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destie, la prévoyance, la piété, toute la troupe sacrée des vertus, qui veilloient pour ainsi dire autour de lui, en ont banni les frayeurs, et ont fait du jour de sa mort le plus beau, le plus triomphant, le plus heureux jour de sa vie.

FIN DE L'ORAISON FUNEBRE DE MICHEL LE TELLIER.

ORAISON FUNEBRE

DE LOUIS DE BOURBON,

PRINCE DE CONDÉ,

Prononcée en l'église de Notre-Dame de Paris, le dixieme jour de mars 1687.

Dominus tecum, virorum fortissime.... Vade in hac fortitudine tua...... Ego ero tecum.

Le Seigneur est avec vous, ô le plus courageux de tous les hommes! Allez avec ce courage dont vous êtes rempli. Je serai avec vous. JUGES, c. 6, v. 12, 14, 16.

MONSEIGNEUR (1),

Au moment que j'ouvre la bouche pour célébrer la gloire immortelle de Louis de Bourbon, prince de Condé, je me sens également confondu et par la grandeur du sujet, et, s'il m'est permis de l'avouer, par l'inutilité du travail. Quelle partie du monde habitable n'a pas ouï les victoires du prince de Condé, et les merveilles de sa vie? on les raconte par-tout; le François qui les vante n'apprend riep

(1) M. le Prince, fils du défunt de Congé.

à l'étranger; et quoi que je puisse aujourd'hui vous en rapporter, toujours prévenu par vos pensées, j'aurai encore à répondre au secret reproche que vous me ferez d'être demeuré beaucoup au-dessous. Nous ne pouvons rien, foibles orateurs, pour la gloire des ames extraordinaires : le Sage a raison de dire, que leurs seules actions les peuvent « louer »> (1): toute autre louange languit auprès des grands noms; et la seule simplicité d'un récit fidele pourroit soutenir la gloire du prince de Condé. Mais en attendant que l'histoire, qui doit ce récit aux siecles futurs, le fasse paroître, il faut satisfaire comme nous pourrons à la reconnoissance publique et aux ordres du plus grand de tous les rois. Que ne doit point le royaume à un prince qui a honoré la maisou de France, tout le nom françois, son siecle, et pour ainsi dire l'humanité tout entiere? Louis-le-Grand est entré lui-même dans ces sentiments: après avoir pleuré ce grand homme et lui avoir donné par ses larmes au milieu de toute sa cour le plus glorieux éloge qu'il pût recevoir, il assemble dans un temple si célebre ce que son royaume a de plus auguste pour y rendre des devoirs publics à la mémoire de ce prince; et il veut que ma foible voix anime toutes ces tristes représentations et tout cet appareil funebre. Faisons donc cet effort sur notre douleur. Ici un plus grand objet et plus digne de cette chaire se présente à ma pensée : c'est Dieu qui fait les guer

(1) Laudent eam in portis opera ejus. Prov. c. 31,

«

riers et les conquérants. « C'est vous, lui disoit David, qui avez instruit mes mains à combattre, et « mes doigts à tenir l'épée » (1). S'il inspire le courage, il ne donne pas moins les autres grandes qua

lités naturelles et surnaturelles et du cœur et de l'esprit. Tout part de sa puissante main : c'est lui qui envoie du ciel les généreux sentiments, les sages conseils, et toutes les bonnes pensées; mais il veut que nous sachions distinguer entre les dons qu'il abandonne à ses ennemis et ceux qu'il réserve à ses serviteurs. Ce qui distingue ses amis d'avec tous les autres c'est la piété, jusqu'à ce qu'on ait reçu ce don du ciel tous les autres non seulement ne sont rien, mais encore tournent en ruine à ceux qui en sont ornés : sans ce don inestimable de la piété, que serait-ce que le prince de Condé avec tout ce grand cœur et ce grand génie? Non, mes freres, si la piété n'avoit comme consacré ses autres vertus, ni ces princes ne trouveroient aucun adoucissement à leur douleur, ni ce religieux pontife aucune confiance dans ses prieres, ni moi-même aucun soutien aux louanges que je dois à un si grand homme. Poussons donc à bout la gloire humaine par cet exemple; détruisons l'idole des ambitieux; qu'elle tombe anéantie devant ces autels. Mettons ensemble aujourd'hui (car nous le pouvons dans un si noble sujet) toutes les plus belles qualités d'une excellente nature; et, à la gloire de la vérité, montrons

(1) Benedictus Dominus Deus meus, qui docet manus meas ad prælium, et digitos meos ad bellum. Ps. 143, v. I.

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dans un prince admiré de tout l'univers, que ce qui fait les héros, ce qui porte la gloire du monde jusqu'au comble; valeur, magnanimité, bonté naturelle; voilà pour le cœur; vivacité, pénétration, grandeur, et sublímité de génie ; voilà pour l'esprit ; ne seroient qu'une illusion, si la piété ne s'y étoit jointe; et enfin que la piété est le tout de l'homme. C'est, messieurs, ce que vous verrez dans la vie éternellement mémorable de très haut et très puissant prince Louis de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang.

Dieu nous a révélé que lui seul fait les conquérants, et que seul il les fait servir à ses desseins. Quel autre a fait un Cyrus, si ce n'est Dieu qui l'avoit nommé deux cents ans avant sa naissance dans les oracles d'Isaie? Tu n'es pas encore, lui disoitil, « mais je te vois, et je t'ai nommé par ton nom: << tu t'appelleras Cyrus. Je marcherai devant toi << dans les combats; à ton approche je mettrai les <« rois en fuite; je briserai les portes d'airain. C'est « moi qui étends les cieux, qui soutiens la terre, qui << nomme ce qui n'est pas comme ce qui est » (1) ; c'est

(1) Hæc dicit Christo meo Cyro, cujus apprehendi dexteram.... Ego ante te ibo: et gloriosos terræ humiliabo: portas æreas conteram, et vectes ferreos confringam.... Ut scias quia ego Dominus, qui voco nomen tuum.... Vocavi te nomine tuo.... Accinxi te, et non cognovisti me.... Ego Dominus, et non est alter, formans lucem, et creans tenebras, faciens pacem, et creans malum: ego Dominus, faciens omnia hæc, etc. Isax. e. 45, v. 1, 2, 3, 4, 7.

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