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prêt, et il attend le moment de sa délivrance. Na

pu

croyez pas que cette constance ait naître tout-àcoup entre les bras de la mort; c'est le fruit des méditations que vous avez vues, et de la préparation de toute la vie. La mort révele les secrets des cœurs. Vous, riches, vous qui vivez dans les joies du monde, si vous saviez avec quelle facilité vous vous laissez prendre aux richesses que vous croyez posséder; si vous saviez par combien d'imperceptibles liens elles s'attachent, et pour ainsi dire elles s'incorporent à votre cœur, et combien sont forts et pernicieux ces liens que vous ne sentez pas, vous entendriez la vérité de cette parole du Sauveur : « Malheur à « vous, riches »> (1)! et vous pousseriez, comme dit S. Jacques, « des cris lamentables et des hurlements «< à la vue de vos miseres« (2): mais vous ne sentez pas un attachement si déréglé : le desir se fait - mieux sentir, parcequ'il a de l'agitation et du mouvement; mais dans la possession, on trouve, comme dans un lit, un repos funeste, et on s'endort dans l'amour des biens de la terre sans s'appercevoir de ce malheureux engagement. C'est, mes freres, où tombe celui qui met sa confiance dans les richesses; je dis même dans les richesses bien acquises. Mais l'excès de l'attachement, que nous ne sentons pas dans la possession, se fait, dit S. Augustin,

(1) Væ vobis divitibus! Luc. c. 6, v. 24.

(2) Agite nunc, divites; plorate ululantes in miseriis vestris quæ advenient vobis. Jac. c. 5, v. I.

sentir dans la perte (1). C'est là qu'on entend ce cri d'un roi malheureux, d'un Agag outré contre la mort qui lui vient ravir tout-à-coup avec la vie sa grandeur et ses plaisirs: Siccine separat amara mors (2)! «Est-ce ainsi que la mort amere vient « rompre tout-à-coup de si doux liens »>! Le cœur saigne; dans la douleur de la plaie on sent combien ces richesses y tenoient, et le péché que l'on commettoit par un attachement si excessif se découvre tout entier: Quantùm amando deliquerint, perdendo senserunt (3). Par une raison contraire, un homme dont la fortune protégée du ciel ne connoît pas les disgraces, qui, élevé sans envie aux plus grands honneurs, heureux dans sa personne et dans sa famille, pendant qu'il voit disparoître une vie si fortunée, bénit la mort, et aspire aux biens éternels, ne fait-il pas voir qu'il n'avoit pas mis « son cœur dans le trésor que les voleurs « peuvent enlever » (4), et que, comme un autre Abra

(1) Illi autem infirmiores, qui terrenis his bonis, quamvis ea non præponerent Christo, aliquantulâ tamen cupiditate cohærebant, quantùm hæc amando peccaverint, perdendo senserunt. Tantùm quippe doluerunt, quantum se doloribus inseruerunt. AUG. de Civit. Dei, lib. 1, c. 10, n. 2.

(2) REG. c. 15, v. 32.

(3) Le texte de S. Augustin porte: Hæc amando peccaverint, etc.

(4) Nolite thesaurisare vobis thesauros in terra... ubi fures effodiunt et furantur. Thesaurisate autem vobis thesauros in cœlo. Matt. c. 6, v. 19, 20.

ham, il ne connoît de repos que « dans la cité per«manente » (1)? Un fils consacré à Dieu s'acquitte courageusement de son devoir comme de toutes les autres parties de son ministere, et il va porter la triste parole à un pere si tendre et si chéri : il trouve ce qu'il espéròit, un chrétien préparé à tout, qui attendoit ce dernier office de sa piété. L'extrêmeonction, annoncée par la même bouche à ce philosophe chrétien, excite autant sa piété qu'avoit fait le saint Viatique. Les saintes prieres des agonisants réveillent sa foi; son ame s'épanché dans les célestes cantiques, et vous diriez qu'il soit devenu un autre David par l'application qu'il se fait à lui-même de ses diviņs psaumes. Jamais juste nʼattendit la grace de Dieu avec une plus ferme confiance; jamais pécheur ne demanda un pardon plus humble, ni ne s'en crut plus indigne. Qui me donnera le barin que Job desiroit pour gråver sur l'airain et sur le marbre cette parole sortie de sa bouche en ces derniers jours, que, depuis quarante-deux ans qu'il servoit le roi, il avoit la consolation de ne lui avoir jamais donné de conseil que selon sa conscience, et, dans un si long ministere, de n'avoir jamais souffert une injustice qu'il pût empêcher! La justice demeurer constante, et pour ainsi dire toujours vierge et incorruptible parmi des occasions si délicates! quelle merveille de la grace! Après ce témoignage de sa conscience qu'avoit-il besoin de nos éloges?

(1) Expectabat fundamensa habentem civitatem. Hɛs.

C. II, V. 10.

«

Vous étonnez-vous de sa tranquillité? quelle maladie ou quelle mort peut troubler celui qui porte au fond de son cœur un si grand calme? Que voisje durant ce temps? des enfants percés de douleur; car ils veulent bien que je rende ce témoignage à leur piété, et c'est la seule louange qu'ils peuvent écouter sans peine. Que vois-je encore? une femme forte, pleine d'aumônes et de bonncs œuvres, précédée malgré ses desirs par celui que tant de fois elle avoit cru devancer; tantôt elle va offrir devant les autels cette plus chere et plus précieuse partie d'elle-même ; tantôt elle rentre auprès du malade, non par foiblesse, mais, dit-elle, « pour apprendre à mourir, et profiter de cet exemple ». L'heureux vieillard jouit jusqu'à la fin des tendresses de sa famille, où il ne voit rien de foible; mais pendant qu'il en goûte la reconnoissance, comme un autre Abraham, il la sacrifie, et enl'invitant à s'éloigner : « Je veux, dit-il, m'arracher jusqu'aux moindres « vestiges de l'humanité ». Reconnoissez-vous un chrétien qui acheve son sacrifice, qui fait le dernier effort afin de rompre tous les liens de la chair et du sang, et ne tient plus à la terre? Ainsi, parmi les souffrances et dans les approches de la mort, s'épure comme dans un feu l'ame chrétienne; ainsi elle se dépouille de ce qu'il y a de terrestre et de trop sensible, même dans les affections les plus innocentes; telles sont les graces qu'on trouve à la mort: mais, qu'on ne s'y trompe pas, c'est quand on l'a souvent méditée, quand on s'y est long-temps préparé par de bonnes œuvres; autrement la mort

porte en elle-même ou l'insensibilité, ou un secret désespoir, ou, dans ses justes frayeurs, l'image d'une pénitence trompeuse, et enfin un trouble fatal à la piété. Mais voici dans la perfection de la charité la consommation de l'œuvre de Dieu. Un peu après, parmi ses langueurs, et percé de douleurs aiguës, le courageux vieillard se leve, et les bras en haut, après avoir demandé la persévérance: « Je ne desire point, dit-il, la fin de mes peines, mais je desire de « voir Dieu ». Que vois-je ici, chrétiens? la foi véritable, qui d'un côté ne se lasse pas de souffrir ( vrai caractere d'un chrétien), et de l'autre ne cherche plus qu'à se développer de ses ténebres, et, en dissipant le nuage, se changer en pure lumiere et en claire vision. O moment heureux où nous sortirons des ombres et des énigmes pour voir la vérité manifeste (1)! Courons-y, mes freres, avec ardeur; hâafin de voir tons-nous de « purifier notre cœur, « Dieu » (2), selon la promesse de l'évangile : là est le terme du voyage; là se finissent les gémissements; là s'acheve le travail de la foi, quand elle va pour ainsi dire enfanter la vue. Heureux moment, encore une fois! qui ne te desire pas n'est tien. Après que ce pieux desir est formé par Esprit dans le cœur de ce vieillard plein de foi,

pas

chré

le Saint

(1) Videmus nunc per speculum in ænigmate. I COR.

c. 13, v. 12.

(2) Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt. MATT. c. 5, v. 8.

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