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2. Le président du tribunal criminel du département des Bouches-du-Rhône, ou les juges par lui délégués, interrogeront les individus de la famille des Bourbons détenus à Marseille sur tous les faits relatifs à la conspiration ourdie contre la liberté française, et il sera envoyé au comité de salut public une expédition de ces interrogatoires.

5. Lesdits individus de la famille des Bourbons ne pourront communiquer entre eux qu'après avoir été interrogés, et lorsque la Convention aura statué sur le rapport qui lui sera fait par les commissaires qui ont été nommés pour se transporter dans le département de l'Orne.

Le séquestre des biens de d'Orléans est décrété. La discussion s'ouvre à cinq heures du soir, sur la pétition des sections de Paris.

[Lasource. Citoyens, c'est un sentiment de reconnaissance que vos membres dénoncés doivent à leurs dénonciateurs; c'est ce sentiment que je leur vote pour la modération dont ils usent. Je les remercie d'avoir préféré la voix de la calomnie au son du tocsin; je les remercie d'avoir changé la conjuration du 10 mars, ourdie contre notre existence, en un système de diffamation contre notre honneur. Mais ce tribut de reconnaissance que je leur paie serait bien mieux mérité, si tout le monde ne savait qu'on n'a eu recours à des libelles que quand on n'a pas pu exciter des séditions. Quoi qu'il en soit, l'adresse dont je viens appuyer les conclusions a quelque chose qui doit néanmoins étonner.

D'abord, contre qui fait-on cette adresse? On vous a dit que c'était contre les hommes d'état. Eh bien! sommes-nous des hommes d'état, nous qu'on a dénoncés? Huit d'entre nous n'ont-ils pas voté la mort du tyran? Ne l'ai-je pas yotée moi-même à deux cent cinquante lieues? Ne suis-je pas venų ratifier mon vœu à cette tribune? Les lâches qui me dénoncent en eussent-ils fait autant si chargés d'une mission par la Convention nationale, ils avaient pu rester cachés au fond d'un département et s'empêcher de prononcer?

Contre qui porte cette adresse, et comment la vote-t-on? D'abord il n'y a aucun fait articulé; il y a quelques suspicions pré

sentées, particularisées contre quatre membres seulement. Estce sur des suspicions contre quatre membres qu'on doit venir demander l'expulsion de vingt-deux? On se contente au bas de l'adresse de donner une liste des premiers hommes qui leur ont tombé sous la main, et de dire: Nous demandons que ceux-là soient expulsés; nous demandons.... Ici, citoyens, je me rappelle un ambitieux qui opprima Rome : il faisait lui-même les senatusconsultes, et les souscrivait du nom des premiers sénateurs qui lui venaient dans l'esprit.

J'ignore ce qui fait mouvoir les pétitionnaires; mais n'y est-il pas peut-être le scélérat ambitieux qui, craignant des hommes dont l'énergie est connue, voue leurs têtes à sa vengeance, et forme despotiquement de leurs noms une liste de proscription? Par qui est provoquée cette pétition?.... Ici j'avoue, citoyens, que mon ame se partage entre la douleur et la confusion; ce sont nos propres collègues qui l'ont provoquée, et Robespierre a été l'un des rédacteurs nommés par la Société des Jacobins. (Robespierre Ce n'est pas vrai.) Si ce n'est pas vrai, ce sont donc les journaux même de la société qui mentent.

:

Après vous avoir exposé ce que je trouvais d'étonnant dans cette adresse, surtout en ce que les membres même de la Convention... (Bruit.) (N.... Je demande à le prouver, président.) Ils provoquent l'infamie et le déshonneur de leurs collègues. Mais ce n'est pas cela seulement qu'ils veulent ils ne cherchent à les déshonorer que pour les conduire plus sûrement à la mort. Quoi! ils n'ont point provoqué cette adresse? Mais n'avons-nous pas vu que les membres de la Convention qui siègent là (il désigne l'extrémité gauche) ont applaudi cette adresse, ont manifesté leur adhésion, ont témoigné leur enthousiasme de ce qu'on venait déshonorer et proscrire ceux qu'ils redoutent, quoi qu'ils en disent? (Bruit.) (Delville. Souvenez-vous que vous êtes des hommes d'état.)

Une voix. Nous avons si peu applaudi à l'adresse, que nous l'avons regardée comme un piége que nous tendent les appelans.

Lasource. Comment! vous l'envisagez comme un piége! (In

terruption.) C'est encore un effort de logique bien extraordinaire que celui qui porte quelques-uns de nos collègues à dire : C'est un piége tendu peut-être par les appelans.

Comment! vous avez cru que c'était un piége! Où étiez-vous donc quand on la proposait? N'étiez-vous pas aux Jacobins? Avez-vous parlé, vous êtes-vous élevés contre cette adresse? Vous y êtes-vous opposés hier pendant que vous faisiez avec les tribunes un chorus d'applaudissemens?

Citoyens, j'ai dit ce que je trouvais d'étonnant dans la pétition. Ce qui m'étonne plus encore, c'est qu'on paraît vouloir demander que l'assemblée décrète l'improbation; car hier un membre de la Montagne vint me dire qu'il fallait improuver l'adresse, et qu'il était dangereux d'y donner des suites. L'improbation ! mais vous qui faites constamment retentir et la tribune de la Convention nationale, et celle des Jacobins, de la souveraineté du peuple et du droit sacré de pétition, vous voulez improuver l'adresse! (Une voix. Non! — On rit. )

Je réclame, moi aussi, le droit de pétition, et je le réclame auprès de ceux mêmes qui voudraient l'improbation; car de deux choses l'une ou les pétionnaires ont parlé dans votre sens, et les hommes qu'ils ont dénoncés sont coupables; ou bien ils n'ont point parlé dans votre sens, et les hommes dénoncés ne sont point coupables. Si les hommes qu'ils ont dénoncés ne sont point coupables, et que les pétitionnaires aient parlé dans votre sens, pourquoi voulez-vous improuver l'adresse? Si, au contraire, les hommes qui sont dénoncés ne sont point coupables, pourquoi voulez-vous les empêcher de se justifier, non pas par une improbation qui n'empêcherait pas la propagation de la calomnie, mais par un jugement national, seule mesure que vous puissiez prendre, seul moyen par lequel vous pouvez en imposer aux calomniateurs et à ceux qui les font mouvoir? Car ici je n'entrerai point dans la discussion de savoir quels sont les hommes qui servent le mieux la patrie, ou de ceux qui ont été dénoncés, ou de ceux qui ont provoqué la dénonciation. Une improbation est une mesure illusoire et chimérique. Une improbation n'empê

chera pas que les membres dénoncés ne restent sous le poids d'une inculpation calomnieuse; l'improbation n'empêcherait pas qu'un comité de correspondance, patriotiquement officieux, ne fît circuler cette inculpation dans les sociétés populaires; l'improbation n'empêcherait pas que divers comités de correspondance, qui par des embranchemens particuliers aboutissent au comité des Jacobins, ne fissent parvenir beaucoup de prétendues adhésions; en sorte qu'il paraîtrait, sans que la nation eût été consultée, que son vœu serait de proscrire vingt-deux de vos membres.

Il n'est qu'un moyen de connaître quels sont les hommes que la nation estimé, quels sont ceux qu'elle veut conserver, quels sont ceux qu'elle ne veut pås. Ce ne sont point des adresses de sociétés populaires qu'il faut pour cela, ce ne sont point des adresses de corps administratifs : c'est un voeu national; et ce vou, je le répète avec Fonfrède, qui vous l'a dit hier soir, ce vœu national ne peut être émis que par des assemblées primaires. Si vous ne prenez cette mesure, si vous la craigneż, vous exposerez la République à des déchiremens inévitables. Qui vous a dit que mon département ne viendra pas dénoncer ceux qui m'ont dénoncé moi-même ? Qui vous a dit que mon département, au lieu de venir demander l'expulsion des vingt-deux membres désignés, ne demandera pas vingt-deux membres qui siégent là (désignant ceux de l'extrémité du côté gauche)? Et alors qu'auriez-vous à leur dire? à qui donneriez-vous la préférence? quel est le vœu que vous rempliriez, ou de celui qui vous dénoncerait, ou de celui qui dénoncerait ceux de nos collègues qui peuvent avoir influé dans la dénonciation faite contre nous? Il semble que la Convention se trouverait dans une position bien difficile. Il y a plus: supposons qu'un département vînt vous dire : Si vous ne renvoyez pas tel et tel membre, nous nous insurgerons aussi, nous résisterons à l'oppression, car nous croyons que ces membres trahissent la chose publique et perdent la patrie. Ne serait-ce pas là le fédéralisme, la guerre civile et la dissolution de la République? Que vous reste t-il donc à faire? Il faut empêcher que les départemens ne manifestent leurs vœux isolé

ment dans un sens qui se choque, qui se contrarie, qui nous offre une confusion, un désordre inextricable, au milieu duquel il serait impossible d'apercevoir le vœu national; mais ce n'est point, comme on l'a entendu d'abord, une convocation d'assemblées primaires pour une nouvelle élection que je veux proposer, car ce moyen n'obvierait à rien.

Le département de Paris dénonce vingt-deux membres; s'ensuit-il que parce que le département de Paris les dénonce ils aient perdu la confiance publique? Non; tout ce qui en résulte, c'est que ces vingt-deux membres ont perdu la confiance du département de Paris. (Interrompu.) Et parce que quelques hommes qui se disent les représentans des quarante-huit sections de Paris, parce que des ignorans qu'on égare, ou quelques furieux qu'on déchaîne, viennent vous dire ici qu ils parlent au nom de Paris, s'ensuit-il que la majorité de Paris à proscrit aussi ces vingtdeux membres? Non ; il s'ensuit que les hommes sur lesquels les intrigaus ont de l'influence sont venus emprunter le nom de Paris.... (Murmures. Quelques membres : Oui, oui!) Ces murmures sont une preuve de ce que je dis. Si les pétitionnaires ont parlé au nom de Paris, ne murmurez point; laissez faire Paris, il parlera bien lui-même; pourquoi êtes-vous inquiets d'avance? Vous soupçonnez donc que ce n'est pas la ville de Paris qui a parlé, mais quelques intrigans qui ont emprunté son nom. (Murmures.)

Si vous décrétiez l'élection d'une nouvelle Convention nationale, vous n'obvieriez point au mal actuel. En effet, si les votans de chaque département réélisaient les membres inculpés, la calomaie planerait encore sur les têtes de ces membres réélus. Vous avez été élus chez vous, leur dirait-on, par vos amis, par vos intrigues; cela prouve tout au plus que vous avez chez vous de la confiance ou des agens; mais cela ne prouve pas du tout que vous ayez la confiance de la majorité de la nation. C'est donc à ce mal qu'il faut porter remède.

La mesure que je vous propose y obvie pleinement et établit les vrais principes. Jusqu'à présent, c'est par une espèce de fiè·

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