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est un remede universel à tous les maux, un baume qui les adoucit, un charme qui les enchante? An lieu que, par un conseil de la Providence divine, qui sait donner aux conditions les plus élevées leur contre-poids, cette grandeur, que nous admirons de loin comme quelque chose au-dessus de l'homme, touche moins quand on y est né, ou se confond elle-même dans son abondance, et qu'il se forme au contraire parmi les grandeurs une nouvelle sensibilité pour les déplaisirs, dont le coup est d'autant plus rude qu'on est moins préparé à le soutenir.

Il est vrai que les hommes apperçoivent moins

cette malheureuse délicatesse dans les ames vertueuses; on les croit insensibles, parceque non seulement elles savent taire, mais encore sacrifier, leurs peines secretes. Mais le Pere céleste se plaît à les regarder dans ce secret; et, comme il sait leur préparer leur croix, il y mesure aussi leur récompense. Croyez-vous que la reine pût être en repos dans ces fameuses campagnes qui nous apportoient coup sur coup tant de surprenantes nouvelles? Non, messieurs, elle étoit toujours tremblante, parcequ'elle voyoit toujours cette précieuse vie, dont la sienne dépendoit, trop facilement hasardée. Vous avez vu ses terreurs : vous parlerai-je de ses pertes, et de la mort de ses chers enfants? ils lui ont tous déchiré le cœur. Représentons-nous ce jeune prince que les graces sembloient elles-mêmes avoir formé de leurs mains (pardonnez-moi ces expressions); i! me semble que je vois encore tomber cette fleur.

Alors, triste messager d'un évènement si funeste, je fus aussi le témoin, en voyant le roi et la reine, d'un côté de la douleur la plus pénétrante, et de l'autre des plaintes les plus lamentables; et, sous des formes différentes, je vis une affliction sans mesure: mais je vis aussi des deux côtés la foi également victorieuse; je vis le sacrifice agréable de l'ame humiliée sous la main de Dieu, et deux victimes royales immoler d'un commun accord leur propre cœur.

Pourrai-je maintenant jeter les yeux sur la terrible menace du ciel irrité, lorsqu'il sembla si longtemps vouloir frapper ce dauphin même, notre plus chere espérance? Pardonnez-moi, messieurs, pardonnez-moi si je renouvelle vos frayeurs; il faut bien, et je le puis dire, que je me fasse à moimême cette violence, puisque je ne puis montrer qu'à ce prix la constance de la reine. Nous vimes alors dans cette princesse, au milieu des alarmes d'une mere, la foi d'une chrétienne; nous vîmes un Abraham prêt à immoler Isaac, et quelques traits de Marie quand elle offrit son Jésus. Ne craignons point de le dire, puisqu'un Dieu ne s'est fait homme que pour assembler autour de lui des exemples pour tous les états. La reine, pleine de foi, ne se propose pas un moindre modele que Marie; Dieu lui rend aussi son fils unique, qu'elle lui offre d'un cœur déchiré, mais soumis, et veut que nous lui devions encore une fois un si grand bien.

On ne se trompe pas, chrétiens, quand on attribue tout à la priere: Dieu qui l'inspire ne lui peut

rien refuser.

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Un roi, dit David, ne se sauve pas «< par ses armées, et le puissant ne se sauve pas par « sa valeur » (1). Ce n'est pas aussi aux sages conseils qu'il faut attribuer les heureux succès: «< Il s'éleve, dit le Sage, plusieurs pensées dans le cœur de « l'homme » (2): reconnoissez l'agitation et les pensées incertaines des conseils humains. « Mais, pour« suit-il, la volonté du Seigneur demeure ferme », et pendant que les hommes déliberent, il ne s'exé cute que ce qu'il résout. « Le Terrible », le ToutPuissant, « qui ôte» quand il lai plaît, «l'esprit « des princes» (3), le leur laisse aussi quand il yeut pour les confondre davantage, «et les prendre « dans leurs propres finesses »(4). « Car il n'y a point « de prudence, il n'y a point de sagesse, il n'y a point de conseils contre le Seigneur» (5). Les Machabées étoient vaillants, et néanmoins il est écrit qu'ils combattoient par leurs prieres » plus que par leurs armes; per orationes congressi sunt (6), assurés, par l'exemple de Moïse, que les

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(1) Non salvatur rex per multam virtutem : et gigas non salvabitur in multitudine virtutis suæ. PSAL. 32, v. 16. (2) Multæ cogitationes in corde viri: voluntas autem Domini permanebit. PROV. c. 19, v. 21.

(3) Vovete et reddite Domino deo vestro.... terribili, et ei qui aufert spiritum principum. PSAL. 75, v. 12, 13. (4) Qui apprehendit sapientes in astutia eorum. JOB. v. 13. I COR. c. 3, v. 19.

(5) Non est sapientia, non est prudentia, non est consilium contra Dominum. PROV. c. 30, v. 21. (6) Per orationes congressi sunt, 2 MACHAB. c. 15, ▼, 25.

mains élevées à Dieu enfoncent plus de bataillons que celles qui frappent. Quand tout cédoit à Louis, et que nous crûmes voir revenir le temps des miracles où les murailles tomboient au bruit des trompettes, tous les peuples jetoient les yeux sur la reine, et croyoient voir partir de son oratoire la foudre qui accabloit tant de villes.

Que si Dieu accorde aux prieres les prospérités temporelles, combien plus leur accorde-t-il les vrais biens, c'est-à-dire les vertus? Elles sont le fruit naturel d'une ame unie à Dieu par l'oraison; l'oraison, qui nous les obtient, nous apprend à les pratiquer, non seulement comme nécessaires, mais encore comme reçues « du Pere des lumieres, d'où des« cend sur nous tout don parfait » (1); et c'est là le comble de la perfection, parceque c'est le fondement de l'humilité. C'est ainsi que Marie-Thérese attira par la priere toutes les vertus dans son ame. Dès sa premiere jeunesse elle fut, dans les mouvements d'une cour alors assez turbulente, la consolation et le seul soutien de la vieillesse infirme du roi son pere. La reine sa belle-mere, malgré ce nom odieux, trouva en elle, non seulement un respect, mais encore une tendresse que ni le temps ni l'éloignement n'ont pu altérer; aussi pleure-t-elle sans mesure, et ne veut point recevoir de consolation. Quel eœur, quel respect, quelle soumission n'a-t-elle

(1) Omne datum optimum, et omne donum perfectum desursum est, descendens a Patre luminum. Jac. C. I, v. 17.

pas eus pour le roi! toujours vive pour ce grand prince, toujours jalouse de sa gloire, uniquement attachée aux intérêts de son état, infatigable dans les voyages, et heureuse pourvu qu'elle fût en sa compagnie: femme enfin où S. Paul auroit vu l'église occupée de Jésus-Christ et unie à ses volontés par une éternelle complaisance (1). Si nous osions demander au grand prince qui lui rend ici avec tant de piété les derniers devoirs, quelle mere il a perdue; il nous répondroit par ses sanglots: et je vous dirai en son nom ce que j'ai vu avec joie, ce que je répete avec admiration, que les tendresses inexplicables de Marie-Thérése tendoient toutes à lui inspirer la foi, la piété, la crainte de Dieu, un attachement inviolable pour le roi, des entrailles de miséricorde pour les malheureux, une immuable persévérance dans tous ses devoirs, et tout ce que nous louons dans la conduite de ce prince. Parlerai-je des bontés de la reine tant de fois éprouvées par ses domestiques? et ferai-je retentir encore devant ces autels les cris de sa maison désolée? et vous, pauvres de Jésus-Christ, pour qui seuls elle ne pouvoit endurer qu'on lui dît que ses trésors étoient épuisés, vous, premièrement, pauvres volontaires, victimes de Jésus-Christ, religieux, vierges sacrées, ames pures dont le monde n'étoit pas digne; et vous, pauvres, quelque nom que vous portiez, pauvres connus, pauvres honteux, mala

(1) EPHES. v. 24.

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