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tère national et patriotique : l'esprit de l'auteur et ses aspirations constantes, les sujets qu'il traite avec prédilection, les idées de progrès et de liberté qui dominent tous ses écrits, enfin le but immédiat qu'il se propose en ce moment.

Les trois volumes annoncés se composent en partie de poésies et de poëmes publiés depuis dix ans, la plupart dans la Revue trimestrielle, et en partie de poésies nouvelles inédites. formant un ensemble sous le titre de : En famille.

Dans la première partie prendra place d'abord le recueil si original et si varié intitulé Marbres antiques, travail d'artiste et de poëte, véritable musée de poésie, chrestomathie intelligente et harmonieuse, spécimen de renaissance de l'antiquité comme la comprenait André Chénier. Les Marbres antiques n'avaient paru qu'en partie dans le XVe volume de la Revue trimestrielle : le poëte en a fécondé la donnée et agrandi le plan. Puis viendront le Poëme du Soleil et le poëme dramatique intitulé la Vapeur. Il semble que le premier volume soit consacré aux progrès de l'humanité par l'art et par la science, à ces luttes pacifiques et grandioses de l'homme avec la nature.

:

Le poëte chante ensuite la patrie et les nationalités. Ici se placent la Mendiante, souvenir d'Italie, vivante allégorie des héroïques efforts faits par l'Italie pour secouer toutes les oppressions; la Traversée, magique tableau de la libre Angleterre; à Paris, élégie plutôt que satire; et enfin le poëme la Belgique, l'œuvre la plus complète que l'amour de la patrie ait inspirée à un Belge. Le drame de Jacques d'Arteveld, le dernier ouvrage de M. Potvin, couronné au concours de littérature dramatique, viendra naturellement après le poëme de la Belgique, et le volume sera complété par quelques traductions en français des poésies de Van Ryswyck, ainsi que par quelques traductions en poésie des peintures de Wiertz.

Le troisième volume, entièrement inédit, est intitulé, comme nous l'avons dit plus haut: En famille. Ce sera le livre des femmes,

La famille complète en sa gamme d'amour.

Ce volume est divisé en deux parties au foyer et la grande famille. On devine déjà la série, la progression de sentiments

que le poëte a voulu exprimer. Les titres des différents livres en diront plus encore.

La première partie contient : Prologue; 1 Contes pour les amoureux; II Aimer; III Au bord du nid; IV La nichée; V Contes du vieux magister. La deuxième partie : Prologue; I Sois homme; II Larmes du peuple; III Patrie; IV L'horizon.

Les journaux ont fait diverses citations de ce recueil nous pourrions en faire d'autres, car il n'est rien qu'on ne puisse citer et nous n'exagérons pas en affirmant que tout est également remarquable, que tout sera remarqué, admiré, aimé. La Belgique sera fière de cette œuvre qui comptera parmi les plus belles de la littérature française contemporaine.

Mais si nous nous félicitons de l'apparition de ce livre, pour notre pays en particulier, pour l'art littéraire en général, nous nous en félicitons bien plus encore pour la moralisation des sentiments et le progrès des idées. La poésie de M. Potvin n'est nullement ce que l'on décore trop souvent de ce nom sacré ; on n'y trouve point ce sentiment passif et stérile, simple distraction ou délassement, jeu futile de l'esprit, amusement des sens, paroles en l'air et phrases vides. C'est là, au contraire, « que la passion parle toute pure, » que la pensée revêt sa forme pittoresque, que l'image est vivante, que le vers, enfin, « dit toujours quelque chose. » Le poëte sème les idées à pleines mains, à la volée, partout, sans cesse. Que lui importe que toutes ne germent pas? que beaucoup tombent sur une terre ingrate? que le développement s'en fasse attendre? que tout même s'oppose à ses efforts, leur soit contraire, hostile, fatal?... L'avenir lui sourit, car l'avenir lui appartient. Cette poésie est belle, elle est vraie, elle est bonne : elle vivra.

Dans ce rapide torrent qu'on appelle la vie de l'humanité, que d'idées ainsi jetées aujourd'hui et que le tourbillon emporte, mais qui reparaîtront plus loin, plus tard, plus fraîches et plus vivaces que jamais!

E. V. B.

LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE BELGIQUE.

1

Mémoires

Mémoires de Viglius et d'Hopperus, 1 vol., publiés par M. Alph. Wauters.
anonymes sur les troubles des Pays-Bas, 3 vol., publiés par M. J.-B. Blaes.
Mémoires de Jacques de Wesenbeke, 1 vol., publiés par M. Ch. Rahlenbeek.
Mémoires de Frédéric Perrenot, sieur de Champagney, 1 vol., publiés par M. A.-.-P. de
Robaulx de Soumoy.

Depuis la publication des Mémoires de Fery de Guyon, qui a été le début de la Société de l'histoire de Belgique, et à laquelle nous avons consacré un premier article, nous n'avions fait qu'annoncer les œuvres importantes qui ont vu le jour par les soins de ces intelligents éditeurs; nous nous étions borné à signaler les services rendus à l'histoire nationale par des écrivains dévoués, de consciencieux érudits, des commentateurs infatigables.

Quatorze volumes ont paru maintenant, et un grand nombre sont sous presse ou en préparation. Ce sont pour la plupart des ouvrages inédits ou devenus extrêmement rares, des mémoires personnels qui jettent sur l'histoire des clartés soudaines, parfois des révélations précieuses, pleines d'intérêt, fécondes en aperçus nouveaux.

Nous ne parlerons aujourd'hui que des œuvres dont la publication est achevée; plusieurs n'en sont encore qu'au premier volume, et nous préférons d'ailleurs les apprécier par compa-' raison, dans un ensemble qui permette de juger l'époque même.

Les quatre recueils de mémoires que nous avons sous les yeux se distinguent par des qualités diverses et par autant de tendances qu'on en rencontrait dans cette révolution même des Pays-Bas au xvIe siècle. Viglius et Hopperus sont les amis du pouvoir despotique, les serviteurs du gouvernement espagnol; l'anonyme dont M. Blaes interprète l'immense travail, est plutôt un partisan de la liberté de conscience, presque un protestant, mais impartial et éclairé; Jacques de Wesenbeke va beaucoup plus loin, il blâme vivement l'Espagne et justifie la révolution; quant à Champagney, c'est le fonctionnaire de Philippe II, le catholique déterminé, mais déplorant les fautes et les excès du duc d'Albe, protégeant les Belges sans les excuser. Si l'on se place successivement à ces quatre points de vue, si l'on étudie l'époque avec ces quatre écrivains, aussi intime

ment qu'on y est entraîné par les allures du mémoire, on peut se faire une idée exacte de cette importante partie de notre histoire nationale.

C'est à notre savant archiviste, M. Alph. Wauters, qu'est échue la tâche ingrate de remettre en lumière la vie et les ouvrages de Viglius et d'Hopperus, les deux « cardinalistes, >> c'est-à-dire les soutiens du cardinal de Granvelle, comme dit Jacques de Wesenbeke. Une ardeur, peut-être fort peu sincère, pour le catholicisme et pour le pouvoir des Espagnols, de la servilité, de l'égoïsme, des sentiments bas : voilà ce qui tout d'abord s'offre à l'étude de l'érudit qui fouille la vie de ces deux hommes. M. Wauters a reproduit toutefois les opinions diverses qui ont été formulées à cet égard, mais en ayant le tact de ne point excuser quand même les personnages dont il s'occupe, malgré le penchant trop ordinaire en pareil cas. C'est à leur science seule qu'il rend justice, et avec raison; il déplore surtout que les deux savants aient quitté la carrière dans laquelle la postérité puisse continuer à les estimer.

Viglius Zuichem ab Aytta, né en Frise, au château de Barrahuys, le 19 octobre 1507, étudia à Deventer, à Leyde, à Louvain, à Dôle, à Valence en Dauphiné et à Bourges; il remplaça à Bourges son ami Alciat, professa à Padoue, publia la paraphrase des Institutes de Théophile; devint assesseur à la Chambre impériale à Spire, puis professeur de droit à Ingolstadt, et rentra enfin en Belgique, en 1544, comme membre du conseil privé, dont il fut président en 1549. Ce fut lui que l'on chargea d'instruire le jeune Philippe des usages et des besoins du pays. Il mourut le 8 mai 1577.

Deux œuvres historiques attribuées à Viglius, ont été publiées et commentées par M. Wauters; ce sont : 1° Discours sur le règne de Philippe II, narration latine, de l'an 1559 à l'an 1566, et qui semble inachevée; 2o La source et le commencement des troubles suscités aux Pays-Bas, sous le gouvernement de la duchesse de Parme, par ceux qui avaient pris le nom de Gueux, narration française concernant les années 1563 à 1573.

Quant à Joachim Hopperus, il était né en Frise le 11 novembre 1523, étudia à Harlem, puis à Louvain, enseigna le droit à Orléans, à Louvain, et entra en 1554 au grand conseil de Malines.

Son extrême obséquiosité lui avait fait donner le nom de Conseiller oui Madame. Il mourut le 15 décembre 1576.

L'œuvre d'Hopperus, que renferme le même volume, est le Recueil et mémorial des troubles des Pays-Bas du Roy; il s'agit des années 1559 à 1566.

On comprend que ce ne soit pas précisément en de tels ouvrages, pleins de réticences et d'équivoques, que l'on trouve l'intérêt ordinaire des mémoires historiques.

Il n'en est pas de même d'un manuscrit de la plus haute importance, concernant les troubles des Pays-Bas de 1565 à 1580, mis en lumière et publié pour la première fois par M. J.-B. Blaes, le jeune et savant historien que la mort nous a si malheureusement enlevé, le 2 décembre de l'année dernière. Ce travail d'éditeur intelligent et de commentateur habile consacrera la mémoire d'un écrivain qui s'était placé déjà parmi les meilleurs représentants de notre littérature nationale.

La notice qui accompagne cette publication nous en révèle tout le prix, en faisant l'historique du manuscrit appartenant aujourd'hui à la Bibliothèque royale. Ce manuscrit, qui forme trois volumes de l'édition de la Société de l'histoire de Belgique, est attribué, par une note du feuillet de garde, à Janus Gruterus ou Jean de Gruutere, bibliothécaire de Heidelberg, descendant d'une famille belge. M. Blaes, en contestant cette paternité par des motifs parfaitement plausibles, conclut toutefois que l'auteur était certainement un Belge, un philosophe, un partisan de la liberté de conscience, peut-être un protestant.

<«< Mais le côté original de ce manuscrit, continue M. Blaes, ce qui le rend le plus digne d'attirer l'attention, ce n'est pas tant l'esprit d'hostilité dont il est empreint; c'est surtout le soin avec lequel il mentionne les sentiments et les bruits populaires, et les impressions diverses que faisaient naître au sein des masses les moindres événements de cette époque si agitée. On reconnaît dans la plume qui écrit, celle d'un homme habitué à la vie publique, qui a vécu au milieu du peuple dont il retrace l'histoire, qui a partagé ses douleurs, ses joies, ses espérances et jusqu'à ses passions. >>

Il y a des passages même où l'anonyme semble mieux informé que Le Petit, que Bor et que Van Meteren. Mais si le commentateur a soin de signaler ces révélations, il relève et rectifie

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