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pensées»: oui, celles que nous aurons laissé emporter au monde, dont la figure passe et s'évanouit. Car encore que notre esprit soit de nature à vivre toujours, il abandonne à la mort tout ce qu'il consacre aux choses mortelles; de sorte que nos pensées, qui devoient être incorruptibles du côté de leur principe, deviennent périssables du côté de leur objet. Voulez-vous sauver quelque chose de ce débris si universel, si inévitable? donnez à Dieu vos affections; nulle force ne vous ravira ce que vous aurez déposé en ses mains divines : vous pourrez hardiment mépriser la mort à l'exemple de notre héroïne chrétienne. Mais, afin de tirer d'un si bel exemple toute l'instruction qu'il nous peut donner, entrons dans une profonde considération des conduites de Dieu sur elle, et adorons en cette princesse le mystere de la prédestination et de la grace.

Vous savez que toute la vie chrétienne, que tout l'ouvrage de notre salut, est une suite continuelle de miséricorde; mais le fidele interprete du mystere de la grace, je veux dire le grand Augustin, m'apprend cette véritable et solide théologie, que c'est dans la premiere grace et dans la derniere que la grace se montre; c'est-à-dire que c'est dans la vocation qui nous prévient, et dans la persévérance finale qui nous couronne, que la bonté qui nous sauve paroît toute gratuite et toute pure. En effet comme nous changeons deux fois d'état, en passant premièrement des ténebres à la lumiere, et ensuite de la lumiere imparfaite de la foi à la lumiere consommée de la gloire, comme c'est la vocation qui nous inspire la foi, et que c'est la persévérance qui

nous transmet à la gloire; il a plu à la divine bonté de se marquer elle-même au commencement de ces deux états par une impression illustre et particuliere, afin que nous confessions que toute la vie du chrétien, et dans le temps qu'il espere, et dans le temps qu'il jouit, est un miracle de grace. Que ces deux principaux moments de la grace ont été bien marqués par les merveilles que Dieu a faites pour le salut éternel de Henriette d'Angleterre ! Pour la donner à l'église il a fallu renverser tout un grand royaume. La grandeur de la maison d'où elle est sortie n'étoit pour elle qu'un engagement plus étroit dans le schisme de ses ancêtres; disons des derniers de ses ancêtres, puisque tout ce qui les précede, à remonter jusqu'aux premiers temps, est 'si pieux et si catholique. Mais si les lois de l'état s'opposent à son salut éternel, Dieu ébranlera tout l'état pour l'affranchir de ces lois: il met les ames à ce prix; il remue le ciel et la terre pour enfanter ses élus; et comme rien ne lui est cher que ces enfants de sa dilection éternelle, que ces membres inséparables de son Fils bien-aimé, rien ne lui coûte pourvu qu'il les sauve. Notre princesse est persécutée avant que de naître, délaissée aussitôt que mise au monde, arrachée en naissant à la piété d'une mere catholique, captive, dès le berceau, des ennemis implacables de sa maison, et, ce qui étoit plus déplorable, captive des ennemis de l'église, par conséquent destinée premièrement par sa glorieuse naissance, et ensuite par sa malheureuse captivité, à l'erreur et à l'hérésie. Mais le sceau de Dieu

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étoit sur elle: elle pouvoit dire avec le prophete: Mon pere et ma mere m'ont abandonnée, mais le Seigneur m'a reçue en sa protection » (1): délaissée de toute la terre dès ma naissance, « je fus comme jetée << entre les bras de sa providence paternelle, et dès « le ventre de ma mere il se déclara mon Dieu (2) ». Ce fut à cette garde fidele que la reine sa mere commit ce précieux dépôt. Elle ne fut point trompée dans sa confiance; deux ans après, un coup imprévų, et qui tenoit du miracle, délivra la princesse des mains des rebelles. Malgré les tempêtes de l'océan, et les agitations encore plus violentes de la terre, Dieu la prenant sur ses ailes, comme l'aigle prend ses petits, la porta lui-même dans ce royaume; luimême la posa dans le sein de la reine sa mere, ou plutôt dans le sein de l'église catholique. Là elle apprit les maximes de la piété véritable, moins par les instructions qu'elle y recevoit que par les exemples vivants de cette grande et religieuse reine. Elle a imité ses pieuses libéralités; ses aumônes, toujours abondantes, se sont répandues principalement sur les catholiques d'Angleterre, dont elle a été la fidele protectrice. Digne fille de S. Edouard et de S. Louis, elle s'attacha du fond de son cœur à la foi de ces deux grands rois. Qui pourroit assez exprimer le zele dont elle brûloit pour le rétablissement de cette foi dans le royauine d'Angleterre, où l'on en conserve encore tant de précieux monuments?

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PSAL. 26, C. 10.

PSAL. 21, V. II.

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nous savons qu'elle n'eût pas craint d'exposer sa vie pour un si pieux dessein; et le ciel nous l'a ravie! O Dieu! que prépare ici votre éternelle providence? me permettrez-vous, ô Seigneur, d'envisager en tremblant vos saints et redoutables conseils? Est-ce que les temps de confusion ne sont pas encore accomplis? est-ce que le crime qui fit céder vos vérités saintes à des passions malheureuses est encore devant vos yeux, et que vous ne l'avez pas assez puni par un aveuglement de plus d'un siecle? Nous ravissez-vous Henriette par un effet du même jugement qui abrégea les jours de la reine Marie, et son regne si favorable à l'église? ou bien voulezvous triompher seul? et en nous ôtant les moyens dont nos desirs se flattoient, réservez-vous dans les temps marqués par votre prédestination éternelle de secrets retours à l'état et à la maison d'Angleterre? Quoi qu'il en soit, ô grand Dieu, recevez-en aujourd'hui les bienheureuses prémices en la personne de cette princesse : puisse toute sa maison et tout le royaume suivre l'exemple de sa foi! Ce grand roi qui remplit de tant de vertus le trône de ses ancêtres, et fait louer tous les jours la divine main qui l'y a rétabli comme par miracle, n'improuvera pas notre zele si nous souhaitons devant Dieu que lui et tous ses peuples soient comme nous. Opto apud Deum, non tantùm te, sed etiam omnes fieri tales, qualis et ego sum (1). Ce souhait est fait pour les rois, et S. Paul étant

(1) ACT. 26, v. 29.

dans les fers, le fit la premiere fois en faveur du roi Agrippa; mais S. Paul en exceptoit ses liens, exceptis vinculis his: et nous, nous sonhaitons principalement que l'Angleterre, trop libre dans sa croyance, trop licencieuse dans ses sentiments, soit enchaînée comme nous de ces bienheureux liens qui empêchent l'orgueil humain de s'égarer dans ses pensées, eu le captivant sous l'autorité du Saint-Esprit et de l'église.

Après vous avoir exposé le premier effet de la grace de Jésus-Christ en notre princesse, il me reste, messieurs, de vous faire considérer le dernier, qui couronnera tous les autres. C'est par cette derniere grace que la mort change de nature pour les chrétiens, puisqu'au lieu qu'elle sembloit être faite pour nous dépouiller de tout, elle commence, comme dit l'apôtre, à nous revêtir et nous assurer éternellement la possession des biens véritables. Tant que nous sommes détenus dans cette demeure mortelle nous vivons assujettis aux changements, parceque, si vous me permettez de parler ainsi, c'est la loi du pays que nous habitons; et nous ne possédons aucun bien, même dans l'ordre de la grace, que nous ne puissions perdre un moment après par la mutabilité naturelle de nos desirs: mais aussitôt qu'on cesse pour nous de compter les heures, et de mesurer notre vie par les jours et par les années, sortis des figures qui passent et des ombres qui disparoissent, nous arrivons au regne de la vérité, où nous sommes affranchis de la loi des changements. Ainsi notre ame n'est plus en péril, nos résolutions ne vacillent plus; la mort, ou

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