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belles paroles. Car qu'y a-t-il de plus convenable à la puissance que de secourir la vertu? à quoi la force doit-elle servir, qu'à défendre la raison? et pourquoi commandent les hommes, si ce n'est pour faire que Dieu soit obéi? Mais sur-tout il faut remarquer l'obligation si glorieuse que ce grand pape impose aux princes d'élargir les voies du ciel: Jésus-Christ a dit dans son évangile: Combien est étroit le chemin qui mene à la vie! et voici ce qui le rend si étroit. C'est que le juste, sévere à luimême, et persécuteur irréconciliable de ses propres passions, se trouve encore persécuté par les injustes passions des autres, et ne peut pas même obtenir que le monde le laisse en repos dans ce sentier solitaire et rude où il grimpe plutôt qu'il ne marche. Accourez, dit saint Grégoire, puissances du siecle, voyez dans quel sentier la vertu chemine, doublement à l'étroit, et par elle-même, et par l'effort de ceux qui la persécutent: secourez-la, tendez-lui la main, puisque vous la voyez déja fatiguée du combat qu'elle soutient au-dedans contre tant de tentations qui accablent la nature humaine; mettez-la du moins à couvert des insultes du dehors: ainsi vous élargirez un peu les voies du ciel, et rétablirez ce chemin, que sa hanteur et son âpreté rendront toujours assez difficile.

Mais si jamais l'on peut dire que la voie du chrétien est étroite, c'est, messieurs, durant les persécutions; car que peut-on imaginer de plus malheureux que de ne pouvoir conserver la foi sans s'exposer au supplice, ni sacrifier sans trouble, ni chercher Dieu qu'en tremblant?_Tel étoit l'état

déplorable des catholiques anglois. L'erreur et la nouveauté se faisoient entendre dans toutes les chaires; et la doctrine ancienne, qui, selon l'oracle de l'évangile, « doit être prêchée jusque sur les « toits »> (1), pouvoit à peine parler à l'oreille. Les enfants de Dieu étoient étonnés de ne voir plus ni l'autel, ni le sanctuaire, ni ces tribunaux de miséricorde qui justifient ceux qui s'accusent. O douleur! il falloit cacher la pénitence avec le même soin qu'on eût fait les crimes; et Jésus-Christ même se voyoit contraint, au grand malheur des hommes ingrats, de chercher d'autres voiles et d'autres ténebres que ces voiles et ces tencbres mystiques dont il se couvre volontairement dans l'eucharistie. A l'arrivée de la reine, la rigueur se ralentit, et les catholiques respirerent. Cette chapelle royale, qu'elle fit båtir avec tant de magnificence dans son palais de Sommerset, rendoit à l'église sa premiere forme. Henriette, digne fille de S. Louis, y animoit tout le monde par son exemple, et y soutenoit avec gloire par ses retraites, et par ses prieres, et par ses dévotions, l'ancienne réputation de la très chrétienne maison de France. Les prêtres de l'Oratoire, que le grand Pierre de Bérulle avoit conduits avec elle, et après eux les PP. capucins, y donnerent par leur piété aux autels leur véritable décoration, et au service divin sa majesté naturelle. Les prêtres et les religieux, zélés et infatigables pasteurs de ce trou

(1) Quod in aure auditis, prædicate super tecta. MATTH. c. 10, v. 27.

peau affligé, qui vivoient en Angleterre pauvres, errants, travestis, « desquels aussi le monde n'étoit « pas digue (1) », venoient reprendre avec joie les marques glorieuses de leur profession dans la chapelle de la reine; et l'église désolée, qui autrefois pouvoit à peine gémir librement, et pleurer sa gloire passée, faisoit retentir hautement les cantiques de Sion dans une terre étrangere. Ainsi la pieuse reine consoloit la captivité des fideles, et relevoit leur espérance.

Quand Dieu laisse sortir du puits de l'abyme la fumée qui obscurcit le soleil, selon l'expression de l'Apocalypse (2), c'est-à-dire l'erreur et l'hérésie ; quand, pour punir les scandales, ou pour réveiller les peuples et les pasteurs, il permet à l'esprit de séduction de tromper les ames hautaines, et de répandre par-tout un chagrin superbe, une indocile curiosité, et un esprit de révolte, il détermine dans sa sagesse profonde les limites qu'il veut donner aux malheureux progrès de l'erreur et aux souffrances de son église. Je n'entreprends pas, chrétiens, de vous dire la destinée des hérésies de ces derniers siecles, ni de marquer le terme fatal dans lequel Dieu a résolu de borner leur cours; mais, si mon jugement ne me trompe pas, si, rappelant la mémoire des siecles passés, j'en fais un juste rapport à l'état présent, j'ose croire, et je vois les sages concourir à ce sentiment, que les jours

(1) Quibus dignus non erat mundus. HEB. e. 11, v. 38. (2) Aroc. c. 9, v. I.

d'aveuglement sont écoulés, et qu'il est temps désormais que la lumiere revienne. Lorsque le roi Henri VIII, prince en tout le reste accompli, s'égara dans les passions qui ont perdu Salomon et tant d'autres rois, et commença d'ébranler l'autorité de l'église, les sages lui dénoncerent qu'en remuant ce seul point, il mettoit tout en péril, et qu'il donnoit contre son dessein une licence effrénée aux âges suivants. Les sages le prévinrent; mais les sages sont-ils crus en ces temps d'emportement, et ne se rit-on pas de leurs prophéties ? Ce qu'une judicieuse prévoyance n'a pu mettre dans l'esprit des hommes, une maîtresse plus impérieuse, je veux dire l'expérience, les a forcés de le croire. Tout ce que la religion a de plus saint a été en proie: l'Angleterre a tant changé qu'elle ne sait plus elle-même à quoi s'en tenir; et, plus agitée en sa terre et dans ses ports mêmes que l'océan qui l'environne, elle se voit inondée par l'effroyable débordement de mille sectes bizarres. Qui sait si, étant revenue de ses erreurs prodigieuses touchant la royauté, elle ne poussera pas plus loin ses réflexions, et si, ennuyée de ses changements, elle ne regardera pas avec complaisance l'état qui a précédé? Cependant admirons ici la piété de la reine qui a su si bien conserver les précieux restes de tant de persécutions: que de pauvres, que de malheureux, que de familles ruinées pour la cause de la foi ont subsisté pendant tout le cours de sa vie par l'immense profusion de ses aumônes! elles se répandoient de toutes parts jusqu'aux dernieres extrémités de ses trois royaumes, et s'étendant par leur abondance même sur

les ennemis de la foi, elles adoucissoient leur aigreur et les ramenoient à l'église. Ainsi non seulement elle conservoit, mais encore elle augmentoit le peuple de Dieu : les conversions étoient innombrables; et ceux qui en ont été témoins oculaires nous ont appris que, pendant trois ans de séjour qu'elle a fait dans la cour du roi son fils, la seule chapelle royale a vu plus de trois cents convertis, sans parler des autres, abjurer saintement leurs erreurs entre les mains de ses aumôniers. Heureuse d'avoir conservé si soigneusement l'étincelle de ce feu divin que Jésus est venu allumer au monde ! Si jamais l'Angleterre revient à soi, si ce levain précieux vient un jour à sanctifier toute cette masse où il a été mêlé par ses royales mains, la postérité la plus éloignée n'aura pas assez de louanges pour célébrer les vertus de la religieuse Henriette, et croira devoir à sa piété l'ouvrage si mémorable du rétablissement de l'église.

Que si l'histoire de l'église garde chèrement la mémoire de cette reine, notre histoire ne taira pas les avantages qu'elle a procurés à sa maison et à sa patrie: femme et mere très chérie et très honorée, elle a réconcilié avec la France le roi son mari et le roi son fils. Qui ne sait qu'après la mémorable action de l'isle de Ré, et durant ce fameux siege de la Rochelle, cette princesse, prompte à se servir des conjonctures importantes, fit conclure la paix, qui empêcha l'Angleterre de continuer son secours aux calvinistes révoltés? et, dans ces dernieres années, après que notre grand roi, plus jaloux de sa parole et du salut de ses alliés que de ses propres

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