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était géomètre, poète, orateur, dialecticien, interprète de l'écriture sainte, exercé à résoudre toutes les erreurs. Il soulageait son frère dans ses fonctions, et travaillait infatigablement. Il écrivit un traité de la nature de l'âme; Sidoine Apollinaire, à qui il l'avait envoyé, l'en remercie par une lettre, où il le compare aux meilleurs auteurs ecclésiastiques (1). Il a donc le droit de figurer dans ce groupe d'hommes éclairés, dont la Gaule s'honore au cinquième siècle, et que l'hellénisme a contribué à former (2).

L'historien de la Civilisation en France, a rendu, en termes très-vifs, hommage au mouvement intellectuel dont la Gaule fut le théâtre au quatrième et au cin

(1) Sid. Apoll. epist. lib. V, liv. 2. «Librum de statu animæ tribus voluminibus illustrem Mamertus Claudianus peritissimus Christianorum philosophus, et quorumlibet primus eruditorum, totis sectatæ philosophiæ Diembris, artibus, partibusque comere et excolere curavit, novem, quas vocant Musas, disciplinas aperiens esse, non fæminas. » Parisiis, MDXCIX. (2) Bibl. Patrum. t. IV, p. 698.-De Mamertini Claudiani scriptis et philosophia dissertatio. A. C. Germain. Paris, 1840. Sidon. Apoll. epist. IV, c. 11. Ignobilium autem philosophorum plebe rejecta, Claudianus potiores quosque deligit, qui veritatem tueantur... ex his ergo quos contra veritatem vocat vocem veritatis oportet accipiat et genuinæ primum Græciæ classicum, multisonam pythagoreorum tubam et lituum Platonis. Pythagoræ igitur, quia nihil ipse scripserit, apud discipulos quærenda sententia est. In quibus vel potissimum floruisse Philolaum reperit, qui, multis voluminibus de intelligendis rebus, et quid quæque significent oppido obscure disserit, ac priusquam de animæ substantia decernat, de mensuris, etc... A. C. Germain, 53..... Claudianus ad Philolaum tandem redit, cujus insignem tunc περí þvoμœv xai μétpov, librum incorporalitatis auctorem invocat. Duorum præterea Phytagoricorum simul et Tarentinorum, Archytæ et Eumenis, testimonium profert, certus scilicet neminem contradicturum, si quis hoc idem sensisse scriptisque tradidisse Archippum, Epaminondam, Aristeum, Gergiadem, Diodorum, et omnes Pythagoræ discipulos affirmaverit. Tum Platonem adducit in medium... Phædrum igitur et Phædonem testes vocat, quid idem Plato in Hipparcho, quid in Lachete, in Protagora, in Symposio, in Alcibiade, in Gorgia, in Critone, in Timæo de anima pronuntiaverit, brevitatis gratia missum faciens. Cujus insuper philosophorum omnium principis auctoritatem platonici Porphyrii auctoritate confirmat, qui multis post Platonem sæculis, a Magistro nusquam in cadem causa dissentit. Ibid. p. 58. A. C. Germain. - Platonicus... non autem, ut innuit Jacob. Bruckerus, peripateticus dici potest Claudianus, nisi forte de philosophandi modo tantum intelligatur. Argumentorum scilicet substantiam ex Platone, formam ex Aristotele depromit. Neque enim Aristotelem minus quam Platonem Callet, ut pote qui Aristotelis categorias æque ac Platonis dialogos in medium proferat. Ibid.

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quième siècle ('). Si notre patrie a conservé une vie si animée dans la Lyonnaise, la Viennoise, la Narbonnaise et l'Aquitaine, il n'hésite pas à en attribuer la cause à l'influence prolongée de la philosophie grecque dans ces provinces. Si l'Espagne, l'Italie, sont à cette époque beaucoup moins actives que la Gaule, beaucoup moins riches en études et en écrivains, c'est que, depuis un siècle déjà, les études helléniques ont cessé d'y être cultivées. Parmi les Gaulois, au contraire, elles se conservent dans différents foyers à la fois. On trouve chez eux des philosophes de toutes les écoles grecques, « tel est mentionné comme Pythagoricien, tel autre comme Platonicien, tel comme Epicurien, tel comme Stoïcien.» Tout atteste en un mot, ajoute M. Guizot, que sous le point de vue philosophique comme sous le point de vue religieux, la Gaule, était à cette époque, en Occident du moins, la portion la plus animée, la plus vivante de l'Empire. Tant il est dans le génie de la Grèce de communiquer à tout le mouvement et la vie!

Fauste fut moine d'abord, abbé ensuite (433) du couvent de Lérins. Il en sortit plus tard pour monter sur le siége épiscopal de la ville de Riez, dans les Basses-Alpes (462). Son pays originaire était la Bretagne. Comme Pélage, il était venu de ces écoles d'Irlande où la raison conservait une grande liberté. On peut croire, et l'on sait même que, comme Pélage, il était versé dans la connaissance du grec et de la philosophie antique. Il connaissait Platon, il ne l'avait pas oublié en entrant à Lérins (*). Même, il y continua ses études, pour se mettre mieux au courant des diverses écoles, afin de réfuter plus sûrement l'erreur. On le voit adresser une lettre à Græcus, diacre de Marseille, pour le détourner de l'hérésie

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de Nestorius (1). Ses études l'inclinèrent lui-même à suivre des sentiments contraires à ceux de Saint Augustin. Nous avons dit plus haut comment, dans la grande question de la grâce, les pères de l'église grecque se séparaient de ceux de l'église latine. Nous trouvons une preuve de l'hellénisme de Fauste, dans la faveur avec laquelle il accepte une part des erreurs de Pélage. Il n'est pas sûr qu'il ait porté ce goût jusqu'à donner dans Lérins même, un asile à Julien d'Eclane condamné, mais on l'en a accusé (*). On a lieu de s'étonner qu'un disciple de Platon comme lui ait conçu la singulière opinion que l'âme est matérielle (3). C'est contre lui que Mamert Claudien écrivit son traité de Natura animæ, dans lequel il fait un si large usage des philosophes grecs. Il invoque leur autorité contre Fauste (*).

Quelles qu'aient été les erreurs de cet esprit actif, indépendant, « un peu brouillon » dit M. Guizot, nous ne devons pas oublier qu'il institua à Lérins une grande école, où il recevait les enfants des parents riches, et les faisait élever, leur enseignant les sciences du temps. Nul doute que le grec n'eût sa place dans ces études dirigées par un homme de grand esprit et d'intelligence ardente. Nul doute aussi qu'il n'ait ainsi contribué à maintenir dans les rangs de la société élevée l'usage d'étudier les philosophes et les poètes de l'antiquité, tandis que le peuple conservait en quelques endroits, dans Arles par exemple, la coutume de s'exprimer en grec.

Si l'orthodoxie du couvent de Lérins avait besoin d'être défendue contre les accusations de semi-pélagia

(1) lbid. p. 176.

(*) Lérins au cinquième siècle. p. 177.

(3) Voir le traité de Natura animæ de Mamert, publié avec des notes d'André Schott et de Gaspard Barth, à Zuichawen, 1655.

(4) Guizot. t. I. p. 183.

Voir dans Sidoine Apollinaire, p. 441, édit. de Bâle, un remerciement, Eucharisticon, à Faustus.

nisme, on citerait le Commonitorium ou avertissement de Vincent, surnommé de Lérins. Mort vers l'an 450, il employa les jours de sa retraite à écrire savamment contre l'hérésie de Nestorius. Un mémoire daté de l'an 434 traitait surtout du concile d'Ephèse. Cette prédilection semble indiquer chez lui la connaissance de la langue grecque. On ne saurait la lui contester, quand on le voit invoquer, parmi les docteurs qui font autorité, les noms de Saint Grégoire de Nazianze, de Saint Basile, de Saint Grégoire de Nysse et de beaucoup d'autres. Il devait avoir étudié, dans le texte même, les écrits des Ariens, des Sabelliens, des Nestoriens, des Eutychéens, des Monothélites, des Monophysites, pour résumer comme il le fait dans son avertissement, avec une précision si rigoureuse et réfuter avec tant de justesse, en termes si forts, des discussions « qui avaient été si longues, si compliquées et parfois si subtiles (1). "

XIII.

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L'influence du monastère de Lérins ne resta pas limitée aux confins de la Gaule, elle s'étendit bien audelà de la mer, chez ces Bretons qui semblaient séparés du monde. La religion chrétienne et le culte des lettres y furent portés en même temps par les mêmes missionnaires. Saint Patrice ou Saint Patrik, était né probablement dans l'Armorique (2). Enlevé fort jeune à son pays, par le roi d'Irlande O'Neil, il réussit à s'échapper et revint dans la Gaule. Disciple de l'abbaye de Marmoutiers (3), formé dans le monastère de Lérins (*), il

(1) Ampère. t. II. p. 65. Tillemont. t. XV.

(2) 372 ou 387; mort en 465 ou 493.

(3) Ozanam. La Civilisation chrétienne chez les Francs. t. II. p. 472. (4) M. Hauréau. Singularités historiques et littéraires. 1861. p. 2.

convertit l'Irlande à la foi catholique. Il y a dans sa légende un trait caractéristique. Après trente ans de prédication, y est-il dit, ayant désiré voir le fruit de ses travaux, il fut ravi en esprit, et se crut transporté au sommet d'une montagne d'où l'Irlande lui apparut toute en feu. Ce feu, dit Özanam, était celui de la science autant que de la foi.

En effet, auprès de chaque église, il s'instituait une école. Patrice n'avait pas oublié les grands exemples qu'il avait vus dans la Gaule, où les monastères nourrissaient tant d'hommes savants. Les bardes convertis devenaient les directeurs des écoles nouvelles. A Sletty, c'était Fiech, à Armagh, c'était Benignus son disciple, probablement Gaulois comme lui, qui dirigeaient les études. Ses successeurs conservèrent son esprit et les grandes colonies monastiques de Clonard, de Lismore, de Bangor, furent longtemps des foyers d'instruction (1). Avant de mourir, il envoya dans les Gaules un de ses disciples préférés, Saint Olcan, en lui donnant une mission toute littéraire. Olcan devait traverser la mer sans en redouter les périls, aller entendre les docteurs des Gaules, se faire initier par eux aux secrets les plus intimes de la science sacrée et de la science profane, et, de retour en Irlande, y ouvrir des écoles publiques, pour l'enseignement commun des évêques et des moines irlandais. « Discendi aviditate ardentem (Olcanum) altiorum studiorum causa misil (Patricius) in Gallias, ubi in sacris litteris omnique meliori litteratura eos fecit fructus, ut, in patriam reversus, publicas aperuerit scholas, multorumque anstistitum et magistrorum communis exstiterit magister (2).

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(1) Ozanam. Ibid. 472.

(2) Colganus, Acta SS. t. I. p. 375, cité par M. Hauréau, p. 3. note 1.

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