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nie elle est tranquille et victorieuse. Qui veut entendre combien la raison préside dans les conseils de ce prince n'a qu'à prêter l'oreille quand il lui plaît d'en expliquer les motifs. Je pourrois ici prendre à témoin les sages ministres des cours étrangeres, qui le trouvent aussi convaincant dans ses discours que redoutable par ses armes. La noblesse de ses expressions vient de celle de ses sentiments, et ses paroles précises sont l'image de la justesse qui regne dans ses pensées. Pendant qu'il parle avec tant de force une douceur surprenante lui ouvre les cœurs, et donne, je ne sais comment, un nouvel éclat à la majesté qu'elle tempere.

N'oublions pas ce qui faisoit la joie de la reine. Louis est le rempart de la religion; c'est à la religion qu'il fait servir ses armes redoutées par mer et par terre. Mais songeons qu'il ne l'établit partout au-dehors que parcequ'il la fait régner au-dedans et au milieu de son cœur. C'est là qu'il abat des ennemis plus terribles que ceux que tant de puissances jalouses de sa grandeur, et l'Europe entiere, pourroient armer contre lui. Nos vrais ennemis sont en nous-mêmes, et Louis combat ceux-là plus que tous les autres. Vous voyez tomber de toutes parts les temples de l'hérésie: ce qu'il renverse au-dedans est un sacrifice bien plus agréable, et l'ouvrage du chrétien, c'est de détruire les passions, qui feroient de nos cœurs un temple d'idoles. Que serviroit à Louis d'avoir étendu sa gloire partout où s'étend le genre humain? Ce ne lui est rien d'être l'homme que les autres hommes admirent; il veut être avec David « l'homme selon le cœur de

« Dieu ». C'est pourquoi Dieu le bénit. Tout le genre humain demeure d'accord qu'il n'y a rien de plus grand que ce qu'il fait, si ce n'est qu'on veuille compter pour plus grand encore tout ce qu'il n'a pas voulu faire, et les bornes qu'il a données à sa puissance. Adorez donc, ô grand roi, celui qui vous fait régner, qui vous fait vaincre, et qui vous donne dans la victoire, malgré la fierté qu'elle inspire, des sentiments si modérés. Puisse la chrétienté ouvrir les yeux, et reconnoître le vengeur que Dieu lui envoie! Pendant, ô malheur ! ô honte! ô juste punition de nos péchés! pendant, dis-je, qu'elle est ravagée par les infideles qui pénetrent jusqu'à ses entrailles, que tarde-t-elle à se souvenir et des secours de Candie, et de la fameuse journée du Raab, où Louis renouvela dans le cœur des infideles l'ancienne opinion qu'ils ont des armes françoises, fatales à leur tyrannie, et par des exploits inouis devint le rempart de l'Autriche, dont il avoit été la terreur?

Ouvrez donc les yeux, chrétiens, et regardez ce héros, dont nous pouvons dire comme S. Paulin disoit du grand Théodose, que nous voyons en Louis, « non un roi, mais un serviteur de JésusChrist, et un prince qui s'éleve au-dessus des hommes, plus encore par sa foi que par sa cou<< ronne ». (1)

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(1) In Theodosio non imperatorem, sed Christi servum, nec regno, sed fide principem prædicamus. Le texte porte: « In Theodosio non tam imperatorem, quàm

C'étoit, messieurs, d'un tel héros que Marie, Therese devoit partager la gloire d'une façon particuliere, puisque, non contente d'y avoir part comme compagne de son trône, elle ne cessoit d'y contribuer par la persévérance de ses vœux.

Pendant que ce grand roi la rendoit la plus illustre de toutes les reines, vous la faisiez, monseigneur, la plus illustre de toutes les meres. Vos respects l'ont consolée de la perte de ses autres enfants; vous les lui avez rendus : elle s'est vue renaître dans ce prince qui fait vos délices et les nôtres ; et elle a trouvé une fille digne d'elle dans cette auguste princesse qui, par son rare mérite autant que par les droits d'un noeud sacré, ne fait avec vous qu'un même cœur. Si nous l'avons admirée dès le moment qu'elle parut, le roi a confirmé notre jugement; et maintenant devenue, malgré ses souhaits, la principale décoration d'une cour dont un si grand roi fait le soutien, elle est la consolation de toute la France.

Ainsi notre reine, heureuse par sa naissance, qui lui rendoit la piété aussi-bien que la grandeur comme héréditaires, par sa sainte éducation, par son mariage, par la gloire et par l'amour d'un si grand roi, par le mérite et par les respects de ses enfants, et par la vénération de tous les peuples, ne voyoit rien sur la terre qui ne fût au-dessous d'elle. Élevez maintenant, ô Seigneur, et mes pensées et ma voix; que je puisse représenter à cette

« Christi servum.... nec régno, sed fide principem prædi« carem ». PAULIN. ep. 9 ad Serv. nov. edit. 28, n. 6.

auguste audience l'incomparable beauté d'une ame · que vous avez toujours habitée, qui n'a jamais « affligé votre Esprit saint » (1), « qui jamais n'a perdu « le goût du don céleste » (2); afin que nous commencions, malheureux pécheurs, à verser sur nousmêmes un torrent de larmes, et que, ravis des chastes attraits de l'innocence, jamais nous ne nous lassions d'en pleurer la perte.

A la vérité, chrétiens, quand on voit dans l'évangile la brebis perdue (3) préférée par le bon à tout le reste du troupeau, quand on pasteur Ꭹ lit cet heureux retour du prodigue retrouvé, et ce transport d'un pere attendri qui met en joie toute sa famille, on est tenté de croire que la pénitence est préférée à l'innocence même, et que le prodigue retourné reçoit plus de graces que son aîné, qui ne s'est jamais échappé de la maison paternelle. Il est l'ainé toutefois, et deux mots que lui dit son pere lui font bien entendre qu'il n'a pas perdu ses avantages: « Mon fils, lui dit-il, vous êtes toujours << avec moi, et tout ce qui est à moi est à vous » (4). Cette parole, messieurs, ne se traite guere dans les chaires, parceque cette inviolable fidélité ne se trouve guere dans les mœurs. Expliquons-la toutefois, puisque notre illustre sujet nous y conduit,

(1) Nolite contristare Spiritum sanctum Dei. EPH. c. 44, v. 3o.

(2) Gustaverunt donum cœleste. HEB. c. 6, v. 4.
(3) Luc. c. 15, v. 4, 20.

(4) Fili, tu semper mecum es, et omnia mea tua sunt.

IBID. V. 31.

et qu'elle a une parfaite conformité avec notre texte. Une excellente doctrine de S. Thomas nous la fait entendre et concilie toutes choses. Dieu témoigne plus d'amour au juste toujours fidele, il en témoigne davantage aussi au pécheur réconcilié, mais en deux manieres différentes. L'un paroîtra plus favorisé si l'on a égard à ce qu'il est, et l'autre si l'on remarque d'où il est sorti. Dieu conserve au juste un plus grand don, il retire le pécheur d'un plus grand mal; le juste semblera plus avantagé si l'on pese son mérite, et le pécheur plus chéri si l'on considere son indignité. Le pere du prodigue l'explique lui-même : « Mon fils, vous êtes toujours "avec moi, et tout ce qui est à moi est à vous » (1): c'est ce qu'il dit à celui à qui il conserve un plus grand don : << Il falloit se réjouir, parceque votre frere « étoit mort, et il est ressuscité » (2) : c'est ainsi qu'il parle de celui qu'il retire d'un plus grand abyme de maux. Ainsi les cœurs sont saisis d'une joie soudaine par la grace inespérée d'un beau jour d'hiver, qui, après un temps pluvieux, yient réjouir tout d'un coup la face du monde; mais on ne laisse pas de lui préférer la constante sérénité d'une saison plus bénigue; et, s'il nous est permis d'expliquer les sentiments du Sauveur par ces sentiments humains, il s'émeut plus sensiblement sur les pécheurs convertis, qui sont sa nouvelle conquête,

(1) Luc. c. 15, v. 31.

Gaudere oportebat, quia frater tuus hic mortuus erat, et revixit. IBID. 32

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