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de diamant, et nous savons que s'il a parfois ses écarts et ses défaillances, nous trouverons dans ses imperfections mêmes un grand sujet de méditation et le plus utile enseignement.

E. H. KESLER.

LITTÉRATURE FLAMANDE.

Geschiedenis van Wetteren, gevolgd van eene historische Schets der omliggende gemeenten, door Jan Broeckaert. Gent, in-8° de IV-315 pp.

Nous nous réjouissons tout particulièrement à l'apparition de chaque monographie historique du pays. Elles viennent peu à peu compléter et rectifier, par le dépouillement des archives locales, les éléments d'une nouvelle histoire générale de Belgique, et nous ne sommes pas à la dernière. M. Broeckaert enrichit la série de nos histoires spéciales, de celle du village considérable de Wetteren; elle est suivie d'une esquisse de celles de Laerne, de Calcken, de Schellebelle, de MassemenWestrem, et l'auteur nous promet successivement la description historique des autres communes de l'arrondissement de Termonde.

Pour signaler l'importance de ce livre, il suffirait d'en transcrire la table des matières. Après avoir parlé le plus sobrement possible de l'étymologie et des origines de Wetteren, qui se perdent dans « la nuit des temps » comme toutes les origines de tous les pays, M. Broeckaert raconte succinctement des temps anciens de ce bourg ce qu'il a pu en apprendre de positif; il n'insiste guère sur la conjecture, assez vraisemblable d'ailleurs, que Warminia (Waterminia ?), villa à deux églises, qui appartenait au IXe siècle à l'abbaye de Saint-Bavon de Gand, serait la même localité que Wetteren; il nous montre la seigneurie de Wetteren, possédée par Robert de Béthune, en 1225, et directement soumise au comte de Flandre jusqu'au xvie siècle, donnée ensuite en fief à Maximilien, Vilain de Gand, comte d'Iseghem, etc., famille dans laquelle elle demeura.

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Entre le règne de Philippe le Bon et la révolution de 1830, quelques faits historiques importants ouvrent un champ plus libre au récit de l'historien. Ce sont le soulèvement des Gantois, pour cause d'oppression, sous « ce bon » Philippe ; la prise du château de Laerne par les Chaperons blanes; la dévas tation du pays de Waes par les deux partis; l'arrivée du comte à Wetteren, où des ambassadeurs du roi de France réussissent à lui faire accepter une trêve et un traité; puis, sous le règne d'un autre « bon Philippe » (IIe), les troubles pour cause d'intolérance, le pillage de l'église de Wetteren par les iconoclastes, les brigandages exercés par les troupes espagnoles, le soulèvement des paysans contre les gueux et la destruction du village par ceux-ci, enfin l'arrivée du duc de Parme et le départ des Espagnols; puis encore, sous le règne du « bon et grand » Louis XIV, la dévastation et l'incendie de Wetteren par les Français; enfin les événements, toujours ruineux ou désastreux, qui signalèrent l'entrée de ces généreux Français nous apportant le bonheur et la gloire dans les drapeaux de Dumouriez, et ceux qui marquèrent le règne de Napoléon le Grand lequel, pour comble de bienfaits, nous dota de la conscription militaire.

Tous ces faits sont racontés par M. Broeckaert avec beaucoup de jugement et de précision, dans un langage simple, pur et correct; son livre sera lu avec le plus vif intérêt, non-seulement par les hommes d'étude, mais surtout par les nombreux souscripteurs de sa contrée, pour lesquels il ne constituera pas uniquement une histoire de Wetteren et de ses environs, mais une histoire succincte des principaux événements de l'histoire belge, double avantage que présente une monographie écrite par un homme de tact et de talent.

L'autre moitié de ce livre est consacrée à la description et à la narration de tout ce qui intéresse la vie publique d'une agglomération d'hommes : église, hôpital, hospice, écoles et académie de dessin; statistique, commerce, industrie, sociétés de littérature, de musique, de chant et d'archers; les hommes célèbres de la localité, les anciens géants, les légendes populaires, etc.

L'ouvrage est suivi d'un appendice de quinze documents inédits relatifs aux diverses matières traitées dans le corps du volume; il est orné d'une vue générale de Wetteren, d'une

vue de l'église, d'une planche représentant un jeton de l'église à l'effigie de sainte Gertrude, une lanterne en cuivre et un instrument en verre, à manche de cuivre, qui paraissent de la plus haute antiquité; le dernier de ces objets, auquel on attribuait une vertu miraculeuse, était destiné à arrêter les saignements de nez; on l'appliquait dans le cou des enfants, de la même façon et avec le même avantage qu'on emploie à cet effet une simple clef. Puis viennent « les géants » de Wetteren et le château de Laerne. A propos de ces géants, on raconte que Napoléon, précédé d'une division de cavalerie légère, traversa en 1810 la commune avec l'impératrice, laquelle se trouvait dans un état intéressant; tout le village alla processionnellement à leur rencontre, sans doute plus par curiosité que par respect; les géants n'avaient pas été oubliés dans cette circonstance solennelle; mais dès que la foule s'approcha des illustres voyageurs et que l'empereur aperçut de loin le couple de Titans, il s'écria: « Arrière manants! pas de monstres devant l'impératrice! » et les hussards de charger géants et manants et de les disperser. C'est grâce sans doute à cette précaution prompte et énergique que le roi de Rome ne fut pas lui-même un monstre ou un géant.

Jacob Van Maerlant en zyne werken, door Karel Versnaeyen. Gent, in-8° de x-154 pp.

Dans une livraison antérieure, nous avons sommairement fait connaître cette célébrité nationale d'après le mémoire couronné de M. Serrure fils; nous y avons aussi apprécié l'œuvre de ce dernier, en nous appuyant sur le rapport que fit de ce concours M. Heremans, au nom du jury, appréciation qu'il n'y avait pas lieu de modifier, à part même la question de convenance. Il serait donc surabondant de revenir sur la personne et les œuvres de Jacques Van Maerlant à l'occasion du livre de M. Versnaeyen, et nous obéissons aux mêmes motifs en traduisant simplement ici le jugement que le jury porta sur cette œuvre, qui dans l'opinion des juges occupait la deuxième place. parmi les concurrents.

« Le mémoire intitulé: Jacob Van Maerlant en zyne werken, » est-il dit dans ce rapport, « surpasse les mémoires précédents » du tout au tout. On voit que l'auteur s'est efforcé de satis» faire à toutes les exigences du programme. Il a compléte

»ment approfondi le sujet; l'analyse qu'il donne des œuvres » de Van Maerlant laisse peu à désirer, et son appréciation du » mérite littéraire de ses ouvrages est généralement juste. >> Toutefois il répand peu de lumières sur les points contestés; » d'ordinaire il suit la trace de ses devanciers, et il lui arrive » bien de se fourvoyer lorsqu'il l'abandonne. Ainsi il prétend » que le Wanene Martyn fut composé peu de temps avant la » mort de Van Maerlant et tout d'un trait. Lorsque plus loin, il » veut représenter les mérites de l'auteur du Wapene Martyn >> comme philosophe, on s'aperçoit qu'il s'aventure timidement » sur un terrain qui ne lui est pas assez familier. Il cherche >> parfois à éluder des preuves solides par des ornements de » style. »

Cette critique sévère est celle d'un jury, et qui plus est, d'un jury officiel; mais telle qu'elle est, et précisément à cause de la source dont elle émane, M. Versnaeyen et le public peuvent et doivent la regarder comme très-élogieuse. D'ailleurs, ceux qui possèdent l'ouvrage de M. Serrure feront bien d'acquérir celui de M. Versnaeyen: ils y trouveront des idées lumineuses et des détails précieux que l'on désirerait trouver aussi dans l'œuvre du rival couronné.

Étude historique et critique sur l'orthophonie et l'orthoëpie tudesques, suivie de la loi runique de modification des articulations, par EM. VERSTRAETE, lieutenant d'infanterie. Gand, Rogghé; in-8° de VII-262 pp.

Nous croyions la question de l'orthographie de la langue flamande ou néerlandaise résolue. Les seuls points qui restent en litige sont le redoublement de l'a et de l'u par eux-mêmes, comme cela a unanimement lieu pour l'e et pour l'o, ou au moyen d'un e, et l'emploi de l'y ou de ij. A cette légère différence près, nous croyions être sortis à jamais de cette lutte de lettres, qui occupe malheureusement encore certains esprits, très-sérieux, sans fruit aucun pour la science, mais dans le but peu sensé de faire de la langue une ligne de démarcation politique entre la Belgique et la Hollande sur ce point, disons-le, règne un touchant accord entre nos ultra-catholiques et nos ultra-libéraux. Ce concert, renouvelé de 1828 et 1829, n'empêchera pas l'élite des écrivains flamands de rester aussi irréprochables de patriotisme que personne, tout en écrivant leur

langue à la manière des Hollandais, de même que, Flamands et Wallons, nous orthographions la langue française tout comme les Français.

Nous croyions enfin, comme le disait récemment l'un des trois linguistes distingués auxquels est confiée la rédaction du grand dictionnaire de la langue néerlandaise, le docteur Te Winkel, « que nous pouvions nous vanter d'une orthographe » qui, sans atteindre une perfection impossible, est meilleure » que toute autre. » « Quant à moi du moins, ajoute-t-il, je ne >> connais aucune langue moderne qui satisfasse davantage et » plus logiquement que la langue néerlandaise aux deux prin»cipes si souvent contradictoires d'une orthographie sensée, » respectant à un si haut degré l'étymologie, sans léser, autant » que beaucoup d'autres langues, la prononciation..... »

Ceci établi, nous nous trouvons très-embarrassé devant l'ouvrage de « l'Orthophonie et l'orthoépie tudesques, » qui professe, nous le constatons avec plaisir, la même opinion au sujet des deux points controversés, mais qui réclame pour l'orthographie flamande des modificatious radicales dans les consonnes et les voyelles, modifications auxquelles nous ne dénions pas une valeur scientifique, mais que dans la pratique rien ne justifie. Nous avouons qu'une première et deuxième lecture de ce livre nous a laissé d'abord dans une grande perplexité; nous avons songé à une mystification, à une guerre d'un genre nouveau contre cette malheureuse langue flamande qui n'en peut mais et que plus d'un de nos « faiseurs >> souhaite tout bas et tout haut à l'autre rive du Moerdyk. Mais non, nous sommes bien sur le terrain de la science; M. Verstraete est très-sincère et il n'a été mû que par l'amour de la science, par l'intérêt qu'il porte à la langue maternelle de la moitié des Belges, qui est aussi la sienne, sans doute, et il a cru, par les innovations qu'il propose, rendre la langue flamande plus rationnelle, selon lui, et en faciliter l'étude aux Wallons. Ses efforts sont certainement très-louables et inspirés par les meilleurs sentiments, il a fait des investigations très-laborieuses, nombre d'observations linguistiques très-judicieuses, il a exposé son système avec toute la chaleur et l'énergie que donne une foi vive, et son langage est souvent pittoresque. Mais à côté de ces bonnes qualités, il s'en trouve de moins bonnes; il y a bien

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