Imágenes de página
PDF
ePub

ferme dans son service que ces catholiques si haïs, si persécutés, que lui avoit sauvés la reine sa mere. En effet il est visible que, puisque la séparatiou et la révolte contre l'autorité de l'église a été la source d'où sont dérivés tous les maux, on n'en trouvera jamais les remedes que par le retour à l'unité, et par la soumission ancienne. C'est le mépris de cette unité qui a divisé l'Angleterre. Que si vous me demandez comment tant de factions opposées et tant de sectes incompatibles, qui se devoient apparemment détruire les unes les autres, ont pu si opiniâtrément conspirer ensemble contre le trône royal; vous l'allez apprendre.

Un homme s'est rencontré d'une profondeur d'esprit incroyable, hypocrite raffiné autant qu'habile politique, capable de tout entreprendre et de tout cacher, également actif et infatigable dans la paix et dans la guerre, qui ne laissoit rien à la fortune de ce qu'il pouvoit lui ôter par conseil et par prévoyance, mais au reste si vigilant et si prêt à tout, qu'il n'a jamais manqué les occasions qu'elle lui a présentées; enfin un de ces esprits remuants et audacieux qui semblent être nés pour changer le monde. Que le sort de tels esprits est hasardeux, et qu'il en paroît dans l'histoire à qui leur audace a été funeste! Mais aussi que ne font-ils pas, quand il plaît à Dieu de s'en servir! Il fut donné à celui-ci de tromper les peuples, et de prévaloir contre les rois (1). Car, comme il eut apperçu que,

(1) Aroc. c. 13, v.5,7.

dans ce

mélange infini de sectes qui n'avoient plus de regles certaines, le plaisir de dogmatiser sans être repris ni contraint par aucune autorité ecclésiastique ui séculiere étoit le charme qui possédoit les esprits, il sut si bien les concilier par-là, qu'il fit un corps 、 redoutable de cet assemblage monstrueux. Quand une fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l'appât de la liberté, elle suit en aveugle, pourvu qu'elle en entende seulement le nom. Ceuxci, occupés du premier objet qui les avoit transportés, alloient toujours, sans regarder qu'ils alloient à la servitude; et leur subtil conducteur, qui, en combattant, en dogmatisant, en mêlant mille personnages divers, en faisant le docteur et le prophete aussi-bien que le soldat et le capitaine, vit qu'il avoit tellement enchanté le monde, qu'il étoit regardé de toute l'armée comme un chef envoyé de Dieu pour la protection de l'indépendance, commença à s'appercevoir qu'il pouvoit encore les pousser plus loin. Je ne vous raconterai pas la suite trop fortunée de ses entreprises, ni ses fameuses victoires dont la vertu étoit indignée, ni cette longue tranquillité qui a étonné l'univers. C'étoit le conseil de Dieu d'instruire les rois à ne point quitter son église. Il vouloit découvrir par un grand exemple tout ce que peut l'hérésie, combien elle est naturellement indocile et indépendante, combien fatale à la royauté et à toute autorité légitime. Au reste, quand ce grand Dieu a choisi quelqu'un pour être l'instrument de ses desseins, rica n'en arrête le cours; ou il enchaîne, ou il aveugle, on il domte tout ce qui est capable de résistance."

Je suis le Seigneur, dit-il par la bouche de « Jérémie; c'est moi qui ai fait la terre avec les

bommes et les animaux, et je la mets entre les a mains de qui il me plaît (1); et maintenant j'ai « voulu soumettre ces terres à Nabuchodonosor, roi . de Babylone, mon serviteur (2) ». Il l'appelle son serviteur, quoiqu'infidele, à cause qu'il l'a nommé pour exécuter ses décrets. « Et j'ordonne, pour

suit-il, que tout lui soit soumis, jusqu'aux ani« maux (3) »: tant il est vrai que tout ploie et que tout est souple quand Dieu le commande! Mais écoutez la suite de la prophétie: « Je veux que « ces peuples lui obéissent, et qu'ils obéissent encore à son fils, jusqu'à ce que le temps des uns et « des autres vienne (4) ». Voyɩz, chrétiens, comme les temps sont marqués, comme les générations sont comptées : Dieu détermine jusqu'à quand doit durer l'assoupissement, et quand aussi se doit réveiller le monde.

Tel a été le sort de l'Angleterre. Mais que, dans eette effroyable confusion de toutes choses, il est

(1) Ego feci terram, et homines, et jumenta quæ sunt super faciem terræ, in fortitudine mea magna et in brachio meo extento, et dedi eam ei qui placuit in oculis meis.JEREM. 27.

(2) Et nunc itaque dedi omnes terras istas in manu Nabuchodonosor, regis Babylonis, servi mei. IBID. (3) Insuper et bestias agri dedi ei ut serviant illi. IBID.

(4) Et servient ei, et servient filio ejus, etc. donec veniat tempus terræ ejus et ipsius. IBID.

beau de considérer ce que la grande Henriette a entrepris pour le salut de ce royaume, ses voyages, ses négociations, ses traités, tout ce que sa prudence et son courage opposoient à la fortune de l'état, et enfin sa constance, par laquelle, n'ayant pu vaincre la violence de la destinée, elle en a si noblement soutenu l'effort! Tous les jours elle ramenoit quelqu'un des rebelles; et de peur qu'ils ne fussent malheureusement engagés à faillir toujours, parcequ'ils avoient failli une fois, elle vouloit qu'ils trouvassent leur refuge dans sa parole. Ce fut entre ses mains que le gouverneur de Scarborough remit ce port et ce château inaccessible. Les deux Hotham pere et fils, qui avoient donné le premier exemple de perfidie en refusant au roi même les portes de la forteresse et du port de Hull, choisirent la reine pour médiatrice, et devoient rendre au roi cette place avec celle de Beverley; mais ils furent prévenus et décapités; et Dieu, qui vouloit punir leur honteuse désobéissance par les propres mains des rebelles, ne permit pas que le roi profitât de leur repentir. Elle avoit encore gagné un maire de Londres, dont le crédit étoit grand, et plusieurs autres chefs de la faction. Presque tous ceux qui lui parloient se rendoient à elle; et si Dieu n'eût point été inflexible, si l'aveuglement des peuples n'eût pas été incurable, elle auroit guéri les esprits, et le parti le plus juste auroit été le plus fort.

On sait, messieurs, que la reine a souvent exposé sa personne dans ces conférences secretes ; mais j'ai à vous faire voir de plus grands hasards. Les

rebelles s'étoient saisis des arsenaux et des magasins; et, malgré la défection de tant de sujets, malgré l'infâme désertion de la milice même, il étoit encore plus aisé au roi de lever des soldats que de les armer. Elle abandonne, pour avoir des armes et des munitions, non seulement ses joyaux, mais encore le soin de sa vie. Elle se met en mer au mois de février, malgré l'hiver et les tempêtes; et, sous prétexte de conduire en Hollande la princesse royale sa fille aînée, qui avoit été mariée à Guillaume, prince d'Orange, elle va pour engager les états dans les intérêts du roi, lui gagner des officiers, lui amener des munitions. L'hiver ne l'avoit pas effrayée, quand elle partit d'Angleterre ; l'hiver ne l'arrête pas onze mois après, quand il faut retourner auprès du roi: mais le succès n'en fut pas semblable. Je tremble au seul récit de la tempête furieuse dont sa flotte fut battue durant dix jours. Les matelots furent alarmés jusqu'à perdre l'esprit, et quelques uns d'entre eux se précipiterent dans les ondes. Elle, toujours intrépide autant que les vagues étoient émues, rassuroit tout le monde par sa fermeté; elle excitoit ceux qui l'accompagnoient à espérer en Dieu, qui faisoit toute sa confiance; et, pour éloigner de leur esprit les funestes idées de la mort qui se présentoit de tous côtés, elle disoit, avec un air de sérénité qui sembloit déja ramener le calme, que les reines ne se noyoient pas. Hélas! elle est réservée à quelque chose de bien plus extraordinaire ! et, pour s'être sauvée du naufrage, ses malheurs n'en seront pas moins déplorables. Elle vit périr ses vaisseaux, et presque toute l'espérance d'un si

« AnteriorContinuar »