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par tous les excès où le mépris de la religion ancienne et celui de l'autorité de l'église ont été capables de pousser les hommes.

Donc la source de tout le mal est que ceux qui craint de tenter au siecle passé la réfor

n'ont pas

mation par le schisme, ne trouvant point de plus fort rempart contre toutes leurs nouveautés que la sainte autorité de l'église, ils ont été obligés de la renverser. Ainsi les décrets des conciles, la doctrine des peres et leur sainte unanimité, l'ancienne tradition du saint-siege et de l'église catholique, n'ont plus été comme autrefois des lois sacrées et inviolables; chacun s'est fait à soi-même un tribunal où il s'est rendu l'arbitre de sa croyance; et encore qu'il semble que les novateurs aient voulu retenir les esprits en les renfermant dans les limites de l'écriture sainte, comme ce n'a été qu'à condition que chaque fidele en deviendroit l'interprete et croircit que le Saint-Esprit lui en dicte l'explication, il n'y a point de particulier qui ne se voie autorisé par cette doctrine à adorer ses inventions, à consacrer ses erreurs, à appeler Dieu tout ce qu'il pense. Dèslors on a bien prévu que, la licence n'ayant plus de frein, les sectes se multiplieroient jusqu'à l'infini, que l'opiniâtreté seroit invincible, et que tandis que les uns ne cesseroient de disputer op donneroient leurs rêveries pour inspirations, les autres, fatigués de tant de folles visions, et ne pouvaut plus reconnoître la majesté de la religion déchirée par tant de sectes, iroient enfin chercher un repos funeste et une entiere indépendance dans l'indifférence des religions ou dans l'athéisme.

Tels et plus pernicieux encore, comme vous verrez dans la suite, sont les effets naturels de cette nouvelle doctrine: mais de même qu'une eau débordée ne fait pas par-tout les mêmes ravages, parceque sa rapidité ne trouve pas par-tout les mêmes penchants et les mêmes ouvertures, ainsi, quoique cet esprit d'indocilité et d'indépendance soit également répandu dans toutes les hérésies de ces derniers siecles, il n'a pas produit universellement les mêmes effets; il a reçu diverses limites, suivant que la crainte, ou les intérêts, ou l'humeur des particuliers et des nations, ou enfin la puissance divine, qui donne quand il lui plaît des bornes secretes aux passions des hommes les plus emportés, l'ont différemment retenu. Que s'il s'est montré tout entier à l'Angleterre, et si sa malignité s'y est déclarée sans réserve, les rois en ont souffert; mais aussi les rois en ont été cause: ils ont trop fait sentir aux peuples que l'ancienne religion se pouvoit changer; les sujets ont cessé d'en révérer les maximes quand ils les ont vues céder aux passions et aux intérêts de leurs princes. Ces terres trop remuées, et devenues incapables de consistance, sont tombées de toutes parts et n'ont fait voir que d'effroyables précipices: j'appelle ainsi tant d'erreurs téméraires et extravagantes qu'on voyoit paroître tous les jours. Ne croyez pas que ce soit seulement la querelle de l'épiscopat ou quelques chicanes sur la liturgie anglicane qui aient ému les communes; ces disputes n'étoient encore que de foibles commencements, par où ces esprits turbulents faisoient comme un essai de leur

liberté: mais quelque chose de plus violent se remuoit dans le fond des cœurs; c'étoit un dégoût secret de tout ce qui a de l'autorité, et une démangeaison d'innover sans fin après qu'on en a vu le premier exemple.

Ainsi les calvinistes, plus hardis que les luthériens, ont servi à établir les sociniens, qui ont été plus loin qu'eux, et dont ils grossissent tous les jours le parti: les sectes infinies des anabaptistes sont sorties de cette même source; et leurs opinions, mêlées au calvinisme, ont fait naître les indépendants, qui n'ont point eu de bornes, parmi lesquels on voit les trembleurs, gens fanatiques qui croient que toutes leurs rêveries leur sont inspirées, et ceux qu'on nomme chercheurs, à cause que dix-sept cents ans après Jésus-Christ ils cherchent encore la religion, et n'en ont point d'arrêtée.

C'est, messieurs, en cette sorte que les esprits une fois émus, tombant de ruines en ruines, se sont divisés en tant de sectes. En vain les rois d'Angleterre ont cru les pouvoir retenir sur cette pente dangereuse en conservant l'épiscopat; car que peuvent des évêques qui ont anéanti euxmêmes l'autorité de leur chaire, et la révérence qu'on doit à la succession, en condamnant ouvertement leurs prédécesseurs jusqu'à la source même de leur sacre, c'est-à-dire jusqu'au pape saint Grégoire, et au saint moine Augustin son disciple, et le premier apôtre de la nation anglaise ? Qu'est-ce que l'épiscopat, quand il se sépare de l'église, qui est son tout, aussi-bien que du saint

siege, qui est son centre, pour s'attacher, contre sa nature, à la royauté comme à son chef? Ces deux puissances d'un ordre si différent ne s'unissent pas, mais s'embarrassent mutuellement, quand on les confond ensemble; et la majesté des rois d'Angleterre seroit demeurée plus inviolable, si, contente de ses droits sacrés, elle n'avoit point • voulu attirer à soi les droits et l'autorité de l'église; ainsi rien n'a retenu la violence des esprits féconds en erreurs et Dieu, pour punir l'irréligieuse instabilité de ces peuples, les a livrés à l'intempérance de leur folle curiosité; en sorte que l'ardeur de leurs disputes insensées, et leur religion arbitraire, est devenue la plus dangereuse de leurs maladies.

Il ne faut point s'étonner s'ils perdirent le respect de la majesté et des lois, ni s'ils devinrent factieux, rebelles, et opiniâtres. On énerve la réligion quand on la change, et on lui ôte un certain poids qui seul est capable de tenir les peuples. Ils ont dans le fond du cœur je ne sais quoi d'inquiet, qui s'échappe si on leur ôte ce frein nécessaire ; et on ne leur laisse plus rien à ménager, quand on leur permet de se rendre maitres de leur religion. C'est de là que nous est né ce prétendu regne de Christ, inconnu jusqu'alors au christianisme, qui devoit anéantir toute la royauté, et égaler tous les hommes; songe séditieux des indépendants, et leur chimere impie et sacrilege: tant il est vrai que tout se tourne en révoltes et en pensées séditieuses, quand l'autorité de la religion est anéantie! Mais pourquoi chercher des preuves d'une vérité

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que le Saint-Esprit a prononcée par une sentence manifeste? Dieu même menace les peuples qui alterent la religion qu'il a établie, de se retirer du milieu d'eux, et par-là de les livrer aux guerres eiviles. Ecoutez comme il parle par la bouche du prophete Zacharie: « Lear ame, dit le Seigneur, « a varié envers moi », quand ils ont si souvent changé la religion, « et je leur ai dit: Je ne serai plus votre pasteur », c'est-à-dire, je vous abandonnerai à vous-mêmes, et à votre cruelle destinée; et voyez la suite: « Que ce qui doit mourir « aille à la mort; que ce qui doit être retranché soit « retranché »; entendez-vous ces paroles? « et que «< ceux qui demeureront se dévorent les uns les « autres (1) ». O prophétie trop réelle et trop véritablement accomplie! La reine avoit bien raison de juger qu'il n'y avoit point de moyen d'ôter les causes des guerres civiles, qu'en retournant à l'unité catholique, qui a fait fleurir durant tant de siecles l'église et la monarchie d'Angleterre, autant que les plus saintes églises et les plus illustres monarchies du monde. Ainsi quand cette pieuse princesse servoit l'église, elle croyoit servir l'état; elle croyoit assurer au roi des serviteurs, en conservant à Dieu des fideles. L'expérience a justifié ses sentiments; et il est vrai que le roi son fils n'a rien trouvé de plus

(1) Anima eorum variavit in me ; et dixi, Non pascam vos. Quod moritur, moriatur ; et quod succiditur, succidatur; et reliqui devorent unusquisque carnem proximi sui. ZACH. e. 11, V. 9.

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