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«ton Dieu » qui ́ te fortifie; « ne te détourne pas de « la voie » (1) où je t'engage; « puisque je suis avec « toi», jamais je ne cesserai de te secourir; «<et le juste que j'envoie au monde », ce Sauveur miséricordieux, ce pontife compatissant, « te tient par la « main »: tenebit te dextera justi mei (2). Voilà, messieurs, le passage entier du saint prophete Isaïe, dont je n'avois récité que les premieres paroles: puis-je mieux vous représenter les conseils de Dieu sur cette princesse que par des paroles dont il s'est servi pour lui expliquer les secrets de ses admirables conseils? Venez maintenant, pécheurs, quels que vous soyez, en quelques régions écartées que la tempête de vos passions vous ait jetés, fussiez-vous dans ces terres ténébreuses dont il est parlé dans l'écriture, et dans l'ombre de la mort (3) ; s'il vous reste quelque pitié de votre ame malheureuse, venez voir d'où la main de Dieu a retiré la princesse Anne, venez voir où la main de Dieu l'a élevée. Quand on voit de pareils exemples dans une princesse d'un si haut rang, dans une princesse qui fut niece d'une impératrice, et unie par ce lien à tant d'empereurs, sœur d'une puissante reine, épouse d'un fils de roi, mere de deux grandes princesses, dont l'une est un ornement dans l'auguste maison de France et l'autre s'est fait admirer dans la puis

1) ISA. c. 41, v. 10.

(2) IBID. C. 9, v. 2.

(3) Populus qui ambulabat in tenebris.... Habitantibus in regione umbræ mortis. ISA. c. 9, v. 2.

sante maison de Brunswick; enfin dans une princesse dont le mérite passe la naissance, encore que, sortie d'un pere et de tant d'aïeux souverains, elle ait réuni en elle avec le sang de Gonzague et de Cleves celui des Paléologue, celui de Lorraine, et celui de France par tant de côtés; quand Dieu joint à ces avantages une égale réputation, et qu'il choisit une personne d'un si grand éclat pour être l'objet de son éternelle miséricorde, il ne se propose rien moins que d'instruire tout l'univers. Vous donc qu'il assemble en ce saint lieu, et vous principalement, pécheurs, dont il attend la conversion avec une si longue patience, n'endurcissez pas vos cœurs, ne croyez pas qu'il vous soit permis d'apporter seulement à ce discours des oreilles curieuses. Toutes les vaines excuses dont vous couvrez votre impénitence vous vont être ôtées; ou la princesse palatine portera la lumiere dans vos yeux, ou elle fera tomber comme un déluge de feu la vengeance de Dieu sur vos têtes. Mon discours, dont vous vous croyez peut-être les juges, vous jugera an dernier jour; ce sera sur vous un nouveau fardeau, comme parloient les prophetes: Onus verbi Domini super Israël (1), et si vous n'en sortez plus chrétiens, vous en sortirez plus coupables. Commençons donc avec confiance l'œuvre de Dieu. Apprenons avant toutes choses à n'être pas éblouis du bonheur qui ne remplit pas le cœur de l'homme, ni des belles qualités qui ne le rendent pas meil

(1) ZACH. C. 12, V. I.

leur, ni des vertus, dont l'enfer est rempli, qui nourrissent le péché et l'impénitence, et qui empėchent l'horreur salutaire que l'ame pécheresse auroit d'elle-même. Entrons encore plus profondément dans les voies de la divine Providence, et ne craignons pas de faire paroître notre princesse dans les états différents où elle a été. Que ceux-là craignent de découvrir les défauts des ames saintes, qui ne savent pas combien est puissant le bras de Dieu pour faire servir ces défauts non seulement à sa gloire, mais encore à la perfection de ses élus: pour nous, mes freres, qui savons à quoi ont servi à S. Pierre ses reniements, à S. Paul les persécutions qu'il a fait souffrir à l'église, à S. Augustin ses erreurs, à tous les saints pénitents leurs péchés, ne craignons pas de mettre la princesse palatine dans ce rang, ni de la suivre jusque dans l'incrédulité où elle étoit enfin tombée. C'est de là que nous la verrons sortir pleine de gloire et de vertu; et nous bénirons avec elle la main qui l'a relevée : heureux si la conduite que Dieu tient sur elle nous fait craindre la justice qui nous abandonne à nousmêmes, et desirer la miséricorde qui nons en arrache! C'est ce que demande de vous très haute et très puissante princesse Anne de Gonzague de Cleves, princesse de Mantoue et de Montferrat, et com tesse palatine du Rhin.

Jamais plante ne fut cultivée avec plus de soin, ni ne se vit plutôt couronnée de fleurs et de fruits que la princesse Anne. Dès ses plus tendres années elle perdit sa pieuse mere Catherine de Lorraine. Charles duc de Nevers, et depuis duc de

Mantone, son pere, lui en trouva une digne d'elle, et ce fut la vénérable mere Françoise de la Châtre, d'heureuse et sainte mémoire, abbesse de Faremoutier, que nous pouvons appeler la restauratrice de la regle de S. Benoît, et la lumiere de la vie monastique. Dans la solitude de sainte Fare, autant éloignée des voies du siecle que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde, dans cette sainte montagne que Dieu avoit choisie depuis mille ans, où les épouses de Jésus-Christ faisoient revivre la beauté des anciens jours, où les joies de la terre étoient inconnues, où les vestiges des hommes du monde, des curieux, et des vagabonds, ne paroissoient pas, sous la conduite de la sainte abbesse, qui savoit donner le lait aux enfants aussi-bien que le pain aux forts, les commencements de la princesse Anne étoient heureux. Les mysteres lui furent révélés, l'écriture lui devint familiere. On lui avoit appris la langue latine parceque c'étoit celle de l'église; et l'office divin faisoit ses délices. Elle aimoit tout dans la vie religieuse jusqu'à ses austérités et ses humiliations; et durant douze ans qu'elle fut dans ce monastere on lui voyoit tant de modestie et tant de sagesse, qu'on ne savoit à quoi elle étoit le plus propre ou à commander ou à obéir: mais la sage abbesse, qui la crut capable de soutenir sa réforme, la destinoit au gouvernement; et déja on la comptoit parmi les princesses qui avoient conduit cette célebre abbaye, quand sa famille, trop empressée à exécuter ce pieux projet, le rompit. Nous sera-t-il -permis de le dire? la princesse Marie, pleine alors

de l'esprit du monde, croyoit, selon la coutume des grandes maisons, que ses jeunes sœurs devoient être sacrifiées à ses grands desseins. Qui ne sait où son rare mérite et son éclatante beauté, avantage toujours trompeur, lui firent porter ses espérances? et d'ailleurs dans les plus puissantes maisons les partages ne sont-ils pas regardés comme une espece de dissipation par où elles se détruisent d'elles-mêmes? tant le néant y est attaché! La princesse Bénédicte, la plus jeune des trois sœurs, fut la pre miere immolée à ces intérêts de famille; on la fit abbesse, sans que dans un àge si tendre elle sût ce qu'elle faisoit; et la marque d'une si grave dignité fut comme un jouet entre ses mains. Un sort semblable étoit destiné à la princesse Anne; elle eût pu renoncer à sa liberté si on lui eût permis de la sentir, et il eût fallu la conduire et non pas la précipiter dans le bien. C'est ce qui renversa tout-àcoup les desseins de Faremoutier. Avenai parut avoir un air plus libre; et la princesse Bénédicte y présentoit à sa sœur une retraite agréable. Quelle - merveille de la grace! Malgré une vocation si peu réguliere, la jeune abbesse devint un modele de vertu; ses douces conversations rétablirent dans le cœur de la princesse Anne ce que d'importuns empressements en avoient banni : elle prêtoit de nouveau l'oreille à Dieu qui l'appeloit avec tant d'attraits à la vie religieuse; et l'asyle qu'elle avoit choisi pour défendre sa liberté devint un piege innocent pour la captiver. On remarquoit dans les deux princesses la même noblesse dans les sentiments, le même agrément, et, si vous me permet.

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