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tez de parler ainsi, les mêmes insinuations dans les entretiens, au-dedans les mêmes desirs, audehors les mêmes graces; et jamais sœurs ne fu rent unies par des liens ni si doux ni si puissants: leur vie eût été heureuse dans leur éternelle union; et la princesse Anne n'aspiroit plus qu'au bonheur d'être une humble religieuse d'une sœur dont elle admiroit la vertu. En ce temps le duc de Mantoue leur pere mourut: les affaires les appelerent à la cour; la princesse Bénédicte, qui avoit son partage dans le ciel, fut jugée propre à concilier les intérêts différents dans la famille. Mais, ô coup funeste pour la princesse Anne! la pieuse abbesse mourut dans ce beau travail, et dans la fleur de son âge. Je n'ai pas besoin de vous dire combien le cœur tendre de la princesse Anne fut profondément blessé par cette mort; mais ce ne fut pas là sa plus grande plaie. Maîtresse de ses desirs, elle vit le monde, elle en fut vue: bientôt elle sentit qu'elle plaisoit, et vous savez le poison subtil qui entre dans un jeune cœur avec ces pensées. Ces beaux desseins furent oubliés. Pendant que tant de naissance, tant de biens, tant de graces qui l'accompagnoient, lui attiroient les regards de toute l'Europe, le prince Édouard de Baviere, fils de l'électeur Frédéric V, comte palatin du Rhin, et roi de Bohême, jeune prince qui s'étoit réfugié en France durant les malheurs de sa maison, la mérita. Elle préféra aux richesses les vertus de ce prince, et cette noble alliance où de tous côtés on ne trouvoit que des rois. La princesse Anne l'invite à se faire instruire; il connut bientôt les erreurs où les

derniers de ses peres, déserteurs de l'ancienne foi, l'avoient engagé: heureux présages pour la maison palatine! Sa conversion fut suivie de celle de la princesse Louise sa sœur, dont les vertus font éclater par toute l'église la gloire du saint monastere de Maubuisson; et ces bienheureuses prémices ont attiré une telle bénédiction sur la maison palatine, que nous la voyons enfin catholique dans son chef. Le mariage de la princesse Anne fut un heureux commencement d'un si grand ouvrage. Mais, hélas! tout ce qu'elle aimoit devoit être de peu de durée. Le prince son époux lui fut ravi, et lui laissa trois princesses, dont les deux qui restent pleurent encore la meilleure mere qui fût jamais, et ne trouvent de consolation que dans le souvenir de ses vertus. Ce n'est pas encore le temps de vous en parler. La princesse palatine est dans l'état le plus dangereux de sa vie. Que le monde voit peu de ces veuves dont parle S. Paul, « qui vraiment « veuves et désolées » (1), s'ensevelissent, pour ainsi dire, elles-mêmes dans le tombeau de leurs époux, y enterrent tout amour humain avec ces cendres chéries, et, délaissées sur la terre, « mettent leur

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espérance en Dieu, et passent les nuits et les jours << dans la priere »>! Voilà l'état d'une veuve chrétienne, selon les préceptes de S. Paul; état oublié parmi nous, où la viduité est regardée, non plus

(1) Viduas honora, quæ verè viduæ sunt... Quæ autem verè vidua est et desolata, speret in Deum, et instet obsecrationibus et orationibus nocte ac die. I TIMOTH. ▼. 3 et seq.

comme un état de désolation, car ces mots ne sont plus connus, mais comme un état desirable, où, affranchi de tout joug, on n'a plus à contenter que soi-même, sans songer à cette terrible sentence de S. Paul: «La veuve qui passe sa vie dans les plaisirs », remarquez qu'il ne dit pas, la veuve qui, passe sa vie dans les crimes, il dit, « La veuve qui, « la passe dans les plaisirs est morte toute vive » (1),› parcequ'oubliant le deuil éternel et le caractere de désolation qui fait le soutien comme la gloire de son état, elle s'abandonne aux joies du monde. Combien donc en devroit-on pleurer comme mortes de ces veuves jeunes et riantes, que le monde trouve si heureuses! Mais sur-tout quand on a connu Jésus-Christ et qu'on a eu part à ses graces, quand la lumiere divine s'est découverte, et qu'avec des yeux illuminés on se jette dans les voies du siecle, qu'arrive-t-il à une ame qui tombe d'un si haut état, qui renouvelle contre Jésus-Christ, et encore contre Jésus-Christ connu et goûté, tous les outrages des Juifs, et le crucifie encore une fois? Vous reconnoissez le langage de S. Paul. Achevez donc, grand apôtre, et dites-nous ce qu'il faut attendre d'une chûte si déplorable. «Il est impossible, dit-il, qu'une telle ame soit renouvelée par la pénitence (2) ».

(1) Nam quæ in deliciis est, vivens mortua ést. I TIM.

7.6.

(2) Impossibile est enim eos qui semel sunt illuminati, gustaverunt etiam donum cœleste, et participes facti sunt Spiritûs sancti, gustaverunt nihilominus bonum Dei verbum, virtutesque sæculi venturi, et prolapsi sunt, rursus

Impossible! quelle parole! soit, messieurs, qu'elle signifie que la conversion de ces ames autrefois si favorisées sarpasse toute la mesure des dons ordinaires, et demande, pour ainsi parler, le dernier effort de la puissance divine, soit que l'impossibilité dont parle S. Paul veuille dire qu'en effet il n'y a plus de retour à ces premieres douceurs qu'a goûtées une ame innocente, quand elle y a renoncé avec connoissance, de sorte qu'elle ne peut rentrer dans la grace que par des chemins difficiles et avec des peines extrêmes. Quoi qu'il en soit, chrétiens, l'un et l'autre s'est vérifié dans la princesse palatine: pour la plonger entièrement dans l'amour du monde il falloit ce dernier malheur. Quoi? la faveur de la cour. La cour veut toujours unir les plaisirs avec les affaires. Par un mélange étonnant, il n'y a rien de plus sérieux ni ensemble de plus enjoué. Enfoncez, vous trouvez par-tout des intérêts cachés, des jalousies délicates qui causent une extrême sensibilité, et, dans une ardente ambition, des soins et un sérieux aussi triste qu'il est vain: tout est couvert d'un air gai, et vous diriez qu'on ne songe qu'à s'y divertir. Le génie de la princesse palatine se trouva également propre aux divertissements et aux affaires ; la cour ne vit jamais rien de plus engageant; et, sans parler de sa pénétration ni de la fertilité infinie de ses expédients, tout cédoit au charme secret de ses entretiens. Que vois-je durant

renovari ad pœnitentiam, rursum crucifigentes sibimetipsis Filium Dei, et ostentui habentes. HEB.c.6, v.4 et seq.

ce temps! quel trouble! quel affreux spectacle se présente ici à mes yeux! La monarchie ébranlée jusqu'aux fondements, la guerre civile, la guerre étrangere, le feu au-dedans et au-dehors; les remedes de tous côtés plus dangereux que les maux; les princes arrêtés avec grand péril, et délivrés avec un péril encore plus grand; ce prince que l'on regardoit comme le héros de son siecle, rendu inutile à sa patrie dont il avoit été le soutien, et ensuite, je ne sais comment, contre sa propre inclination, armé contre elle; un ministre persécuté, et devenu nécessaire, non seulement par l'importance de ses services, mais encore par ses malheurs où l'autorité souveraine étoit engagée. Que dirai-je ? étoient-ce là de ces tempêtes par où le ciel a besoin de se décharger quelquefois? et le calme profond de nos jours devoit-il être précédé par de tels orages? ou bien étoient-ce les derniers efforts d'une liberté remuante qui alloit céder la place à l'autorité légitime? ou bien étoit ce comme un travail de la France prête à enfanter le regne miraculeux de Louis? Non, non; c'est Dieu qui vouloit montrer qu'il donne la mort, et qu'il ressuscite, qu'il plonge jusqu'aux enfers, et qu'il en retire (1), qu'il secoue la terre et la brise, et qu'il guérit en un moment toutes ses brisures (2). Ce fut là que la princesse palatine signala sa fidélité, et fit paroître toutes les richesses de son esprit. Je ne dis rien qui ne

(1) Dominus mortificat et vivificat; deducit ad inferos et reducit. II REG. c. 2, v.6.

(2) Commovisti terram, et conturbasti eam: sana contritiones ejus, quia commota est. PSAL. 59, v. 4.

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