Images de page
PDF
ePub

un motif à ceux qu'il vient de développer. Dans toutes les grandes questions, notamment dans l'affaire de Louis Capet, la Convention a eu grand soin d'appeler, de rassembler tous ses membres. Or il n'y a pas de question plus importante que la confection de l'acte constitutionnel. L'alibi est bien prouvé, le nombre des absens est considérable, et la Convention ne peut se dispenser de consulter tous les membres qui la composent sans exception. ›

Le citoyen Terrasson résume ainsi sa proposition. Je demande que le comité de correspondance soit chargé d'instruire les départemens sur notre situation actuelle, d'en présenter le danger et de faire connaître combien il serait dangereux que la constitution fût faite avec précipitation dans un moment où une faction domine.

Le vice-président met aux voix la proposition de Lavaux, avec l'amendement de la suppression du mot protester, et la société arrête qu'il sera fait une adresse au département et aux sections de Paris, pour les inviter à représenter à la Convention que si l'on décrétait les articles constitutionnels dans l'absence d'un grand nombre de députés, les droits du peuple et ceux des députés absens seraient lésés, qu'en conséquence (conformément à l'amendement de Bentabolle) ils regardent comme attentatoire aux droits du peuple tout projet de discussion d'article constitutionnel en l'absence des députés patriotes.

Lavaux a proposé de supprimer les mots : et ceux du peuple. (Adopté.)

Bentabolle. « Je vais vous rendre compte de ce qui s'est passé aujourd'hui à la Convention. On avait entamé un rapport sur l'organisation de la cour martiale. Des députés de la Gironde ont été introduits : l'un d'eux est un frère de Grangeneuve. Leur adresse était remplie de diatribes sanglantes contre les Jacobins et la Montagne. Ils ont eu l'audace d'avancer que tout le département de la Gironde était prêt à fondre sur Paris, si on chassait leurs représentans. Le côté droit était triomphant et voulait faire imprimer cette adresse.

On avait annoncé une lettre du citoyen Marat qui réclamait

contre l'acte d'accusation qui n'a pas encore été présenté à la rédaction. On n'a pas donné lecture de cette lettre sous le prétexte que Marat n'a point satisfait à la loi. Je ne connais aucun principe qui justifie ce déni de justice; un accusé a le droit de réclamer contre l'oppression dans quelque lieu qu'il se trouve.

Le paquet du courrier arrêté à Bordeaux contenait divers imprimés de cette société, et quelques lettres de famille; on n'a trouvé dans ces lettres que des affaires particulières, et quand elles contiendraient quelques indiscrétions, elles ne pourraient donner lieu à une accusation, parce que tout ce qui est sous le sceau du cachet, tout ce qui est écrit dans l'intimité de la correspondance est sous la sauvegarde de la loi qui protége le secret des lettres. › Une députation de la section des Amis de la patrie est admise et communique l'arrêté par lequel elle prend sous sa protection l'Ami du peuple.

Le président. « Malgré les nuages élevés par les malveillans sur notre horizon politique, les vrais défenseurs des droits du peuple trouvent dans l'énergie et la reconnaissance de leurs concitoyens des moyens de résistance à l'oppression. Marat sortira vainqueur d'une lutte dans laquelle son patriotisme brillera d'un nouvel éclat. Tous les patriotes s'armeront pour la défense du peuple. Et vous, section des Amis de la patrie, qu'on pourrait nommer la Montagne extérieure de la République, restez debout et soyez l'épouvantail des intrigans; tous les républicains seconderont vos généreux efforts. Le monde ne fut affermi sur son axe qu'après de fréquentes agitations. Actuellement il est immuable. Nous avons peut-être encore besoin de quelque secousses pour consolider notre liberté; mais qu'elles ne nous épouvantent pas, elles nous assureront une victoire complète et durable. (Applaudi.)

Robespierre. « Je dois vous faire part de quelques réflexions sur le prétendu projet de conjuration que nos ennemis ont supposé. On a annoncé des papiers, saisis dans les mains d'un courrier envoyé par cette société. Le paquet, que l'on a remis et ouvert, contenait des imprimés et adresses patriotiques, et quel

ques lettres confiées par des citoyens qui ont profité de l'occasion de ce courrier. Plusieurs de ces lettres ne parlent que d'affaires de commerce. Il y en avait une où un mot sur les affaires publiques était intercallé; on y disait que les députés de la Gironde conspiraient contre la République ; mais qu'on attendait un bataillon de Marseille qui purgerait Paris des royalistes. Les tribunes ont applaudi à cette phrase, et des membres ont demandé que le procès-verbal fit mention de ces applaudissemens. Il faut observer que les auteurs de cette allégation appliquaient aux Girondins l'épithète de royalistes. Au moyen d'un faux contenu dans le procès-verbal des administrateurs de la Gironde, ils voulaient constater que c'était les députés de la Gironde que les Marseillais désignaient sous le nom de royalistes et voulaient égorger. Les républicains ont eu beaucoup de peine à obtenir la lecture de ces lettres. On a lu d'abord des circulaires où respirait le plus pur patriotisme.

La lecture de ces pièces donnait à la Convention l'air d'une séance de Jacobins. La tournure que prenait cette affaire ne plaisait pas à ceux qui l'avaient suscitée, ils cherchaient à l'interrompre par divers incidens, et ils proposaient, entre autres choses, de mettre en état d'arrestation les auteurs de ces lettres. Je me suis opposé vigoureusement à cette motion; nous demandions le renvoi au comité de salut public. Nous avons obtenu avec beaucoup de peine l'impression de toutes les lettres qui appuyaient cette prétendue conspiration; mais il est probable qu'il n'arrivera aux départemens que le faux qui inculpe les patriotes.

La nation ne connaît que les blasphèmes contre la liberté. Jamais la voix de l'innocence et du patriotisme ne se fait entendre dans les départemens. Certes il est impossible que la cause de la liberté triomphe tant que les départemens seront inondés de journaux perfides.

La société doit déjouer ce nouveau complot qui est lié à celui de Dumourier, à celui de Cobourg, à celui de tous les ennemis de la République. Je rends hommage au patriotisme de celui qui vous a proposé d'envoyer une adresse pour empêcher de brus

quer la confection de la Constitution; mais cette adresse serait impolitique, on la lierait au système de calomnie auquel les patriotes sont en butte; on dirait que nous protestons contre les décrets de la Convention; qne nous ne voulons point de Constitution. Je demande que vous rapportiez cet arrêté, et que vous arrêtiez une adresse qui dévoile en général les trames de nos ennemis, et qui éclaire les départemens. Nous ne saurions trop être en garde contre les piéges qu'on nous tend, et mesurer les termes que nous employons. A quoi bon se servir de ces expressions: purger la Convention de tous les traîtres? Cela fait qu'on nous peint comme des hommes qui veulent dissoudre la Convention et détruire les appelans et les modérés. Ces phrases donnent un ascendant terrible à nos ennemis. Je vous exhorte à bien peser les termes, et avec des mesures de prudence vous sauverez la Répu blique.

[ocr errors]

Terrasson. En applaudissant aux propositions sages du préopinant, je ferai quelques observations relativement au département de la Gironde. Quoiqu'il puisse m'en coûter d'inculper un département qui m'a vu naître, je ne dois consulter que l'amour de la patrie. Je crois que le département a commis la prévarication la plus grande, la plus liberticide. Il faut s'élever contre ces sortes d'infractions avec l'énergie qu'inspire l'amour de la liberté. Que deviendrons-nous si une autorité constituée se donne le droit d'intercepter la correspondance sous le prétexte d'un soupçon vague, lorsqu'un courrier ne portait aucun caractère de suspicion, lorsqu'un courrier s'annonçait pour appartenir à une société qui a bien mérité de la patrie; de quel droit a-t-on pu se permettre de l'arrêter et de saisir ses paquets? Je demande donc que nous dénoncions le procédé du département de la Gironde comme attentoire à la liberté. ›

TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.

· Audience du 18.

Jeanne-Catherine Cler, agée de 55 ans, née à Valenciennes, cuisinière chez le citoyen Doailler, à Paris, rue des Poulies, no 5,

convaincue d'avoir, dans plusieurs cafés, et même au corps-degarde de Saint-Firmin, et à différentes époques, tenu des propos tendant à provoquer le massacre et la dissolution de la Convention nationale, la destruction de la République et le rétablissement de la royauté en France; le tout avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires, a été condamnée à la peine de mort; et ce en conformité de la loi du 4 décembre dernier, et ses biens acquis à la République.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Mazuyer. Dans ce moment-ci, on prépare le supplice d'une femme (1) qui a tenu des propos anti-civiques. Cette femme n'était pas à elle-même lorsqu'elle tenait ce langage. On dit qu'elle était dans le vin. Je demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.

Isnard. Le tribunal extraordinaire s'est conformé à la loi; mais la loi n'est pas assez précise; elle est trop générale. Sans doute, un citoyen qui tiendra des propos contre révolutionnaires avec dessein et connaissance, devra être puni; mais il n'est pas dans votre intention qu'une femme qui ne connaît pas les matières politiques..... (On murmure.) Je ne parle pas de cette femme; car, lorsqu'une loi est portée, je veux qu'elle soit exécutée; mais c'est de l'imperfection de la loi dont je me plains..... (On murmure.) C'est la loi qui a besoin d'être réformée. Nous sommes tous d'accord que celui qui, malicieusement et à dessein, prononcerait des propos tendant au royalisme, soit puni de mort; mais une femme qui ne connaît point les matières politiques.....

Robespierre jeune. Nous avons porté une loi contre le royalisme celui qui parle contre la loi est un royaliste.

:

(4) Il s'agit de Jeanne Catherine Cler.

(Note des auteurs.)

« PrécédentContinuer »