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losophiques, que de celle des Reid, des Dugald Stewart et de quelques éclectiques français, partisans trop exclusifs de l'observation. Il est spiritualiste, si l'on veut, dans ce sens qu'il distingue le corps de l'esprit et ne ramène pas la pensée à une sécrétion du cerveau, mais il sait aussi constater l'importance et la dignité même de notre organisation physique. Sous ce rapport, il est aussi éloigné des tendances matérialistes modernes que du spiritualisme chrétien. S'il est exact de dire que le grand tort de la plupart des systèmes, c'est de n'envisager jamais la vérité que sous une de ses faces, M. Tiberghien, lui, appartient à une école bien plus large, qui cherche à embrasser la vérité dans toutes ses parties, pour autant du moins que la chose est possible à des êtres finis comme nous le sommes. Son traité de psychologie nous en fournit une nouvelle preuve. Quoique renfermé dans les limites de l'observation, il ne laisse de côté aucune question importante; il fait entrevoir même, chaque fois que l'occasion s'en présente, certaines données qui ne peuvent recevoir de confirmation que par la métaphysique. Ce sont comme autant de percées du petit monde que nous portons en nous, dans le grand cosmos. En veut-on un exemple? A propos de la vie de l'âme, de la destination de l'esprit, nous entrevoyons déjà comme conséquence l'immortalité de l'âme, tout comme l'union du corps et de l'âme nous fait pressentir quelque part la préexistence de l'âme. C'est ainsi que nous pouvons saisir les points d'attache de la psychologie et des autres branches de la philosophie. C'est ce qui nous fait aussi désirer de voir M. Tiberghien compléter en quelque sorte son œuvre par les travaux dont il fait mention dans sa préface. En attendant, nous pouvons rendre un hommage sincère au talent incontestable dont il a fait preuve dans sa Science de l'âme. Nous ne dissimulerons pas que nous partageons en grande partie les idées de l'auteur, parce qu'elles nous semblent vraies; et il peut en résulter que, même involontairement, notre appréciation ne soit pas à l'abri de toute partialité. Cependant les meilleures idées n'ont pas toujours les meilleurs interprètes. Dans le cas actuel, au contraire, les idées nous paraissent en général exposées avec une méthode, une clarté, une éloquence parfois, qui doivent satisfaire le critique le plus exigeant, quand même il ne les partagerait pas.

Nous pourrions, si nous voulions, citer plus d'une page qui prouverait que l'auteur est non-seulement philosophe, mais écrivain, et qu'en cela il a continué la tradition des Platon, des Descartes, des Malebranche, des J. Reynaud, et de tant d'autres; mais nous aimons mieux renvoyer le lecteur au livre même et nous nous bornerons à citer, pour terminer, quelques lignes de la préface, qui caractérisent mieux que nous ne pourrions le faire, le but et la portée des travaux du professeur de l'Université libre.

<< Les sociétés ne vivent pas sans principes. La foi est aussi nécessaire à l'âme que l'air au corps. Un individu peut être sceptique, mais un peuple périrait par asphyxie dans le doute. Il faut autre chose que des négations pour apaiser les besoins intellectuels et satisfaire les intérêts moraux des nations. Le doute, c'est le vide, et s'agiter dans le vide, sans savoir d'où l'on vient ni où l'on va, ce n'est pas vivre, mais mourir. Une croyance est un aliment. Si mauvaise qu'elle soit, elle soutient. Il ne suffit pas de combattre les institutions surannées, il les faut remplacer. Et à dire vrai, les institutions vieillies ne disparaissent que devant celles qui doivent prendre leur place. Les unes s'enfoncent sous terre à mesure que les autres s'élèvent dans le ciel. Tout bien considéré, l'essentiel n'est pas de s'acharner contre le passé, mais de préparer l'avenir, afin qu'il y ait constamment une doctrine à l'horizon, prête à recueillir les âmes qui se détachent des anciennes croyances.

« La doctrine d'une époque est nécessairement conforme au degré de culture des esprits. Est-ce trop de demander que la foi du XIXe siècle soit raisonnable et raisonnée? Non, le merveilleux et le surnaturel n'ont plus de raison d'être et ne conviennent pas à l'âge actuel de l'humanité terrestre. Une puissance a surgi depuis Copernic, Bacon et Descartes qui a chassé tous les fantômes de la religion des astres, de la surface du globe et des profondeurs de l'âme. L'ère de la vérité une fois ouverte ne se ferme plus. La science aujourd'hui se mêle à tous les buts de la vie, à l'industrie et à l'agriculture, à l'éducation et à la politique, pour extirper partout l'aveugle routine, fruit de la crédulité, et relever la raison, c'est-à-dire la grandeur et la dignité de l'homme. La science s'unira aussi à la religion, non pour l'abolir, mais pour la vivifier. Il ne faut pas, comme

le proposent quelques matérialistes, supprimer la providence, mais l'agrandir, l'étendre à toutes les créatures raisonnables, sans acception de cultes. La philosophie bien comprise reconnaît la religion comme un élément de la vie rationnelle. Le progrès ici encore consiste, non à détruire les organes du corps social, mais à les développer en harmonie les uns avec les autres. La croyance de l'avenir reposera sans aucun doute sur la science..... »

F. V. M.

La Belgique ancienne et moderne. Géographie et histoire des communes belges, par Jules Tarlier et Alphonse Wauters. Province de Brabant; ville de Nivelles (cheflieu d'arrondissement.) Grand in-8° de 171 pages à 2 col. Bruxelles. Decq.

Cette livraison du grand ouvrage entrepris par MM. Tarlier et Wauters, forme à elle seule un ouvrage considérable, et l'on ne s'étonne guère du retard qui a été apporté à sa publication. Nous n'éprouvons que la crainte de ne pas voir cette immense entreprise achevée par les savants dévoués et consciencieux qui l'ont commencée. Si l'on considére ce qu'il a fallu de recherches dans les bibliothèques et les archives, d'observations sur les lieux, dans les édifices et les localités, de comparaisons et de vérifications pour les faits en apparence les plus simples; si l'on considère les détails dans lesquels sont entrés les auteurs avec une si scrupuleuse exactitude, on est presque émerveillé que trois années aient suffi pour la publication des trois livraisons concernant, la 1re le canton de Genappe avec ses 15 communes; la 2e les 19 communes du canton de Nivelles; la 3o la ville de Nivelles.

Cette dernière livraison surtout, par le sujet même, exigeait un travail des plus minutieux de description et d'histoire, mais rien aussi n'état plus intéressant, plus curieux que ce travail.

Comme on le voit sur la belle carte topographique qui accompagne la livraison, Nivelles se divise en ville et en campagne. Ce vaste territoire, situé dans le vallon de la Thines, affluent de la Samme, offre 979 maisons pour la ville, 498 pour la campagne, et la carte reproduit les moindres détails concernant les rues et les chemins, les maisons isolées, les lieux dits, l'hydrographie, étangs, sources et cours d'eau.

Des renseignements précieux sur l'étymologie du nom de Nivelles, sur les distributions d'eau qui datent de la première moitié du xvie siècle, sur la création du parc de la Dodaine, sur l'industrie jadis si florissante en ce qui concerne la préparation des étoffes et les batistes, sur la diminution des cours d'eau, sur les voies nouvelles de communication, etc., forment en quelque sorte une première partie.

L'histoire de Nivelles est des plus importantes et il fallait y consacrer quelque étendue; les auteurs l'ont divisée en quatre périodes depuis l'origine jusqu'au milieu du XIIe siècle, jusqu'au commencement du xve siècle, jusqu'à la fin du xvie siècle, et jusqu'à l'époque actuelle. Puis vient l'organisation administrative et judiciaire, les seigneuries et châteaux, et ce qui regarde le culte. Dans cette dernière partie se trouve l'histoire et la description de la collégiale de Sainte-Gertrude, l'une des plus intéressantes églises de notre pays.

Bien que MM. Tarlier et Wauters aient réfuté l'opinion que nous avions émise sur la date de cet édifice et sur l'importance spéciale de l'avant-corps qui nous avait paru à lui seul une église primitive (voir Revue trimestrielle, t. XXII, à propos de l'incendie de la flèche de Nivelles), nous sommes heureux d'être d'accord avec eux sur l'inintelligente restauration du cloître, exécutée en 1846 sous la direction de feu l'architecte Dumont; et quant à la tour dont on a récemment confié la reconstruction à M. l'architecte Coulon, nous craignons aussi qu'elle ne présente un nouveau danger, à part la question d'archéologie qu'elle nous a toujours paru contrarier singulièrement.

MM. Wauters et Tarlier ne sont d'ailleurs pas d'accord entre eux sur l'époque de l'avant-corps dont nous venons de parler, et à ce propos nous nous permettons d'émettre le vœu que la tâche de chacun des deux auteurs soit séparée dans l'ouvrage. Rien ne serait si simple que de diviser chaque livraison en deux parties, selon les attributions du géographe et de l'historien, de mettre à part ce qui est de la description et ce qui est du récit, ce qui appartient au présent et ce qui appartient au passé.

E. V. B.

Dictionnaire d'étymologie française d'après les résultats de la science moderne, par Auguste Scheler. In-8° de IV-340 pages à 2 col. Bruxelles, Auguste Schnée; Paris, Firmin Didot.

Une admirable conquête de la science de notre temps est la claire intelligence de l'étroite parenté qui existe entre les individus du grand groupe indo-européen. Nous savons aujourd'hui que la langue que nous parlons est celle des premiers ancêtres de notre race, et nous en avons conclu que l'homme n'est pas une brute arbitrairement perfectionnée.

La philologie comparée est née au commencement de ce siècle. Bopp fit faire en une fois d'immenses progrès à la science par la publication de son Système de conjugaison du sanscrit comparé avec le grec, le latin, le persan et les idiomes germaniques. Il prouva que la différence qui existe entre ces langues n'est pas originelle; qu'elles reposent au contraire sur les mêmes fondements et qu'elles se lient intimement l'une à l'autre. La pluralité est donc sortie de l'unité primitive, c'est-à-dire de l'union de la famille avant la séparation. La comparaison des six dialectes romans avec le latin sera le premier terme de cette proposition. En effet, l'italien, le valaque, le rhétien, l'espagnol, le portugais et le français nous montrent six variétés du même type métamorphosé six fois. Ce type on l'a comparé à son tour avec le sanscrit, le lithuanien, le zend, le dorique, le vieux slave, le gothique et l'arménien, et, cette fois encore, on a constaté qu'aucune de ces langues n'a servi de modèle aux autres, mais qu'il y avait à l'origine une petite famille d'Ayrens vivant sous le même ciel et parlant la même langue. Lorsque les membres de cette famille se dispèrsèrent, les formes essentielles de la grammaire étaient complétement établies.

La vie de l'homme, suivant l'expression d'un philologue allemand, est une histoire qui se déroule et qui fuit. La langue de l'enfance n'est pas celle de l'âge mûr. Cette loi de transformation continue, que l'écriture loin de prévenir ne fait que conest générale l'espèce, le peuple y obéit comme l'individu. C'est de ce principe que sont partis les philologues du XIXe siècle qui n'ont pas craint de dire, qu'il fut un temps où la langue de Camoëns, de Cervantes, de Voltaire et de Dante n'était parlée que par quelques paysans des bords du Tibre.

sacrer,

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