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restes du héros troyen; et l'on assure que le sombre asile de Pluton s'ouvre à qui paye une somme d'or. "

M. Hauréau a raison de faire remarquer que cette ode païenne est écrite en vers adoniques, à l'imitation des grecs; et que Saint Colomban, en désignant luimême la douce lyre dont il s'est efforcé de reproduire les accords, nomme celle de la galante Lesbienne, l'illustre Sappho (1):

Trojugenarum
Inclyta vates
Nomine Sappho,
Versibus istis
Dulce solebat

Edere carmen.
Extitit ingens

Causa malorum

Aurea pellis.

Corruit auri

Munere parvo
Coena Dearum;
Ac tribus illis
Maxima lis est
Orta Deabus.
Hinc populavit
Trojugenarum
Ditia regna
Dorica pubes.

Viennent ensuite les exemples de Danaë, de Pygma

lion et de Polydore :

Fœmina sæpe
Perdit ob aurum
Casta pudorem,
Non Jovis auri
Fluxit in imbre:

Sed quod adulter

Obtulit aurum,
Aureus ille
Fingitur imber.

Amphiaraum

(1) Singularités historiques et littéraires. p. 13.

Prodidit auro
Perfida conjunx.
Hectoris heros
Vendidit auro
Corpus Achilles,
Et reserari
Munere certo
Nigra feruntur

Limina Ditis.

Nunc ego possem
Plura referre,

Ni brevitatis

Causa vetaret....()

De pareils saints ne se faisaient nul scrupule d'étudier le grec, car il avait été consacré, ainsi que le latin et l'hébreu par l'inscription mise sur la croix de JésusChrist. C'est ce que dit Cumianus Hibernus, (l'hibernien) à Segienus (*): « Nec laudare, nec vituperare ausus, utpote Hebræos, Græcos, latinos, quas linguas, ut Hieronymus ait, in crucis suæ titulo Christus consecravit. "

Ces souvenirs de la mythologie antique, si curieux dans les vers de l'apôtre irlandais, peuvent avoir passé par le latin pour venir jusqu'à lui; mais nous ne savons pas s'ils auraient cette précision, cette justesse, cet air d'invention originale et neuve, s'ils n'étaient qu'un reflet d'Horace ou d'Ovide, dont ils semblent d'abord dériver. Nous croyons y retrouver l'imitation directe d'auteurs grecs. Sophocle, dans son Antigone, parle de Danaë (3); il blâme la cupidité qui entraîne les hommes à leur perte (*). Enfin Pindare semble avoir inspiré Saint

(1) Epist. VI ad Fedolium. Usher. Sylloge. Epist. Hiber. (2) Usher. Ibid. Ep. XI, p. 17.

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Colomban dans ce passage. « Et l'on assure que le sombre asile de Pluton s'ouvre à qui paye une somme d'or. » Il s'agit d'Esculape:

̓Αλλὰ κέρδει καὶ σοφία δέδεται.

Ἔτραπεν καὶ κεῖνον ἀγάνορι μισθῷ χρυσὸς ἐν χερσὶν φανείς

̓́Ανδρ ̓ ἐκ θανάτου κομίσαι

Ἤδη ἁλωκότα.

« Mais la cupidité domine souvent même les plus sages. On fit briller l'or à ses yeux; séduit par l'appât d'une riche récompense, il consentit à rappeler à la vie un homme qui n'était plus (').»

Mais voici quelque chose de plus précis. Muratori, dans ses Anecdota latina, t. IV, cite des pièces extraites d'un antiphonaire de Bangor, l'abbaye où Saint Colomban avait fait profession; des mots grecs s'y trouvent mêlés à des mots latins. Ce monument singulier peut remonter au VII° siècle, il a été trouvé au monastère de Bobbio, fondé par Saint Colomban lui-même (*). On lit dans l'hymne de Saint Comgall:

Audite, pantes, ta erga
Allati ad angelica,

Athletæ Dei abdita,

A juventute florida.

Dans l'hymne des Apôtres, on remarque ce vers: Ille qui proto vires adimens chao.

L'hymne des matines offre le mot grec άyiɛ :

Dignos nos fac, rex agie (3).

(1) Pyth. III. v. 54. Traduction de M. Poyard.

(2) Ozanam. Ibid. p. 483.

(3) Dans l'Antiphonaire (Muratori, t. IV. p. 159), on trouve ;

Zoen ut carpat Cronanus.

Horum sanctorum merita
Abbatum fidelissima
Erga.....

P. 156. — Munther, Benchuir beata; n'est-ce pas untηp?

Ce n'est pas un reste de cette liturgie grecque dont l'église d'Occident a gardé quelques débris dans les offices du Jeudi Saint, où l'on chante encore "Ayios ó θεὸς ἰσχυρὸς, ἀθανατὸς, ἐλέησον μας. C'est le caprice d'un moine instruit dans la langue grecque et qui se fait un jeu innocent de ce macaronisme pédantesque.

Dans un autre écrit, intitulé Hisperica famina, « paroles d'Occident, » qu'Angelo Mai a publié dans le t. V de ses Classici Auctores, et qu'il prouve être de la main d'un moine irlandais, au milieu de phrases alambiquées, d'une intelligence difficile et d'une construction bizarre, on lit celle-ci : Pantes solitum elaborant agrestes orgium. Sur cinq mots, il y en a deux qui sont grecs.

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M. Hauréau () cite, d'après Usher, Sylloge epistolarum hibernicarum (2), un théologien irlandais, plus érudit qu'aucun de ceux des écoles romaines, qui sait le grec. Il est si jaloux, dit-il, de le montrer qu'il hérisse son discours de mots inintelligibles aux docteurs qui devront lui répondre. « Quand, par exemple, avant de citer une phrase d'Origène, il l'appelle Chalcenterus et vere adamantinus, il doit bien être persuadé que ce mot xaλxévτepos (3) (entrailles d'airain), ne sera pas compris sur le continent ailleurs qu'à SaintGall et peut-être à Bobbio, colonies hiberniennes. Il en est de même d'un autre mot barbare, petalicus, mis après le nom de l'apôtre Saint Jean et signifiant sans doute l'exilé... (*) Ces hellénismes attestent du moins

(1) Ibid. p. 15.

(2) P. 17.

(3) Chalcenterum se trouve p. 18, dans Usher, Epist. Cumiani Hiberni ad Sigienum Huensem abbatem. On trouve dans la même lettre, ibid. p. 21. Tessares cœdicaditæ id est quartanæ decimæ, p. 22. Decennovalem cyclum, qui Græce enneacædeciterida. La date de cette lettre est de 622 à 652.

(4) Petalicus désigne celui qui portait le Pétalum, ornement du grandprêtre à Jérusalem. Eusèbe, liv. 3, ch. 31; liv. 5, ch. 24, cite une lettre écrite au pape Victor par Polycrate, évêque de Smyrne; celui-ci désigne Saint Jean par ces termes : « Celui qui a reposé sur la poitrine du Christ, qui a été grand-prêtre, portant le Pétalum.»

une connaissance profonde de la langue grecque chez les gens qui en usaient si mal à propos. "

Dans les colonies monastiques fondées par Saint Colomban à Luxeuil, à Bobbio, à Saint-Gall, les livres furent en honneur et les études assez florissantes pour qu'en 645, Jonas, l'historiographe de Bobbio, pût écrire la vie de Saint Colomban et de ses disciples dans une langue élégante, poétique, où les citations de TiteLive et de Virgile, se mêlaient à celles de l'écriture sainte. Moengall, chargé de l'école du cloître de SaintGall, y introduisit la langue grecque. « Les hymnes de Saint Gall, comme celles de Bangor, dit M. Ozanam (1), se hérissent d'hellénismes.

(1) Ibid. p. 485.— Aldhelmus cite, dans son ouvrage Hisperica famina, les auteurs grecs suivants pris parmi les anciens: Aristote, p. 516, « sed et Aristoteles philosophorum acerrimus perplexa nihilominus ænigmata prosæ locutionis facundia fultus argumentatur. »

Hésiode, p. 598, après avoir cité Virgile :

Primus ego in patriam, mecum modo vita supersit,
Aonio rediens deducam vertice musas;

Primus idumæas referam tibi, Mantua, palmas

Juvat ire jugis qua nulla priorum

Castalium ut molli devertitur orbita clivo... »

Hoc, inquam, ille versificans significari voluit, nullum ante se latinorum Georgica Romuli descripsisse, quamvis Hesiodus et Homerus et cæteri Græci dissertudinis facundia freti et argolica urbanitatis privilegio præditi quadrifariam agriculturam lingua pelasga deprompserint. On y trouve les mots grecs que voici, p. 515, xíua (pro concatenato schemate) cui Græcorum grammatici vocabulum indiderunt. p. 522, Evander, Evandrus, quorum unum venit ex græca enuntiatione, alter ex latina. p. 523, qui bella et heroum res gestas complectuntur, veluti Ilias Homeri vel Æneis Virgilii, vel Lucani, prælia Caesaris et Pompeii decantantis. p. 532, quot яáłŋ in dactylico et hexametro inserta adstipularis? A. Vel quid sunt яάłŋ;— M. яάon quidem latina lingua passiones dicuntur. Sunt autem numero sex acephalon, procephalon, lagaron, procylon, dulicheron, miuron vel spicode, (sphicode?) 533.-A. Quid est miuron vel sphicodium?-M. Mus latine mus vel sorex interpretatur, ex eadem prima positione derivativum ducitur miurus vel miurinus, vel soricinus. Ibid, p dicitur Græce crabro, unde derivatur sphicodis. Ibid, Penthemimeris latine semiquinaria dicitur; ou, quippe semis est; sicut hemisphærium, semisphera latina lingua intelligitur... p. 554, de amphibracho ergo dupl utrimque, ßpaxos brevis interpretatum dicitur. - 557, de amphimacro... nam uxxpà longa, et macrologia longa sententia dicitur. 595. dasia, psile; apostrophos est signum extritæ vocalis unius aut duarum, quos non habent latini sed Græci.

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On remarquera que le A, désigne le maître Atdάoxados, et le M, le disciple Matts. Angelo Mai, Classici Auctores, t. V.

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