Images de page
PDF
ePub

il est couronné par une balustrade avec une horloge au milieu. La première pierre fut posée par le comte de Liverpool, le 25 octobre 1813, l'inauguration eut lieu le 12 mai 1817; il était compté parmi les plus beaux bâtiments publics de la métropole; mais en 1825 une grande partie s'écroula, et l'on acquit la certitude que les fondations avaient été mal et trop rapidement établies; une grande partie fut démolie et reconstruite. La chambre longue a 190 pieds de longueur sur 60 de largeur. Son plancher est parqueté de chêne et soutenu par des colonnes carrées. La longueur totale du bâtiment est de 480 pieds.

A côté Billings gate ou Belin's gate, bâtiment en briques avec... l'on me pousse, je veux me retourner... « Go on, go on, sir! Make haste!... (Avancez, avancez, monsieur, hâtez-vous !) Je me trouve sur le petit pont de débarquement. « Go on!... » Cet éternel « make haste >> me poursuivra donc sur chaque bateau !... J'enjambe l'escalier et n'ai que le temps de vous crier : C'est le marché aux poissons!

Le Pont de Londres! (London Bridge.) Soit que vous arriviez par terre ou par eau, ce nom restera dans votre mémoire. London Bridge!... Jamais votre imagination, même en délire, n'a pu enfanter rien de pareil! Si vous n'êtes jamais allé à Londres, rien au monde n'a pu vous donner la moindre idée de ce pont. Les peintures, gravures ou lithographies, même prétendues les plus fidèles, n'ont pu reproduire une seule des mille scènes de chaque heure, de chaque minute, de chaque seconde; elles ont donné l'image exacte du lieu; mais la vie! mais le mouvement! c'est chose impossible à retracer, à décrire! Pour l'artiste qui étudie un tableau, qui calcule l'effet de la pose, du geste, de la couleur, de la lumière, des plans, de la perspective, s'il osait aborder un tel sujet, il peindrait le chaos ou bien son œuvre serait vide, froide, terne. Non, je le répète, rien au monde ne saurait retracer la circulation de ces milliers de véhicules aux cent

formes, depuis le hansome cab jusqu'à l'omnibus, depuis la petite charrette attelée du classique poney, conduite par le boy» (gamin) qui va chercher du poisson à Billingsgate, jusqu'aux plus lourds chariots (four in hands) qui vont porter leurs huiles, leurs sucres, leurs ballots dans les innombrables magasins de Tower-Street. Entre tout cela remuant, tournant, se croisant, s'élançant, s'arrêtant, reculant, vous voyez briller de magnifiques voitures attelées des plus beaux carrossiers du monde, des brougham, des coupés, des breaks, etc., et, courant à travers tout, des cavaliers, véritables centaures, qui semblent vivre. dans ce tumulte comme dans leur élément. Et quels cochers, quels conducteurs il faut pour oser s'aventurer dans les flots de ce dangereux océan, sans crainte de s'y voir briser de mille manières? Je soutiens que cocher à Londres n'est pas un métier, c'est un art, c'est une science! Au milieu de ce tourbillon, de ce bruit, de ce roulement que vous ne sauriez vous figurer, vous n'entendez pas un cri, vous voyez à peine donner un coup de fouet! C'est que le cocher londonnien se respecte, il est humain, il aime les chevaux qui lui sont confiés, et à défaut d'attachement, ce qui est rare, il a la fierté de ne pas vouloir par des corrections prouver qu'il conduit des haridelles. S'il se permettait des cris, des excitations, il ne serait pas toléré par ses maîtres et serait vite renvoyé. Ce que j'ai principalement admiré dans les rues de Londres, c'est cette absence de brutalité envers les animaux. Il est vrai qu'une société existe pour leur protection, que les ordonnances de police sont sévères et surtout qu'on les fait strictement observer. C'est une honte de voir dans certaines villes les chevaux surchargés, surmenés, battus outre mesure, battus d'une main et retenus de l'autre, battus pour le plaisir de frapper, battus parce que les cochers sont brutaux, lâches et cruels, battus parce que la police n'y apporte pas le moindre empêchement, battus plus encore si un passant plus humain ou plus courageux fait la moindre remontrance à l'ivrogne ou au cruel

cocher (souvent l'un et l'autre), battus aux stations où on leur fait faire des évolutions de voitures au lieu de les laisser souffler en paix. Sous ce rapport, je le dis à regret, Bruxelles n'a pas son point de comparaison pour les tortures infligées dans chaque rue à ces pauvres bêtes, mal nourries et mal entretenues, attelées à de sordides équipages dans lesquels le plus souvent on ose à peine s'asseoir.

Quelle différence, bon Dieu, avec ces beaux chevaux qui traversent Londres en tous sens! Voyez les élégantes gazelles des hansoms, les bons restes de carrossiers aux fiacres, les solides chevaux des omnibus, ceux plus forts encore des lourds camions, et les énormes chevaux, véritables éléphants, des brasseurs. Poneys, chevaux de selle, de trait, tous sont bien entretenus, bien attelés avec de bons harnais, bien nourris; aussi ils ont l'air, ces braves chevaux, d'accomplir de bon cœur leur rude travail de chaque jour. J'ai vu, j'ose l'affirmer, au moins 50,000 chevaux en un jour je n'ai pas vu donner trente coups de fouet. A Bruxelles, vous avez mal au cœur, vous n'entendez dans les rues que le sifflement du fouet, et vous détournez la tête pour ne pas voir torturer aussi lâchement sans nécessité ces pauvres, misérables et pourtant si courageuses bêtes. Ajoutez qu'à Londres le cocher n'est ni impertinent ni grossier. L'habitude de mendier le pourboire lui est inconnue ou défendue.

Si vous êtes arrivé par eau, les bords de la Tamise ont depuis Gravesend constamment attiré votre attention, mais depuis Blackwall et plus encore depuis Greenwich, il aurait fallu pour bien voir que vous pussiez envelopper en un seul regard les deux bords de la rivière. Comme je le disais plus haut, il faudrait des mois entiers pour visiter un à un ces chantiers, ces magasins, ces fabriques, ces usines; mais votre attention est principalement attirée par l'émouvant spectacle de la rivière. Ces innombrables navires, preuve de la prospérité toujours croissante de l'industrie et du commerce, allant en tous sens, il vous

semble qu'à chaque instant le sylphe qui vous porte va aller se briser contre de gros navires pesamment chargés ou qu'il va y avoir collision avec ces autres bâtiments qui viennent sur nous à toute vapeur comme nous allons sur eux; mais ces oiseaux aquatiques justifient leurs noms, ils glissent entre deux trois-mâts, se faufilent à travers des flottes de goëlettes, côtoient les steamers, toujours sans toucher; en un mot, ils obéissent au gouvernail comme un cheval bien dressé à la bride, à l'éperon.

Parfois je me délasse en voyant les gestes du capitaine, tantôt pour le timonier, tantôt pour le « boy » (garçon, gamin), qui comme un chien ne quitte pas de l'œil son maître et traduit en criant au machiniste les mouvements indiqués. Tous ces petits bateaux à vapeur qui font le service, tous leurs capitaines, tous leurs timoniers, se ressemblent au point que vous croyez chaque fois avoir pris le même bateau; ils ont mêmes signes, mêmes attitudes, mêmes vêtements; si vous en avez vu un, vous les avez tous vus; mais ceux surtout qui font mon bonheur et qui semblent avoir été tous coulés dans le même moule, avec le même timbre de voix rauque, la même moitié de vêtements, les mêmes cheveux fauves et en désordre par l'air et le vent, ce sont les « boys » qui transmettent le commandement. Vous diriez de ces petits bonshommes qu'on peut acheter par douzaines à Nuremberg et qui ont même figure, même nez, même bouche, mêmes yeux, même corps et que leurs cris sont tous jetés de même : « Ease her. Stop her. Half a head. Half astern. » (Aisée, elle 1. Demi-tour de roue à la

Arrêtez-la.

[blocks in formation]

J'aperçois à ma droite, dans King William street, une colonne surmontée d'un vase d'où s'échappe un énorme faisceau de flammes, on l'appelle le Monument (the Monument). Il a été élevé, d'après sir Christopher Wren,

1 Dans la langue anglaise, on emploie le genre féminin pour un navire ou un bateau.

près de Fish street hill en commémoration du grand incendie de 1666, au lieu même où, dit-on, il commença. Cette colossale colonne, de belles proportions, appartient à l'ordre dorique, son fût est cannelé, le chapiteau est entouré d'un large entablement avec balcon; elle est construite en pierres de Portland et a 202 pieds de hauteur. Sur les quatre faces de la base sont des inscriptions et bas-reliefs taillés dans la pierre. La face nord porte une inscription latine des principaux détails de cette grande calamité. La face sud donne la description des moyens de secours employés par ordre de Charles II après l'incendie. La face est indique les dates de la fondation et de l'achèvement du Monument, de 1671 à 1677, et les noms des lords-maires pendant ces années. La face ouest, vue de King William street, représente Londres sous les traits d'une femme éplorée et couchée sur les ruines; des maisons sont encore en flammes; les habitants sont terrifiés; le Temps la soulève de terre et la Providence lui montre le ciel. Le roi Charles II, en costume romain, donne des conseils et des encouragements pour rebâtir la ville; tandis que la Liberté, le Génie et la Science, groupés autour de lui, attendent ses ordres. Derrière le roi, des ouvriers au travail, des échafaudages, etc., et à ses pieds l'Envie, dévorée de rage à la perspective du succès, souffle des flammes vers la ville tombée. Il faut convenir que ce vase laissant échapper des flammes n'est pas un couronnement de bon goût, on dirait voir là un ornement provisoire, car on ne peut terminer dignement une œuvre pareille que par une statue de dimensions colossales proportionnelles.

En quittant ce monument, tâchez de gagner le pied d'une belle statue en marbre de Guillaume IV. C'est une petite place entourée de colonnes. Vous en trouverez presqu'à chaque carrefour, on les nomme refuges, et c'est ma foi bien nommé. Si de là vous observez les quatre rues qui y aboutissent, vous comprendrez pourquoi je dis, sans crainte d'être démenti, que la circu

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »