rudesse peu convenables dans une controverse engagée contre un si puissant monarque. Celui-ci ne lui pardonna jamais. Dans la suite, tous les efforts et les soumissions de son adversaire ne purent guérir les blessures qu'il avait faites à l'amourpropre royal, et cette circonstance fut peut-être une des

1 Jean Wiklef ou Wikliffe, prêtre et professeur de l'Université d'Oxford, mort vers la fin du XIVe siècle, fut, avec Arnold de Brescia et d'autres novateurs, le précurseur de Luther, qui s'appropria leurs doctrines en leur donnant plus d'extension.

causes qui détournèrent Henri d'adopter la religion nouvelle. Ce prince, doué de grandes qualités, malheureusement balancées par des vices plus grands encore, sembla toute sa vie, flotter irrésolu entre les deux grands partis religieux qui divisaient l'Europe. La fougue de ses passions du moment, son avidité, l'intérêt d'un despotisme presque sans exemple dans les annales de l'histoire, le portaient à exercer ses rigueurs et ses cruautés, tantôt sur les catholiques, tantôt sur les protestants 1. Il agissait suivant les besoins de sa politique, mais toujours contre quiconque osait émettre le moindre doute au sujet d'une autorité toute-puissante, fondée sur la terreur et la pusillanimité de parlements serviles, qui ne montrèrent guère de courage que pour défendre leurs intérêts personnels et qui réduisirent l'Angleterre de cette époque à l'état d'une autocratie pure. Aussi Charles-Quint répétait-il que le roi Henri était le souverain le plus absolu de l'Europe. Et en effet, ce monarque pouvait non-seulement dire comme Louis XIV: l'État c'est moi; mais encore : l'Église c'est moi 2. Il était auteur, et très-fier de son érudition et de ses ouvrages de théologie. Peut-être les poursuites qu'il fit exercer contre Tindale pour avoir fait imprimer la traduction des Écritures, avaient-elles leur source dans sa vanité et dans sa jalousie d'écrivain, car il fit déclarer cette traduction fautive et présida la commission qui publia une édition de la Bible en langue vulgaire. On connaît assez la dispute publique qu'il soutint contre le malheureux maître d'école Lambert, que les flammes du bûcher furent chargées de

1 Par un raffinement cruel, il envoyait au supplice des catholiques et des protestants enchaînés deux à deux. Ces malheureux se croyant mutuellement souillés par ce contact s'injuriaient jusque sur le bûcher.

2 Après la suppression de révoltes populaires, qu'il réprima d'une main de fer, quelques personnes de la classe moyenne ayant osé lui adresser, dans une humble supplique, de légères plaintes en matière de religion, il répondit un jour : « Nous trouvons fort étrange que vous, » qui n'êtes que des brutes, ayez l'audace de vous ingérer dans nos >> affaires. >

convaincre. Pour achever de peindre ce prince, nous dirons enfin que dans son testament, rapporté par Rymer, il ordonne de célébrer un grand nombre de messes et d'anniversaires pour le repos de son âme. Étrange contradiction dans un homme qui avait aboli toutes les fondations de ce genre, instituées par ses ancêtres et les ancêtres de ses sujets.

Henri était toujours le fils chéri et dévoué du saintsiége, lorsqu'il commença à se dégoûter de sa femme Catherine d'Arragon. On connaît les funestes conséquences que son amour pour Anne Boleyn eut quant à l'autorité de la cour de Rome. Le spirituel mais faible Clément VII, tremblant entre Charles V et le roi d'Angleterre, n'osait se prononcer sur le divorce demandé par ce dernier, et tenait ce prince en suspens. Impatienté des obstacles opposés à sa passion et peut-être excité par Anne Boleyn, qui semble avoir penché pour les opinions nouvelles, chose assez croyable, car elle avait été élevée chez la duchesse d'Alençon, soupçonnée elle-même de protestantisme, Henri brisa peu à peu les liens qui l'unissaient à la papauté, lui et son royaume. Né avec des passions fougueuses, mais qu'il ne chercha jamais à satisfaire que par ses nombreuses unions légitimes (car il n'eut jamais qu'un fils naturel, le duc de Richmond) le roi, poussé par l'amour de la domination, un des principaux traits de son caractère, et outré des délais et des tergiversations du pape, se rendit maître absolu du pouvoir spirituel. Comme il était ferme jusqu'à l'obstination, on ne sait lequel des deux sentiments, de l'amour ou de la jalousie d'une autorité sans bornes, le détermina à cet acte. Il fut puissamment secondé dans ses projets par ses ministres, dont quelques-uns étaient secrètement partisans de la réforme et les autres entièrement dévoués au monarque. La noblesse, qui obtint une partie des dépouilles du clergé, lui était favorable, les chambres étaient à sa dévotion. L'esprit public se montrait généralement assez porté à voir mettre un terme aux abus de l'Eglise catholique. Bien

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