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nouvelle, et cette excellente pratique de chercher dans la communion la meilleure préparation comme la plus parfaite action de graces pour la communion même. Par ces admirables pratiques cette princesse est venue à sa derniere heure sans qu'elle eût besoin d'apporter à ce terrible passage une autre préparation que celle de sa sainte vie: et les hommes, toujours hardis à juger les autres, sans épargner les souverains, car on n'épargne que soi-même dans ses jugements; les hommes, dis-je, de tous les états, et autant les gens de bien que les autres, ont vu la reine emportée avec une telle précipitation dans la vigueur de son âge, sans être en inquiétude pour son salut. Apprenez donc, chrétiens, et vous principalement qui ne pouvez vous accoutumer à la pensée de la mort, en attendant que vous méprisiez celle que Jésus-Christ a vaincue, ou même que vous aimiez celle qui met fin à nos péchés, et nous introduit à la vraie vie, apprenez à la désarmer d'une autre sorte, et embrassez la belle pratique, où, sans se mettre en peine d'attaquer la mort, on n'a besoin que de s'appliquer à sanctifier sa vie.

La France a vu de nos jours deux reines plus unies encore par la piété que par le sang, dont la mort, également précieuse devant Dieu, quoiqu'avec des circonstances différentes, a été d'une singuliere édification à toute l'église. Vous entendez bien que je veux parler d'Anne d'Autriche et de sa chere niece, ou plutôt de sa chere fille, Marie-Thérese; Anne dans un âge déja avancé, et Marie-Thérese dans sa vigueur, mais toutes deux, d'une si heureuse constitution qu'elle sembloit, nous promettre

le bonheur de les posséder un siecle entier, nous sont enlevées contre notre attente, l'une par une longue maladie, et l'autre par un coup imprévu. Anne, avertie de loin par un mal aussi cruel qu'irrémédiable, vit avancer la mort à pas lents, et sous la figure qui lui avoit toujours paru la plus affreuse : Marie-Thérese, aussitôt emportée que frappée par la maladie, se trouve toute vive et tout entiere entre les bras de la mort sans presque l'avoir envisagée. A ce fatal avertissement, Anne pleine de foi ramasse toutes les forces qu'un long exercice de la piété lui avoit acquises, et regarde sans se troubler toutes les approches de la mort: humiliée sous la main de Dieu, elle lui rend graces de l'avoir ainsi avertie; elle multiplie ses aumônes toujours abondantes; elle redouble scs dévotions toujours assidues; elle apporte de nouveaux soins à l'examen de sa conscience toujours rigoureux: avec quel renouvellement de foi et d'ardeur lui vîmes-nous recevoir le saint viatique! Dans de semblables actions il ne fallut à Marie-Thérese que sa ferveur ordinaire: sans avoir besoin de la mort pour exciter sa piété, sa piété s'excitoit toujours assez elle-même, et prenoit dans sa propre force un continuel accroissement. Que dirons-nous, chrétiens, de ces deux reines? Par l'une Dieu nous apprit comment il faut profiter du temps, et l'autre nous a fait voir que la vie vraiment chrétienne n'en a pas besoin. En effet, chrétiens, qu'attendons-nous? Il n'est pas digne d'un chrétien de ne s'évertuer contre la mort qu'au moment qu'elle se présente pour l'enlever. Un chrétien toujours attentif à combattre ses

que

passions meurt tous les jours, avec l'apôtre : quetidie morior (1). Un chrétien n'est jamais vivant sur la terre, parcequ'il y est toujours mortifié, et la mortification est un essai, un apprentissage, un commencement de la mort. Vivons-nous, chrétiens? vivons-nous? Cet âge que nous comptons, et où tout ce que nous comptons n'est plus à nous, est-ce une vie? et pouvons-nous n'appercevoir pas ce que nous perdons sans cesse avec les années? Le repos et la nourriture ne sont-ils pas de foibles remedes de la continuelle maladie qui nous travaille? et celle que nous appelons la -derniere, qu'est-ce autre chose, à le bien entendre, qu'un redoublement, et comme le dernier accès du mal que nous apportons au monde en naissant? Quelle santé nous couvroit la mort que la reine portoit dans le sein! De combien près la menace at-elle été suivie du coup? et où en étoit cette grande reine avec toute la majesté qui l'environnoit, si elle eût été moins préparée? Tout d'un coup on voit arriver le moment fatal où la terre n'a plus rien pour elle que des pleurs. Que peuvent tant de fideles domestiques empressés autour de son lit? Le roi même, que pouvoit-il? lui, messieurs, lui qui succomboit à la douleur avec toute sa puissance et tout son courage. Tout ce qui environne ce prince l'accable: Monsieur, Madame, venoient partager ses déplaisirs, et les augmentoient par les leurs; et vous, monseigneur, que pouviez-vous que

(1) I Cor, c. 15, v. 31.

de lui percer le cœur par vos sanglots? il l'avoit assez percé par le tendre ressouvenir d'un amour qu'il trouvoit toujours également vif après vingt-trois ans écoulés. On en gémit, on en pleure; voilà ce que peut la terre pour une reine si chérie; voilà ce que ⚫ nous avons à lui donner, des pleurs, des cris inutiles. Je me trompe : nous avons encore des prieres ; nous avons ce saint sacrifice, rafraîchissement de nos peines, expiation de nos ignorances et des restes de nos péchés. Mais songeons que ce sacrifice d'une valeur infinie, où toute la croix de Jésus est renfermée, ce sacrifice seroit inutile à la reine, si elle n'avoit mérité par sa bonne vie que l'effet en pût passer jusqu'à elle: autrement, dit S. Augustin, qu'opere un tel sacrifice? nul soulagement pour les morts, une foible consolation pour les vivants. Ainsi tout le salut vient de cette vie, dont la fuite précipitée nous trompe toujours. « Je viens, dit Jésus-Christ, comme un voleur » (1). Il a fait selon sa parole; il est venu surprendre la reine dans le temps que nous la croyions la plus saine, dans le temps qu'elle se trouvoit la plus heureuse. Mais c'est ainsi qu'il agit: il trouve pour nous tant de tentations, et une telle malignité dans tous les plaisirs, qu'il vient troubler les plus innocents dans ses élus. Mais il vient, dit-il, comme un voleur, tou. jours surprenant, et impénétrable dans ses démarches. C'est lui-même qui s'en glorifie dans toute son écriture. Comme un voleur! direz-vous; indigne comparaison! N'importe qu'elle soit indigne de lui,

(1) Veniam ad te tamquam fur. Aroc. c. 3, v. 3.

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pourvu qu'elle nous effraie, et qu'en nous effrayant elle nous sauve. Tremblons donc, chrétiens; tremblons devant lui à chaque moment, car qui pourroit ou l'éviter quand il éclate, ou le découvrir quand il se cache? «< Ils mangeoient, dit-il, ils buvoient, « ils achetoient, ils vendoient, ils plantoient, ils bâtissoient, ils faisoient des mariages aux jours « de Noé, et aux jours de Loth » (1), et une subite ruine les vint accabler. Ils mangeoient, ils bu-` voient, ils se marioient; c'étoient des occupations innocentes: que sera-ce quand, en contentant nos impudiques desirs, en assouvissant nos vengeances et nos secretes jalousies, en accumulant dans nos coffres des trésors d'iniquité, sans jamais vouloir séparer le bien d'autrui d'avec le nôtre, trompés par nos plaisirs, par nos jeux, par notre santé, par notre jeunesse, par l'heureux succès de nos affaires, par nos flatteurs, parmi lesquels il faudroit peut-être compter des directeurs infideles que nous avons choisis pour nous séduire ; et enfin par nos fausses pénitences, qui ne sont suivies d'aucun changement de nos mœurs, nous viendrons toutà-coup au dernier jour? La sentence partira d'enhaut: « La fin est venue, la fin est venue; finis venit, venit finis (2): la fin est venue sur vous;

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(1) Sicut factum est in diebus Noe, ita erit et in diebus filii hominis.... uxores ducebant, et dabantur ad nuptias... similiter sicut factum est in diebus Loth: edebant et bibebant, emebant et vendebant, plantabant et ædificabant. Luc. c. 17, v. 26, 27, 28.

(2) EZECH. c. 7, V. 2,

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