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« ce que je me dis à moi-même quand les démons « tâchent d'étonner ma foi; et depuis qu'il a plu à « Dieu de me mettre dans le cœur (remarquez ces « belles paroles) que son amour est la cause de « tout ce que nous croyons, cette réponse me per« suade plus que tous les livres », C'est en effet l'abrégé de tous les saints livres et de toute la doctrine chrétienne. Sortez, parole éternelle; fils unique du Dieu vivant, sortez du bienheureux sein de votre pere, et venez annoncer aux hommes le secret que vous y voyez. Il l'a fait, et durant trois ans il n'a cessé de nous dire le secret des conseils de Dieu (1); mais tout ce qu'il en a dit est renfermé dans ce seul mot de son évangile, « Dieu a tant aimé le mon«de, qu'il lui a donné son fils unique » (2). Ne demandez plus ce qui a nni en Jésus-Christ le ciel et la terre, et la croix avec les grandeurs; «Dieu a

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tant aimé le monde ». Est-il incroyable que Dieu aime, et que la bonté se communique? Que ne fait pas entreprendre aux ames courageuses l'amour de la gloire; aux ames les plus vulgaires l'amour des richesses; à tous, enfin, tout ce qui porte le nom d'amour? Rien ne coûte, ni périls, ni travaux, ní peines; et voilà les prodiges dont l'homme est capable. Que si l'homme, qui n'est que foiblesse, tente l'impossible, Dieu, pour contenter son amour,

(1) Unigenitus filius, qui est in sinu patris, ipse enarravit. JOAN. c. 1, v. 18.

(2) Sic Deus dilexit mundum, ut filium suum unigenitum daret. IBID. c. 3, v. 16.

n'exécutera-t-il rien d'extraordinaire? Disons donc pour toute raison dans tous les mysteres : « Dieu a << tant aimé le monde ». C'est la doctrine du maître, et le disciple bien-aimé l'avoit bien comprise. De son temps un Cerinthe, un hérésiarque, ne vouloit pas croire qu'un Dieu eùt pu se faire homme, et se faire la victime des pécheurs: que lui répondit cet apôtre vierge, ce prophete du nouveau testament, cet aigle, ce théologien par excellence, ce saint vieillard, qui n'avoit de force que pour prêcher la charité, et pour dire, Aimez-vous les uns et les autres en Notre-Seigneur? que répondit-il à cet héré. siarque? quel symbole, quelle nouvelle confession de foi opposa-t-il à son hérésie naissante? Écoutez, et admirez. « Nous croyons, dit-il, et nous con<«< fessons l'amour que Dieu a pour nous», Et nos credimus charitati quam habet Deus in nobis (1). C'est là toute la foi des chrétiens; c'est la cause et l'abrégé de tout le symbole; c'est là que la princesse palatine a trouvé la résolution de ses anciens doutes. Dieu a aimé; c'est tout dire. S'it a fait, discit-elle, de si grandes choses pour dé. clarer son amour dans l'incarnation, que n'aura-t-il pas fait pour le consommer dans l'eucharistie, pour se donner, non plus en général à la nature humaine, mais à chaque fidele en particulier ? Croyons donc avec S. Jean en l'amour d'un Dieu; la foi nous paroîtra douce, en la prenant par un endroit si tendre: mais n'y croyons pas à

(1) I JOAN. c. 4, v. 16.

demi, à la maniere des hérétiques, dont l'un en retranche une chose, et l'autre une autre; l'un le mystere de l'incarnation, et l'autre celui de l'eucharistie; chacun ce qui lui déplaît: foibles esprits, ou plutôt cœurs étroits et entrailles resserrées, que la foi et la charité n'ont pas assez dilatés (1) pour comprendre toute l'étendue de l'amour d'un Dieu. Pour nous, croyons sans réserve, et prenons le remede entier, quoi qu'il en coûte à notre raison. Pourquoi veut-on que les prodiges coûtent tant à Dieu? Il n'y a plus qu'un seul prodige que j'annonce aujourd'hui au monde : ô ciel, ô terre, étonnez-vous à ce prodige nouveau! c'est que, parmi tant de témoignages de l'amour divin, y ait tant d'incrédules et tant d'insensibles. N'en augmentez pas le nombre, qui va croissant tous les jours: n'alléguez plus votre malheureuse incrédulité, et ne faites pas une excuse de votre crime. Dieu a des remedes pour vous guérir, et il ne reste qu'à les obtenir par des vœux continuels. Il a su prendre la sainte princesse dont nous parlons par le moyen qu'il lui a plu; il en a d'autres pour vous jusqu'à l'infini, et vous n'avez rien à craindre, que de désespérer de ses bontés. Vous osez nommer vos ennuis, après les peines terribles où vous l'avez vue! Cependant, si quelquefois elle desiroit en être un peu soulagée, elle se le reprochoit à elle-même. « Je commence, disoit-elle, à m'appercevoir que je

(1) Cor nostrum dilatatum est.... Angustiamini autem in visceribus vestris. 2 COR. c. 6, v. II, 12.

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«< cherche le paradis terrestre à la suite de Jésus<< Christ, au lieu de chercher la montagne des Olives - et le Calvaire, par où il est entré dans sa gloire ». Voilà ce qu'il lui servit de méditer l'évangile nuit et jour, et de se nourrir de la parole de vie. C'est encore ce qui lui fit dire cette admirable parole: qu'elle aimoit mieux vivre et mourir sans conso>«lation que d'en chercher hors de Dieu ». Elle a porté ces sentiments jusqu'à l'agonie; et prête à rendre l'ame, on entendit qu'elle disoit d'une voix mourante: « Je m'en vais voir comment Dieu me trai<< tera; mais j'espere en ses miséricordes». Cette parole de confiance emporta son ame sainte au séjour des justes. Arrêtons ici, chrétiens: et vous, Seigneur, imposez silence à cet indigne ministre qui ne fait qu'affoiblir votre parole: parlez dans les cœurs, prédicateur invisible, et faites que chacun se parle à soi-même. Parlez, mes freres, parlez: je ne suis ici que pour aider vos réflexions. Elle viendra cette heure derniere; elle approche, nous y touchons, la voilà venue. Il faut dire avec Anne de Gonzague: Il n'y a plus ni princesse, ni palatine; ces grands noms dont on s'étourdit ne subsistent plus. Il faut dire avec elle: Je m'en vais, je suis emporté par une force inévitable; tout fuit, tout diminue, tout disparoît à mes yeux. Il ne reste plus à l'homme que le néant et le péché: pour tout fonds, le néant; pour toute acquisition, le péché. Le reste, qu'on croyoit tenir, échappe : semblable à de l'eau gelée, dont le vil crystal se fond entre les mains qui le serreut, et ne fait que les salir. Mais voici ce qui glacera le cœur, ce qui achevera d'éteindre la voix,

co qui répandra la frayeur dans toutes les veines : « Je m'en vais voir comment Dieu me traitera »; dans un moment je serai entre ces mains, dont S. Paul écrit en tremblant: « Ne vous y trompez « pas, on ne se moque pas de Dieu » (1); et encore, « C'est une chose horrible de tomber entre les << mains du Dieu vivant » (2); entre ces mains où tout est action, où tout est vie; rien ne s'affoiblit, ni ne se relâche, ni ne se ralentit jamais! Je m'en vais voir si ces mains toutes-puissantes me seront favorables ou rigoureuses; si je serai éternellement ou parmi leurs dons, ou sous leurs coups. Voilà ce qu'il faudra dire nécessairement avec notre princesse: mais pourrons-nous ajouter avec une conscience aussi tranquille, « J'espere en sa miséri« corde »? Car qu'aurons-nous fait pour la fléchir? quand aurons-nous écouté « la voix de celui qui « crie dans le désert: Préparez les voies du Sei«gneur » (3)? Comment? par la pénitence.

Mais serons-nous fort contents d'une pénitence commencée à l'agonie, qui n'aura jamais été éprouvée, dont jamais on n'aura vu aucun fruit; d'une pénitence imparfaite; d'une pénitence nulle, douteuse, si vous le voulez, sans forces, sans réflexion, sans loisir pour en réparer les défauts? N'en est-ce pas

(1) Nolite errare; Deus non irridetur. GAL. c. 6, v.7. (2) Horrendum est incidere in manus Dei viventis. HEB. C. 10, v. 31.

(3) Vox clamantis in deserto : Parate vias Domini.... facite ergu fructus diguos pœnitentiæ. Luc. c. 3,

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