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tion politique qu'un député d'un département a été réputé pour représentant de toute la République; car dans le fait il n'avait obtenu que la confiance de son département. Lorsque les assemblées primaires seront convoquées, faites lire dans chaque assemblée primaire la liste des membres de la Convention; obligez le président des assemblées primaires de lire les noms un à un, et à chaque nom prononcé le président demandera : Le représentant dont je viens de prononcer le nom a-t-il, oui ou non, votre confiance? Il en résultera que chaque section, chaque assemblée primaire, émettra son vœu; que vous connaîtrez parfaitement le résultat du vœu national, du vou, non pas d'un département, mais de toute la République ; que vous verrez quels sont les membres qui ont la majorité des assemblées primaires pour eux ; et alors, quand il sera constaté que la majorité des assemblées primaires veut conserver tel ou tel membre, alors il faudra bien que les membres qui n'ont pas la confiance de la majorité, la confiance de la nation, obéissent à la volonté générale.

Alors il faudra bien que des pétitionnaires, qui viennent ici lever un front audacieux, qui viennent s'ériger ici en dictateurs de la nation, qui viennent apporter des listes de proscription, qui viennent vouer à l'opprobre les hommes qui ne leur plaisent pas; il faudra bien, parlassent-ils au nom d'un département, an nom de deux, au nom de dix ; il faudra bien, dis-je, qu'ils courbent leur tête audacieuse sous la volonté nationale, qu'ils obeissent ou qu'ils déclarent à la nation qu'ils veulent être rebelles et régner seuls! Alors la nation choisira; alors à notre tour nous en appellerons à la France! Nous n'exciterons pas des mouvemens partiels autour de vous; nous ne vous environnerons pas d'hommes qui vous couvrent sans cesse de huées et de murmures scandaleux; mais nous dirons à la France entière: Environnez vos représentans; vous avez dit qu'ils avaient votre confiance; empêchez qu'on ne les insulte; sévissez contre ceux qui les outragent; maintenez leur liberté; et, après avoir secoué le joug d'un tyran, ne subissez pas celui de quelques intrigans qui dominent une ville!...

Citoyens, qu'on ne m'allègue point ici le danger de convoquer les assemblées primaires dans un moment orageux; qu'on ne vienne point me dire que quelques départemens sont dans ce moment-ci livrés aux horreurs de la guerre civile !

Je répondrai d'abord que le danger qui résulte des circonstances présentes n'est pas aussi grand que celui qui résulterait d'une réunion illégale d'assemblées primaires dans un département et non dans un autre; cette confusion amènerait nécessairement la guerre civile qu'on redoute. Je répondrai d'ailleurs qu'au mois de septembre, à l'époque où la Convention nationale fut convoquée, il y avait aussi des départemens non-seulement livrés aux horreurs de la guerre civile, mais occupés par les armées étrangères, et cependant la réunion de tous les membres eut lieu; il y avait aussi dans ce temps-là un mouvement contrerévolutionnaire dans le département de l'Ardèche et dans quelques départemens voisins; cependant la Convention nationale fut réunie au jour que vous aviez indiqué.

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Un spectacle bien éclatant, donué aux tyrans coalisés contre nous, sera celui de la nation entière délibérant en face de l'ennemi qui la presse et des rebelles qui l'agitent dans son sein, confirmant ou rappelant ceux de ses représentans qui auront conscrvé ou perdu sa confiance! Ce sera la preuve d'un grand courage; et vous montreriez une faiblesse indigne de vous, indigne de votre mission, si vous n'osiez convoquer les assemblées primaires parce qu'une poignée de rebelles veut troubler l'ordre public dans quelques départemens, ou parce que des tyrans se présentent à nos frontières et menacent d'envahir notre territoire! Voulez-vous les intimider, voulez-vous leur faire connaître que vous ne craignez ni les rebel'es, ni les tyrans? Eh bien, au sein de ces agitations soyez calmes, au lieu de vous déchirer entre vous; laissez à la République le soin de vous juger, de prononcer le plus ou moins de confiance qu'elle a dans ses mandataires, et soyez assurés que lorsque les tyrans cherchent à vous faire peur, s'il était possible que vous fussiez effrayés d'une telle coalition, soyez assurés que ces tyrans trembleront plus en

T. XXVI.

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voyant la nation dél bérant paisiblement au sein des troubles qu'ils ne trembleraient s'ils vous voyaient vous-mêmes vous dé fier de vos forces et n'oser convoquer la nation! Ils croiraient peut-être ou draient du moins que vous n'osez convoquer les assemblees primaires, parce que vous craignez qu'on ne vote la constitution que ces tyrans viennent vous offrir. Eh bien, ap. prenez leur qu'ils ne connaissent point la nation française! Apprenez-leur que ce ne sont point quelques factieux, comme ils se plaisent à le dire, qui ont aboli la royauté, mais que c'est la nation entière, et qu'elle veut la répull que ! Apprenez-leur que, dans quelque position que vous vous trouviez, vous n'avez jamais rien à craindre ni d'eux, ni de ceux qui dans leur fureur cherchent à grossir leur ligue impie!

Je crois donc, citoyens, que les objections qu'on pourrait faire deviennent entièrement nulles, et je m'adresse maintenant à ceux qui s'opposent à cette convocation. Avez-vous, leur demanderai-je, la confiance de la nation, oui ou non? Croyezvous qu'elle repose sur vos têtes ou sur les nôtres ? Si vous croyez qu'elle repose sur vos têtes, pourquoi craignez-vous le jugement national? Si vous ne le croyez point, pourquoi êtesvous assez lâches pour calomnier ceux qui l'ont, non contens de rester à un poste qu'il ne vous est plus permis d'occuper? Je vous ramènerai toujours à ce dilemme: ou vous avez la confiance nationale, ou nous l'avons. Si vous l'avez, on vous rendra justice, et c'est vous que la nation rappellera; si nous l'avons, la nation nous rendra justice, et vous obéirez; alors il n'y aura plus de vociferations scandaleuses, d'injures et de proscriptions. Pourquoi ne voulez-vous pas, comme nous, vous soumettre au vœu national, au jugement non de quelques hommes, mais de de tous les citoyens? Dans quelque hypothèse que vous vous placiez, vous devez le subir, et si vous craignez la mesure, c'est parce que vous redoutez le jugement de la nation. ( Une voix à gauche Ce n'est pas vrai!) Eh bien, si ce n'est pas vrai, et j'aime à le croire, il faut que je sois expulsé, ainsi que tous les autres proscrits, et certes j'y consens ! Je consens à être chassé

du temple des lois si la nation me trouve indigne du poste qu'elie m'a confié; je 'consens à ne sortir du temple des lois que pour aller à l'échafaud si j'ai trompé l'attente du peuple, si j'ai trahi ses intérêts, si j'ai agi contre son bouheur! Mais aussi je veux, si j'ai la confiance de la nation, que quelques scelerais ne puissent point me la ravir ; je veux que, si je n'ai point commis de crime, on ne fasse pas pleuvoir sur ma tête et les traits empoisonnés de la calomnie, et les fureurs de quelques hommes égarés auxquels on veut inspirer la soif de mon sang; je veux que vous le subissiez tous, comme moi, le jugement de la nation entière!

Je finis par une réflexion; elle frappera tous les bons esprits. Il ne s'agit point ici des individus, mais de la République ; car si l'on fait expulser aujourd'hui vingt-deux membres par une intrigue, rien n'empêchera que demain une nouvelle intrigue n'en expulse cent, et que l'existence de la Convent on ne se trouve à la merci des manoeuvres des intrigans : d'ailleurs la Convention ne peut faire le bien que par la confiance, et le seul moyen de l'en investir c'est de consulter la nation. It faut bien qu'elle nous juge, puisque nous n'avons pas su nous-mêmes faire cesser nos divisions!

Encore un seul mot, et j'ai dit. Je sais pourquoi mon nom se trouve dans la liste des proscrits: il n'y eût pas été il y a quinze jours. J'ai parlé d'un homme; c'est assez : j'ai été dénoncé. J'ai témoigné de la méfiance contre un homme (contre Danton) sur le compte duquel on ne voulait pas permettre même le soupçon: dès lors il a bien fallu me proscrire, puisque j'avais eu la témérité de m'élever contre l'idole du jour! La voilà la raison pour laquelle mon nom se trouve dans la liste! car je défie ceux qui me denoncent de citer une seule de mes opinions, une seule action de ma vie qui puisse prouver que j'aie trabi un instant la cause du peuple, que j'aie cessé un instant d'aimer la liberté de mon pays!

Lasource rédige ses propositions en un projet de décret portant en substance que les assemblées primaires se réuniront le 5 mai, qu'elles seront consultées sur cette question, appliquée

à chaque membre de la Convention, tel député a-t-il perdu votre confiance, oui ou non, et que les membres de la Convention qui auront contre eux le vœu de la majorité des assemblées primaires seront exclus de droit.

- Phelippeaux combat cette proposition qu'il qualifie de dan. gereuse; puis il rappelle ses collègues aux devoirs de leur mission, censure également les deux côtés de l'assemblée, présente un tableau des maux que leurs divisions causent à la République, et signale comme seuls responsables de ces maux les hommes qui sans cesse s'emparent de la tribune pour y parler d'eux-mêmes ou de leurs adversaires :

Il est temps, dit-il, d'ouvrir les yeux, et de briser le talisman fatal qui nous rend dupes les uns et les autres d'une idolâtrie pernicieuse ! Je n'ai vu moi, et je ne suis pas le seul, qu'un combat d'amour-propre et d'ambition entre ces dix ou douze athlètes qui se donnent si souvent en spectacle pour savoir en dernière analyse qui d'entre eux seront les modérateurs suprêmes de la République! Si dès l'origine nous eussions pu leur imposer silence, ils eussent peut-être fait tourner au profit de la chose publique les passions fougueuses qui les dévorent, et qui, par notre complaisance à les partager, ont pris un autre caractère. Lorsqu'au comité de défense générale j'entendis mettre en thèse que si Brissol, Gensonné et trois ou quatre autres pouvaient se réconcilier avec Robespierre la patrie serait sauvée, je m'écriai avec indignation: il n'existe donc déjà plus de République ! car si le schisme qui divise ce petit nombre d'individus peut la détruire, ces hommes-là seront nos maîtres s'ils peuvent jamais s'entendre!....

Je ne sais si ceux qui nous rassasient à chaque minute de déclamations atrabilaires sont de bonne foi dans leur emportement; mais à coup sûr, s'ils étaient républicains, ils eussent fait à la patrie le sacrifice de ces déplorables dissensions, qui la tuent! On a parlé dans cette assemblée d'ostracisme: nous n'avons pas encore cette loi des peuples libres; mais les individus dont je parle, s'ils étaient généreux, se la seraient imposée à eux-mêmes,

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