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Et toutefois il est vrai, messieurs, que Dieu, par un miracle de sa grace, se plaît à choisir parmi . les rois de ces ames pures. Tel a été S. Louis, toujours pur et toujours saint dès son enfance, et Marie-Thérese sa fille a eu de lui ce bel héritage.

Entrons, messieurs, dans les desseins de la Providence, et admirons les bontés de Dieu, qui se répandent sur nous et sur tous les peuples dans la prédestination de cette princesse. Dieu l'a élevée au faîte des grandeurs humaines, afin de rendre la pureté et la perpétuelle régularité de sa vie plus éclatantes et plus exemplaires. Ainsi sa vie et sa mort, également pleines de sainteté et de grace, deviennent l'instruction du genre humain: notre siecle n'en pouvoit recevoir de plus parfaite, parcequ'il ne voyoit nulle part dans une si haute élévation une pareille pureté. C'est ce rare et merveilleux assemblage que nous àurons à considérer dans les deux parties de ce discours. Voici, en peu de mots, ce que j'ai à dire de la plus pieuse des reines; et tel est le digne abrégé de son éloge: Il n'y a rien que d'auguste dans sa personne; Il n'y a rien que de pur dans sa vie. Accourez, peuples: venez contempler dans la premiere place du monde la rare et majestueuse beauté d'une vertu toujours constante. Dans une vie si égale, il n'importe pas à cette princesse où la mort frappe; on n'y voit point d'endroit foible par où elle pût craindre d'être surprise: toujours vigilante, toujours attentive à Dieu et à son salut, sa mort, si précipitée et si effroyable pour nous, n'avoit rien de dangereux pour elle. Ainsi son élévation ne servira qu'à faire

voir à tout l'univers, comme du lieu le plus éminent qu'on découvre dans son enceinte, cette importante vérité, Qu'il n'y a rien de solide ni de vraiment grand parmi les hommes que d'éviter le péché, et que la seule précaution contre les attaques de la mort, c'est l'innocence de la vie. C'est, messieurs, l'instruction que nous donne dans ce tombeau, ou plutôt du plus haut des cieux, très haute, très excellente, très puissante, et très chrétienne princesse Marie-Thérese d'Autriche, infante d'Espagne, reine de France et de Navarre.

Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est Dieu qui donne les grandes naissances, les grands mariages, les enfants, la postérité. C'est lui qui dit à Abraham: « Les rois sortiront de vous (1) », et qui fait dire par son prophete à David: « Le Seigneur vous fera une maison (2) ». « Dien, qui d'un seul << homme a voulu former tout le genre humain »>, comme dit S. Paul, « et de cette source commune « le répandre sur toute la face de la terre », en a vu et prédestiné dès l'éternité les alliances et les divisions, « marquant les temps, poursuit-il, et don<< nant des bornes à la demeure des peuples (3) », et enfin un cours réglé à toutes ces choses. C'est done

(1) Reges ex te egredientur. GEN. c. 17, v. 6.

(2) Prædicit tibi Dominus, quòd domum faciat tibi Dominus. 2 REG. C. 7, V. II.

(3) Deus.... qui fecit ex uno omne genus hominum inhabitare super universam faciem terræ, definiens stątula tempora, et terminos habitationis eorum. ACT.0. 17 ▼. 24, 26.

Dieu qui a voulu élever la reine par une auguste naissance à un auguste mariage, afin que nous la vissions honorée au-dessus de toutes les femmes de son siecle, pour avoir été chérie, estimée, et trop tôt, hélas! regrettée par le plus grand de tous les hommes!

Que je méprise ces philosophes qui, mesurant les conseils de Dieu à leurs pensées, ne le font autcur que d'un certain ordre général d'où le reste se développe comme il peut! comme s'il avoit, à notre maniere, des vues générales et confuses, et comme si la souveraine Intelligence pouvoit ne pas comprendre dans ses desseins les choses particulieres qui seules subsistent véritablement. N'en doutons pas, chrétiens; Dieu a préparé dans son conseil éternel les premieres familles qui sont la source des nations, et dans toutes les nations les qualités dominantes qui devoient en faire la fortune. Il a aussi ordonné dans les nations les familles particulieres dont elles sont composées, mais principalement celles qui devoient gouverner ces nations, et en particulier dans ces familles tous les hommes par lesquels elles devoient ou s'élever, ou se soutenir, ou s'abattre.

C'est par la suite de ces conseils que Dieu a fait naître les deux puissantes maisons d'où la reine devoit sortir; celle de France et celle d'Autriche, dont il se sert pour balancer les choses humaines: jusqu'à quel degré et jusqu'à quel temps? il le sait, et nous l'ignorons.

On remarque dans l'Écriture que Dieu donne aux maisons royales certains caracteres propres,

comme celui que les Syriens, quoiqu'ennemis des rois d'Israël, leur attribuoient par ces paroles : « Nous avons appris que les rois de la maison d'Israël sont cléments » (1).

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Je n'examinerai pas les caracteres particuliers qu'on a donnés aux maisons de France et d'Autriche; et sans dire que l'on redoutoit davantage les conseils de celle d'Autriche, ni qu'on trouvoit quelque chose de plus vigoureux dans les armes et dans le courage de celle de France, maintenant que par une grace particuliere ces deux caracteres se réunissent visiblement en notre faveur, je remar querai seulement ce qui faisoit la joie de la reine ; c'est que Dieu avoit donné à ces deux maisons d'où elle est sortie la piété en partage; de sorte que, sanctifiée (2), qu'on m'entende bien, c'est-à-dire consacrée à la sainteté par sa naissance, selon la doctrine de S. Paul, elle disoit avec cet apôtre : « Dieu que ma famille a toujours servi, et à qui je « suis dédiée par mes ancêtres » (3); Deus cui servio à progenitoribus.

Que s'il faut venir au particulier de l'auguste maison d'Autriche, que peut-on voir de plus illustre que sa descendance immédiate, où, durant l'espace de quatre cents ans, on ne trouve que des rois et des empereurs, et une si grande affluence de

(1) Ecce audivimus quòd reges domûs Israël clementes sunt. 3 REG. c. 20, v. 31.

(2) Filii vestri.... sancti sunt. I Cor. c. 7, v. 14. (3) 2 TIM. C. 1, v. 3.

maisons royales, avec tant d'états et tant de royaumes, qu'on a prévu il y a long-temps qu'elle en seroit surchargée.

Qu'est-il besoin de parler de la très chrétienne maison de France, qui par sa noble constitution est incapablé d'être assujettie à une famille étrangere; qui est toujours dominante dans son chef; qui, seule dans tout l'univers et dans tous les siecles, se voit après sept cents ans d'une royauté établie (sans compter ce que la grandeur d'une si haute origine fait trouver ou imaginer aux curieux observateurs des antiquités); seule, dis-je, se voit après tant de siecles encore dans sa force et sa fleur, et toujours en possession du royaumé le plus illustre qui fût jamais sous le soleil, et devant Dieu, et devant les hommes: devant Dieu, d'une pureté inaltérable dans la foi; et devant les hommes, d'une si grande dignité, qu'il a pu perdre l'empire sans perdre sa gloire ni son rang?

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La reine a eu part à cette grandeur, non seulement par la riche et fiere maison de Bourgogne, mais encore par Isabelle de France, sa mere, digne fille de Henri-le-Grand, et, de l'aveu de l'Espagne, la meilleure reine comme la plus regrettée qu'elle eût jamais vue sur le trône: triste rapport de cette princesse avec la reine sa fille! elle avoit à peine quarante-deux ans quand l'Espagne la pleura, et, pour notre maur, la vie de Marie-Thérese n'a guere eu un plus long cours. Mais la sage, la courageuse, et la pieuse Isabelle devoit une partie de sa gloire aux malheurs de l'Espagne, dont on sait qu'elle trouva le remede par un zele et par des

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