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3. Des résultats produits par les modifications apportées dans les tarifs douaniers des différents pays.

4. De l'uniformité à établir au point de vue international dans les lois relatives au commerce, à la navigation, aux assurances et au règlement des avaries.

De ces quatre questions principales, la première seule a pu être discutée largement; les autres ont été ajournées à la prochaine session.

La discussion sur la théorie de l'impôt et l'influence des divers impôts sur la production, a été ouverte par un remarquable travail de M. Hyacinthe Deheselle, qui demande l'impôt réel et non personnel, c'est-à-dire un impôt frappant les objets matériels par une taxe annuelle.

Ces vues ont été combattues par Mlle Royer (de Lausanne), qui s'élève en faveur de l'impôt personnel. D'après M1le Royer, l'impôt doit frapper les personnes en proportion de leur importance dans l'État.

M. Ch. Le Hardy de Beaulieu trouve un lien entre les théories divergentes de Mlle Royer et de M. Deheselle; il suffit pour cela de combler une lacune dans l'exposé des idées de M. Deheselle. La richesse matérielle n'est point la seule richesse, les forces de l'intelligence créent des revenus et constituent aussi une propriété. Cette propriété a besoin, de la part de l'État, d'une protection qui doit être payée à l'État. MM. V. Vandenbroek et Masson prennent part à cette discussion, l'un en combattant la théorie de M. Deheselle, l'autre en prouvant qu'imposer les forces intellectuelles, c'est imposer doublement et atteindre à la fois l'intelligence créatrice et son produit.

M. Laurence Hegevorth, envisageant la question sous un autre point de vue, se pose le champion absolu de l'impôt direct, contre toute espèce de taxe indirecte. Il démontre l'influence fâcheuse des impôts de douanes et d'accises sur la prospérité du commerce et fait ressortir les avantages que présenterait l'établissement de l'impôt direct au point de vue de la richesse nationale. Il cite l'opinion du prince Albert dont les paroles ont toujours été en faveur de l'extension la plus large du système du free-treade, et du développement du commerce dans tous les pays du monde.

Sir John Bowring confirme les idées de M. Hegevorth sur

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l'influence favorable qu'exercerait la suppression de toute douane. Comme gouverneur de Hong-Kong, il en a fait une expérience décisive; cependant il ne croit pas, quoi qu'il le désire beaucoup, à la suppression possible de toute taxe indirecte dans nos États européens. La liberté du commerce, dit le vénérable sir John Bowring, doit procurer au monde entier des bienfaits incalculables.

M. F. Boult, vice-président de la National Association de Liverpool, soutient avec vigueur la thèse de M. Hegevorth, en se déclarant partisan de l'impôt direct et en demandant qu'il soit étendu et maintenu comme utile, nécessaire, sacré pour tous les peuples. Le libre-échange, c'est la paix, la fraternité; les impôts indirects entravent la production, la vente et le transport des produits, et entretiennent le paupérisme et la misère.

M. Joffroy, à qui une proposition célèbre vaudra la reconnaissance de la Belgique, s'exprimant d'abord comme délégué et au nom de la Chambre de commerce d'Anvers, formule un vœu énergique pour l'abolition immédiate et radicale de la douane. Exposant en son nom personnel, les moyens de résoudre la difficulté fiscale, il cite, aux applaudissements de tous, la réduction du budget de la guerre. Pour réaliser cette réforme, dit M. Joffroy en terminant, «< il ne faut plus un colosse d'intelligence ni un grand patriote; il faut simplement, messieurs, un travailleur, un honnête homme, un homme de bonne volonté. »

La première séance du 22 septembre a été clôturée par ce remarquable discours, qui a rencontré une adhésion presque unanime.

La deuxième séance a été ouverte par un discours de M. Duval qui combat le système présenté par M. Joffroy parce qu'il y découvre justement le contre-pied de ce qu'il y a à faire, c'est-à-dire la prépondérance du commerce et de l'industrie sur l'agriculture et de la propriété mobilière sur la propriété immobilière. M. Duval dit que la division en impôt personnel et en impôt direct ou indirect n'est qu'une fausse division sans portée. Il voudrait que l'impôt fût réparti en impôt spécial et en impôt général. Le premier, celui qu'il préfère, est toujours juste et exact; le second arrive à la justice comme il peut, et la décentralisation est sa voie véritable.

M. Vandenbroek, faisant un parallèle très-intéressant entre divers impôts perçus en Belgique, signale l'injustice des tarifs douaniers de notre pays, et proteste contre les impôts qui frappent les portes et les fenêtres, et ceux qui soumettent les médecins à la patente, tandis que les avocats en sont exempts.

M. Koecklin, délégué de la Société des industriels néerlandais, réclame, au nom de l'industrie, contre l'application brusque et absolue des nouvelles idées du libre-échange. Son compatriote, M. Van Rees, professeur d'économie politique, lit un discours dans lequel il déclare franchement ne pas comprendre qu'on puisse vouloir l'abolition totale et immédiate des douanes, le meilleur des impôts indirects, l'impôt direct unique étant impossible dans l'état actuel de nos mœurs. Économiste de profession, il doit être l'adversaire des douanes, mais c'est un adversaire modéré.

M. Joseph Garnier, dans un discours plein d'humour et de verve éloquente, définit l'impôt de l'avenir. Cet idéal, c'est l'impôt sur le revenu direct, unique, modéré, simple et progressif sans spoliation; mais cet impôt ne sera possible que quand les peuples cesseront d'obéir aux préjugés belliqueux. «Les peuples, s'écrie M. Garnier, sont belliqueux; c'est antimoral, antiphilosophique, absurde, mais c'est vrai ! »

D'après M. Garnier, l'impôt rationnel est le prix des services rendus par l'autorité publique, services à la tête desquels il place la sécurité et la justice. L'impôt doit être payé par tout le monde, sans exception; il doit être simple, direct, et assis de préférence sur le revenu. Enfin, l'impôt doit être perçu en proportion progressive. « Je dirai aussi, ajoute-t-il, que l'impôt doit toujours être préféré à l'emprunt, car, en empruntant, les nations ne savent pas où elles vont. » Il termine, au milieu d'applaudissements prolongés, en déclarant que, selon lui, les finances des peuples ne se constitueront d'une manière rationnelle que quand les peuples auront renoncé au système des gros armements militaires !

Les conclusions de ce discours sont : 1° l'impôt rationnel est le prix des services rendus par les pouvoirs publics et notamment du service de sécurité et de justice; 2o l'impôt doit être payé par tous les citoyens sans exception; 3o l'impôt doit être modéré, moral, simple, direct, assis de préférence sur le

revenu; 4o l'impôt doit être perçu en proportion progressive limitée; 5o les pouvoirs publics doivent être organisés de manière à rendre le plus de services avac le moins de dépenses. 6° l'impôt doit être préféré à l'emprunt pour les dépenses extraordinaires; 7° les finances du peuple ne pourront être constituées d'une manière rationnelle que quand les peuples renonceront aux préjugés nationaux et militaires.

M. Baruchson, délégué de la chambre de commerce de Liverpool, applaudit au libre-échange, mais il croit nécessaire longtemps encore la pratique des impôts indirects. M. Macfie partage ces idées. Ces deux orateurs anglais combattent les arguments dont s'est servi M. Duval pour défendre l'impôt douanier. Il en est de même de M. O'Reilly, membre du Parlement anglais, lequel prétend que l'absolu est impossible en matière d'impôt et qu'il faut se contenter d'une solution éclectique qui seule peut être prompte. Il veut que l'impôt prenne le moins possible, qu'il soit le plus près possible de la consommation et qu'il soit égal pour tous.

M. Ch. Le Hardy de Beaulieu croit que les difficultés contre lesquelles chaque système vient se heurter ne disparaîtront qu'avec les réductions des dépenses publiques. Il partage l'avis de M. Garnier et engage l'Association à s'occuper sérieusement de cette question, car il y a urgence, l'impôt indirect étant, quoi qu'on en dise, plein d'injustices criantes.

M. le comte Arrivabene ne veut point de l'absolu, pour lequel il avoue sa profonde antipathie et qu'il considère comme ne pouvant tenir place dans tout ce qu'il y a d'humain. Par cette raison, il n'admet point l'impôt unique. Il engage à contribuer à la formation du capital et témoigne de sa bienveillance pour les classes ouvrières qu'il voudrait voir mieux nourries, mieux logées, mieux vêtues, plus instruites. Restons toujours pratiques dans nos discussions et tâchons de trouver des solutions pour le bien-être des masses: tel est le souhait généreux qu'exprime le comte Arrivabene, et qui, naturellement, a rencontré une approbation unanime.

M. Clamageran, de Paris, défend avec talent et éloquence la thèse de l'impôt direct sur le revenu et sur le capital; il partage à peu près les idées de M. J. Garnier. Il engage à s'occuper avant tout du budget des recettes et croit le système de la

taxation directe supérieur au système de taxation indirecte, aux différents points de vue de la justice, des libertés et de l'économie qui en résulte pour l'ensemble de la nation. M. Clamageran combat les deux grandes branches de l'impôt indirect, le timbre et l'enregistrement, lesquels ont, à ses yeux, l'immense inconvénient d'être contraires au principe de proportionalité, en ce sens qu'ils grèvent, non la richesse, mais la circulation de la richesse. La douane et les accises ne trouvent point grâce devant la logique de l'orateur. Ce sont, dit-il, des impôts qui violent manifestement la justice. Tous les impôts, ajoute-t-il, ont encore d'autres inconvénients graves, comme celui de gêner la liberté individuelle. Ceci est vrai, surtout des impôts de timbre et d'enregistrement. Des observations pratiques avaient été faites touchant l'impôt sur le capital et sur le revenu. M. Clamageran y répond en disant qu'il n'y a pas d'impôt parfait. Il croit que l'impôt direct a cet avantage que la valeur peut être constatée par une foule de moyens et qu'il coûte peu de frais de perception.

M. Wolowski, membre de l'Institut, prend la parole après l'éloquent plaidoyer de M. Clamageran. Il justifie le titre de chef de l'école de l'indifférence en matière d'impôt, que lui a décerné si judicieusement M. Jottrand, l'un des secrétaires de la cinquième section. La question de la réforme de l'impôt se confond, pour lui, avec celle de la réduction des dépenses publiques, et il croit que le meilleur impôt est celui que l'habitude a fait entrer dans les mœurs. Malheureusement les nations sont obligées de se défendre, et avant de s'enrichir, elles doivent songer à sauvegarder leur existence. M. Wolowski déclare franchement que, quand elle est nécessaire, la guerre est une chose sainte, et qu'il ne serait pas prudent de renvoyer les chiens de garde quand il y a tant de loups.

On peut objecter à M. Wolowski que ce sont les loups qui sont trop armés. Mais, chez lui, c'est une question de sentiment plutôt qu'un principe d'économiste, ainsi que l'a fort bien et fort délicatement objecté M. Garnier, en réponse à une remarque judicieuse faite par M. Mayer-Hartogs. A ce titre, nous excusons M. Wolowski, car il appartient à une nationalité souffrante, qui compte sur les armes pour reconquérir la liberté.

Le même orateur a combattu assez faiblement la théorie de

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