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des erreurs à relever, des observations fausses ou incomplètes à rectifier, des appréciations erronées à rétablir, et s'il nous était permis de donner un conseil à l'auteur, nous l'engagerions à appliquer son talent et ses connaissances au redressement de l'orthographie et de l'orthoépie des langues française ou anglaise, qui en ont plus besoin qu'aucun autre idiome de l'Europe.

Jaerboeken der aloude kamer van rhetorika, het Roosjen, onder kenspreuk: Ghebloeyt in het wilde, te Thielt, door Alfons L. De Vlaminck, sekretaris by het arrondissementskommissariaet van Dendermonde, en gewezen geheimschryver van voornoemd genootschap. Met platen. Gent, Hoste, gr. in-8° de 252 pages.

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L'esprit d'association est surtout un des caractères distinctifs du peuple flamand. Chez nul autre, croyons-nous, il ne s'est manifesté avec autant de développement et de force, ni avec autant de ténacité à travers les temps et les obstacles. Antérieur aux communes comme la cause l'est à l'effet, il sort du brouillard de l'histoire avec elles il en est l'âme, elles en sont le cocon, le produit de plusieurs siècles d'un travail sourd et obstiné. Toute la « Commoigne » n'est qu'un réseau d'associations, inspirées par le devoir, l'intérêt, la dévotion ou le plaisir; ce sont les serments d'arbalétriers qui veillent à la défense du pays; les nombreux corps de métiers qui témoignent de l'activité industrieuse et de la prospérité de la bourgeoisie; les confréries qui naissent de la sympathie de patronage religieux, enfin les sociétés de récréations et de jeux.

Au premier rang de ces dernières, nous saluons unanimement «<le noble art de rhétorique,» « les compagnons de la rhéto» rique, » les clercs de la Bazoche, si l'on veut. A vrai dire, cet art ne se classe dans aucune de ces catégories, par son caractère littéraire, intellectuel, instructif et moralisant d'abord, ensuite, parce que le « rhétoricien » exerçait généralement une industrie ou faisait un négoce, et maniait au besoin l'arbalète meurtrière, qu'il était, en un mot, bourgeois en même temps qu'amateur; parce qu'enfin le côté récréatif de son art n'était qu'un appât pour attirer la foule à un banquet de l'intelligence. L'histoire des Chambres de rhétorique est donc celle d'une face très-importante de notre civilisation, et qui intéresse d'autant plus vivement qu'elle vient à peine d'être mise à nu, et que bien des fouilles et des études sont encore

nécessaires pour que nous ayons d'elles une idée exacte et complète.

Qui donc n'applaudirait à l'œuvre qui fait l'objet de cet article? M. De Vlaminck, secrétaire du commissariat de l'arrondissement de Termonde et ancien secrétaire de la Chambre de rhétorique de Thielt het Roosjen, a été bien inspiré en consacrant ses loisirs à faire l'historique de cette société, l'une des plus anciennes du pays et qui compte aujourd'hui environ cinq siècles d'existence. Puisées à des sources authentiques, ses annales offrent une lecture aussi fructueuse qu'amusante. Ce ne sont pas des éphémérides sèches et monotones, comme on pourrait s'y attendre; l'auteur a rattaché l'existence, la vie de « la Rose » à la vie même du peuple thieltois, subissant comme celui-ci l'influence de la paix et de la guerre, du despotisme et de la liberté, tour à tour florissante et anéantie, en liesse et en deuil, fière et assujettie; raisonneuse et satirique sous Charles-Quint, croyante et indifférente sous Albert et Isabelle. Il a été assez heureux pour nous donner une grande partie du répertoire des pièces représentées à Thielt, de 1402 à nos jours, depuis le Mystère de la Passion jusqu'au Mahomet de Voltaire et le répertoire flamand moderne, et c'est là pour nous la partie la plus intéressante et vraiment précieuse de l'ouvrage de M. De Vlaminck; il décrit ensuite les alliances de « la Rose >> avec les ghildes d'arbalétriers de la ville, ses relations d'amitié avec les sociétés de rhétorique d'autres villes et localités, les concours ouverts par elle et ceux auxquels elle a pris part, les succès qu'elle a obtenus, ses statuts, ses fêtes, le costume de ses membres, bref, tout ce qu'il a pu découvrir d'intéressant au sujet de la Chambre de rhétorique de Thielt elle-même et de ses relations extérieures.

Parmi les faits nombreux qui prouvent combien elle fut importante de tout temps, nous n'en mentionnerons que deux, séparés par un grand laps de temps d'abord, dans le fameux concours général dit « Landjuweel, » tenu à Gand en 1539, la Chambre de Thielt obtint le troisième prix des représentations de moralités, et l'emporta sur Bruxelles, Bruges, Ypres, Courtrai, etc.; elle gagna aussi le prix de lire le « refrain » ou << virelai,» le premier prix de « la plus belle entrée dans la ville, » et le premier prix de « l'entrée à l'église, » qui de

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vait être faite de manière à représenter quelque allégorie. La deuxième circonstance qui témoigne du rang éminent que la Chambre de Thielt occupe parmi nos « rhétoriques, » c'est qu'en 1787 elle ouvrit un concours pour la meilleure représentation de Zaïre, de Voltaire, auquel prirent part vingtquatre sociétés, sans doute le nombre le plus considérable qu'ait jamais réuni un concours; les prix s'élevaient ensemble à trois cents florins de Brabant, somme non moins importante pour l'époque.

Nous en avons dit assez pour faire apprécier le livre dont M. De Vlaminck vient d'enrichir la littérature sérieuse; nous ne pouvons qu'ajouter c'est un excellent livre pour le fond comme pour la forme, lisez-le et vous serez satisfait.

Nieuwe liedekens, door Hendrikssone (Em. Hiel), in-18. Gent.

Il y a des moments où l'esprit, se reposant d'un travail sérieux, aime à suivre l'insecte de fleur en fleur, à accompagner le papillon d'arbuste en arbuste, à vaguer de branche en branche avec l'oiseau, becquetant à tous les fruits, s'arrêtant partout et nulle part, ne voyant de la fleur et de l'insecte que le contour, ne recueillant de l'arbuste qu'une échappée de parfum, ne perçant l'écorce du fruit que pour en apprécier la saveur, et retourne satisfait au logis où l'attend de nouveau le devoir au front tendu. Les « Chansons nouvelles » de M. Hiel donneront au lecteur la même jouissance et la même satisfaction.

Ce nouveau recueil est un petit diorama que traversent tour à tour la nature et l'homme, l'enfant et l'aurore, le printemps et l'amour, l'été et l'amour maternel, l'automne et le soir, la neige et la nuit, le berceau et la tombe, la joie et l'insouciance, la patrie et l'humanité. Il y a là pour le philosophe autant de volumes que de mots, mais nous ne lirions pas les volumes; le poëte nous donne la quintessence d'une idée, d'un sentiment, d'un tableau, rose ou cyprès, ombre ou lumière, et grâce au feu de son imagination, au charme de sa diction, à la mélodie du rhythme et de la rime, nous nous arrêtons et nous lisons.

M. Hiel s'est dès le début de sa carrière littéraire dis

tingué par la délicatesse de ses pensées, de ses images et de ses expressions; ce sentiment, intime et de nature chez lui, le caractérise, et le rapproche de Van Beers; sa poésie est toute de cœur; elle n'enlève pas le lecteur par un vigoureux essor de l'imagination, non plus qu'elle ne l'étourdit par de grands mots vides de sens; elle est essentiellement sympathique, elle se communique et s'attache. C'est, une qualité rare et précieuse. Voici, pour donner une idée de sa poésie, la petite pièce intitulée Begraven.

« Où donc serait notre enfant chéri? Là haut, au-dessus du » monde des étoiles, dans le ciel insondable, et exempt de » peines et de souffrances? Non, il est ici, reposant sous la » terre; notre enfant n'est pas au loin, son parfum se mêle à >> celui de ces fleurs, il s'entend appeler de son nom, il voit »> nos larmes, il gazouille ici parmi le doux chant des oiseaux. » Pour plaire à l'enfant, ne gémissons donc plus sur lui, notre >> douleur l'affiige. Il folâtre dans les rayons du soleil, se >> baigne délicieusement dans la lumière éternelle; de même » que les vents caressent les roses, il effleure nos joues, il » plonge dans nos yeux et y lit notre douleur. Non, l'enfant » n'est pas au loin, il n'a pas quitté la terre, il s'agite ici dans >> notre cœur. >>

Qu'on n'aille pas croire sur cet échantillon que la poésie de M. Hiel est toujours mélancolique et rêveuse; oh non! il aime aussi la joie, et sait chanter la belle et la coupe; de plus, il compatit vivement à la partie souffrante de la société, il adore la liberté et la nationalité, et sait boire gaillardement au bienêtre du prolétaire, au salut de la patrie. L'idée, d'ailleurs, chez lui marche d'accord avec le sentiment, et.il sait, à l'occasion, tirer de sa lyre des sons aussi vigoureux que suaves. Son chefd'œuvre sous ce rapport est le dithyrambe sur la mort d'un de nos meilleurs poëtes, sur Van Duyse. Ici l'amour de la patrie flamande l'a inspiré, a exalté son esprit, échauffé son cœur, coloré son imagination, ennobli son style et communiqué à l'ensemble quelque chose de la rectitude de pensée et de la pureté de diction des anciens.

Nous faisons des voeux pour que M. Hiel continue à travailler sa pensée, à épurer encore davantage son goût dans le choix de ses sujets comme dans ses expressions, et s'efforce

de s'approprier les dernières ressources de la langue; car il a un grand cœur et il s'est donné pour mission de répandre, parmi les masses, l'amour du vrai, du beau et du juste, dont la poésie est une manifestation si noble et si puissante. Puissent ses chansons trouver accès chez le peuple et remplacer ces immorales chansons du quartier latin qui, bien que peu ou point comprises, infectent Bruxelles et le dernier hameau de sa banlieue.

Grafloover, gedichten door J. Staes. Antwerpen.

Les « Feuilles sur une tombe, » de M. Staes sont un hommage rendu « à la meilleure des mères, » quelques pièces de vers inspirés à un fils pieux par le plus noble des sentiments. La bonté inépuisable de cette digne femme, son amour, sa sollicitude et ses soins maternels, son cœur éprouvé par la perte d'enfants qui la précédèrent dans la tombe, son chagrin et sa mort, le culte de son souvenir et l'espoir de la revoir dans la vie future, tel est le sujet uniforme et douloureux de ces « Feuilles.» « La composition de ces vers, dit l'auteur, » m'a fait passer mainte heure de ma vie dans la plus douce » rêverie. Puissent ceux qui pleurent un être chéri enlevé par » la mort, goûter à la lecture de ces poésies le même bonheur » qu'elles m'ont procuré. » Le but de la poésie étant aussi d'émouvoir, M. Staes l'atteindra chez les âmes sensibles et pieuses d'autant plus sûrement que sa douleur est sincère et profonde et qu'elle s'exprime dans un langage pur et simple. Ce n'est pas nous qui lui reprocherons, comme il semble le redouter dans sa préface, le ton sombre de son élégie qui est ce qu'il doit être. Son livre est l'œuvre d'un bon fils et d'une belle âme; il a, de plus, de grandes qualités littéraires. La vie n'est qu'une mosaïque d'heur et malheur, de douleur et de joie, pourquoi ne ferions-nous pas si bon accueil au souvenir de nos amis d'outre-tombe qu'à une stance à la lune ou une ode à Phyllis? Seulement, nous ne sommes pas de l'avis de M. Staes lorsqu'il émet l'opinion « que la poésie ne doit pas tant consister dans la forme des pensées que dans les pensées mêmes. » Nous admettons jusqu'à un certain point l'art sans l'idée dans la peinture et la sculpture, mais nous sommes con

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