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conseils qui ranimerent les grands et les peuples, et, si on le peut dire, le roi même. Ne nous plaignons pas, chrétiens, de ce que la reine sa fille, dans un état plus tranquille, donne aussi un sujet · moins vif à nos discours, et contentons-nous de penser que, dans des occasions aussi malheureuses dont Dieu nous a préservés, nous y eussions pu trouver les mêmes ressources.

Avec quelle application et quelle tendresse Philippe IV son pere ne l'ayoit-il pas élevée! On la regardoit en Espagne non pas comme une infante, mais comme un infant; car c'est ainsi qu'on y appelle la princesse qu'on reconnoît comme héritiere de tant de royaumes. Dans cette vue on approcha d'elle tout ce que l'Espagne avoit de plus vertueux et de plus habile. Elle se vit, pour ainsi parler, dès son enfance tout environnée de vertu; et on voyoit paroître en cette jeune princesse plus de belles qualités qu'elle n'attendoit de couronnes. Philippe l'éleve ainsi pour ses états; Dieu qui nous aime la destine à Louis.

Cessez, princes et potentats, de troubler par vos prétentions, le projet de ce mariage: que l'amour, qui semble aussi le vouloir troubler, cede lui-même. L'amour peut bien remuer le cœur des héros du monde; il peut bien y soulever des tempêtes, et y exciter des mouvements qui fassent trembler les politiques, et qui donnent des espérances aux- insensés: mais il y a des ames d'un ordre supérieur à ses lois, à qui il ne peut inspirer des sentiments indignes de leur rang. Il y a des mesures prises dans le ciel, qu'il ne peut rompre; et l'infante, non

seulement par son auguste naissance, mais encore par sa vertu et par sa réputation, est seule digne de Louis.

C'étoit « la femme prudente qui est donnée pro. « prement par le Seigneur » (1), comme dit le Sage. Pourquoi donnée proprement par le Seigneur, puisque c'est le Seigneur qui donne tout? et quel est ce merveilleux avantage qui mérite d'être attribué d'une façon si particuliere à la divine bonté? Il ne faut, pour l'entendre, que considérer ce que peut dans les maisons la prudence tempérée d'une femme sage pour les soutenir, pour y faire fleurir dans la piété la véritable sagesse, et pour calmer des passions violentes qu'une résistance emportée ne feroit qu'aigrir.

les con

Isle pacifique où se doivent terminer les différents de deux grands empires à qui tu sers de limites, isle éternellement mémorable par férences de deux grands ministres; où l'on vit développer toutes les adresses et tous les secrets d'une politique si différente; où l'un se donnoit du poids par sa lenteur, et l'autre prenoit l'ascendant par sa pénétration: auguste journée où deux fieres nations long-temps ennemies, et alors réconciliées par Marie-Thérese, s'avancent sur leurs confins, leurs rois à leur tête, non plus pour se combattre, mais pour s'embrasser; où ces deux rois, avec leur cour, d'une grandeur, d'une politesse, et d'une magnificence aussi-bien que d'une conduite si dif

(1) A Domino propriè uxor prudens. Prov. c. 19, v. 1A.

férentes, furent l'un à l'autre, et à tout l'univers, un si grand spectacle: fêtes sacrées, mariage fortuné, voile nuptial, bénédiction, sacrifice, puis-je mêler aujourd'hui vos cérémonies et vos pompes avec ces pompes funebres, et le comble des grandeurs avec leurs ruines? Alors l'Espagne perdit ce que nors gagnions: maintenant nous perdons tous les uns et les autres; et Marie-Thérese périt pour toute la terre. L'Espagne pleuroit seule; maintenant que la France et l'Espagne mêlent leurs larmes, et en versent des torrents, qui pourroit les arrêter? Mais si l'Espagne pleuroit son infante qu'elle voyoit monter sur le trône le plus glorieux de l'univers, quels seront nos gémissements à la vue de ce tómbeau, où tous ensemble nous ne voyons plus que l'inévitable néant des grandeurs humaines? Taisons-nous; ce n'est pas des larmes que je veux tirer de vos yeux. Je pose les fondements des instructions que je veux graver dans vos cœurs: aussi-bien la vanité des choses humaines, tant de fois étalée dans cette chaire, ne se montre que trop d'elle-même, sans le secours de ma voix, dans ce sceptre sitôt tombé d'une si royale main, et dans une si haute majesté si promptement dissipée.

Mais ce qui en faisoit le plus grand éclat n'a pas encore paru. Une reine si grande par tant de titres le devenoit tous les jours par les grandes actions du roi et par le continuel accroissement de sa gloire. Sous lui la France a appris à se connoître ; elle se trouve des forces que les siecles précédents ne savoient pas; l'ordre et la discipline militaire s'augmentent avec les armées. Si les François peuvent

tout, c'est que leur roi est par-tout leur capitaine; et après qu'il a choisi l'endroit principal qu'il doit animer par sa valeur, il agit de tous côtés par l'impression de sa vertu.

Jamais on n'a fait la guerre avec une force plus inévitable, puisqu'en méprisant les saisons il a ôté jusqu'à la défense à ses ennemis. Les soldats, ménagés et exposés quand il faut, marchent avec confiance sous ses étendards; nul fleuve ne les arrête, nulle forteresse ne les effraie. On sait que Louis foudroie les villes plutôt qu'il ne les assiege, et tout est ouvert à sa puissance.

Les politiques ne se mêlent plus de deviner ses desseins. Quand il marche, tout se croit également menacé; un voyage tranquille devient tout-à-coup une expédition redoutable à ses ennemis. Gand tombe avant qu'en pense à le munir; Louis y vient par de longs détours : et la reine, qui l'accompagne au cœur de l'hiver, joint au plaisir de le suivre celui de servir secrètement à ses desseins.

Par les soins d'un si grand roi la France entiere n'est plus, pour ainsi parler, qu'une seule forteresse qui montre de tous côtés un front redoutable. Couverte de toutes parts, elle est capable de tenir la paix avec sûreté dans son sein, mais aussi de porter la guerre par-tout où il faut, et de frapper de près et de loin avec une égale force. Nos ennemis le savent bien dire, et nos alliés ont ressenti dans le plus grand éloignement combien la main de Louis étoit secourable,

te

Avant lui la France, presque sans vaisseaux, noit en vain aux deux mers; maintenant on les voit

couvertes depuis le levant jusqu'au couchant de nos flottes victorieuses, et la hardiesse françoise porte par-tout la terreur avec le nom de Louis. Tu céderas, ou tu tomberas sous ce vainqueur, Alger, riche des dépouilles de la chrétienté. Tu disois en ton cœur avare, Je tiens la mer sous mes lois, et les nations sont ma proie. La légèreté de tes vaisseaux te donnoit de la confiance; mais tu te verras attaqué dans tes murailles comme un oiseau ravissant qu'on iroit chercher parmi ses rochers et dans son nid où il partage son butin à ses petits. Tu rends déja tes esclaves; Louis a brisé les fers dont tu accablois ses sujets, qui sont nés pour être libres sous son glorieux empire. Tes maisons ne sont plus qu'un amas de pierres: dans ta brutale fureur tu te tournes contre toi-même, et tu ne sais com→ ment assouvir ta rage impuissante. Mais nous verrons la fin de tes brigandages: les pilotes étonnés s'écrient par avance: « Qui est semblable à Tyr? et toutefois elle s'est tue dans le milieu de la mer >> (1); et la navigation va être assurée par les armes de Louis.

L'éloquence s'est épuisée à louer la sagesse de ses lois et l'ordre de ses finances; que n'a-t-on pas dit de sa fermeté, à laquelle nous voyons céder jusqu'à la fureur des duels? La sévere justice de Louis jointe à ses inclinations bienfaisantes fait aimer à la France l'autorité sous laquelle heureusement réu

(1) Quæ est ut Tyrus, quæ obmutuit in medio maris? EZECH. C. 27, v. 32.

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