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extraits des placards, discours et journaux brissotins, et une redite de ce que les Roland, les Buzot, les Guadet, les Louvet, avaient répété jusqu'au dégoût? Y avait-il rien de plus inconséquent et de plus scandaleux que de mettre à prix la tête de Dumourier, et dans le même temps de nommer pour président Lasource, qui avait dit la même chose avec bien plus de pathos?

Pitt n'a-t-il pas avoué dans la chambre des communes (comme je l'ai montré dans mon discours sur l'appel au peuple) ses relations avec ce qu'il appelait les honnêtes gens de la Convention, c'est-à-dire les brissotins et le côté droit? et quand Pitt ne l'aurait pas avoué, est-ce que dans Brissot, Vergniaud et Guadet, tous défenseurs officieux de la glacière d'Avignon, cette affectation de faire tous les jours de nouvelles tragédies des événemens du 2 septembre (1), est-ce que cette contradiction si grossière,

en un point en face de l'ennemi, sous sa direction suprême; car je le crois incapable d'être lieutenant de qui que ce soit : j'entends parler de capitulation proposée par lui: là je crois saisir mon homme, je crois voir le point où aboutissent les six derniers mois de sa vie, de ses pensées, de ses actions; tout à coup il m'échappe : on annonce que la capitulation est un jeu, qu'il s'est moqué du duc de Brunswick, qu'ayant gagné du temps et fait arriver des vivres, il défie ceux aux pieds desquels il avait l'air de ramper, et tout à coup l'heureux rival de Mouk, le profond auteur du plan le plus savamment combiné, le plus longuement amené, se transforme en un insensé; car comment, avec de l'esprit, peutil vouloir servir un ordre de choses qui n'est bon ni pour la France ni pour lui pendant six mois? La reconnaissance des républiques.... ah! le bon billet qu'il aurait là ! J'avais imaginé qu'il avait attiré dans le piége l'armée et les enfans du duc d'Orléans pour en faire à leur tour les otages du roi, et qu'occupé comme nous de la solution du problème qui fatigue toutes les têtes, de la solution de cet imbroglio, il n'en avait pas trouvé de plus sûr et de plus expéditif. Cependant les dernières nouvelles ont détruit tous ces calculs : Dumourier a rompu la capitulation; et, toujours retranché dans les gorges du Clermontois, aux islettes, il s'y prépare à une défense qui n'aura pas lieu, car les plans du roi de Prusse sont changés, etc., etc. » (Note de Desmoulins.)

(1) N'est-ce pas un fait que J.-P. Brissot, ce Jérémie du 2 septembre, a dit, le 3 septembre, au conseil exécutif, en présence de Danton: Ils ont oublié Morande! Ce Morande, qui avait presque mérité de la nation ses lettres de grace de tant de libelles, pour avoir dit tant de vérités de Brissot. Chabot m'a assuré que le 2 septembre Brissot s'était également souvenu de Morande au comité de surveillance. Ce chagrin de Brissot de voir Morande sauvé prouve bien que ce tartufe d'humanité a l'ame des Tibère, des Médicis et de Charles IX, et que le cadavre de son ennemi sentait bon pour lui. (Note de Desmoulins.)

surtout dans Gorsas, qui s'était écrié le 3 septembre dans son journal: Qu'ils périssent! est-ce que ces redites éternelles pour diffamer notre révolution et la rendre hideuse aux yeux des peuples; est-ce que la conformité du langage du côté droit et du ministère anglais sur le procès de Louis XVI, et l'opiniâtreté perfide de demander à cor et à cris l'appel au peuple, lorsque les brissotins étaient instruits, depuis le mois de septembre, de la conspiration de la Roérie, quand ils savaient que l'embrasement de la Vendée n'attendait qu'une étincelle, et les paysans de l'Ouest une convocation pour prendre la cocarde blanche dans les assemblées primaires; est-ce que la constante opposition des deux comités diplomatique et de défense générale à toutes les réunions à la France, et l'insolence des propos de Roland pour aliéner les habitans de Carrouge, et le sommeil de Lebrun au milieu des agitations si favorables de l'Irlande et de la Pologne ; cette apoplexie dont le ministère des affaires étrangères a paru frappé, au lieu d'opérer une si facile diversion, en soutenant les patriotes de Dantzick, de Cracovie et de Belfast; et l'impolitique des deux comités d'ordonner l'ouverture de l'Escaut, sans entrer en même temps en Hollande; et leur précipitation à déclarer la guerre à l'Angleterre, à la Hollande, à l'Espagne et à toute l'Europe; et leur négligence à relever notre marine, protéger nos corsaires et à prendre de sages mesures qu'on leur suggérait (1), et leur tendresse pour Dumourier, la protection éclatante dont ils couvraient ses attentats, et leur acharnement

(1) Par exemple, je connais un citoyen qui, au mois de septembre, écrivait au ministre Monge : « C'est par la disette de subsistances qui nous menace, à cause de la consommation des armées et des pertes de la guerre, que la France sera troublée dans six mois ; je vous offre, pendant que les mers sont libres, de vous approvisionner immensément en bœufs d'Irlande, etc. » Monge sait bien que celui qui lui faisait ces offres était en état plus que personne de les tenir; mais il s'est bien donné de garde de les accepter. Après cet échantillon de sa conduite ministérielle, il y a beaucoup de bonhomie aux Jacobins de ne taxer Monge que d'ineptie !

Comment ne serions-nous pas affamés? Comment nous viendrait-il des grains d'Amérique? Qui est-ce qui y est consul général de France ? C'est le beau-frère de Brissot. Et qui est-ce qui l'a nommé ? Cela se demande-t-il? c'est le ministre Lebrun, le prête-nom de Brissot aux affaires étrangères. (Note de Desmoulins. )

contre Pache, contre Marat, qui rompaient en visière à Dumourier et croisaient ses projets ambitieux; et le versement de tous nos magasins et de tant de trésors dans la Belgique; les approvisionnemens immenses à Liége et dans des lieux sans défense, exprès pour que Dumourier livrât nos ressources à l'ennemi; enfin cette opposition simulée du côté droit à la nomination de Beurnonville, pour qu'il acquît de la confiance, étant nommé par la Montagne; puis, quand il se fut démasqué, en faisant cesser les travaux des manufactures d'armes, quand ils l'eurent reconnu bon compagnon et frère en contre-révolution, en le voyant s'entourer d'escrocs et de royalistes, la réélection de ce ministre par les brissotins; ne sont-ce pas là des faits, et peut-on ésirer des preuves plus fortes de l'existence du comité angloprussien dans la Convention?

Pétion demande des faits:

N'est-ce pas un fait relevé si à-propos par Phelippeaux, que le trésorier du roi de Prusse, en lui rendant compte des dépenses de l'année dernière, emploie un article de six millions d'écus pour corruptions en France?

N'est-ce pas un fait que ce que Chabot a reproché publiquement à Guadet, quand il disait : « Je ne sais; mais j'ai entendu le lendemain Guadet demander le congé pour le ministre Narbonne, et faire la même motion dont on m'avait offert, la ville, vingt-deux mille francs? Cependant Guadet assure qu'il mange le pain des pauvres; et Roland, dans son ministère, affectait de porter des habits râpés et ses plus méchans pourpoints. Cela me rappelle cette pauvreté d'Octave, qui, pour détourner l'envie de Jupiter, disent les historiens, affectait de tomber dans l'indigence, et parut tous les ans sous l'habit de mendiant.

N'est-ce pas un fait que Pétion, pendant sa mairie, recevait des ministres des affaires étrangères trente mille francs par mois; que Dumourier, qui se disait le plus fidèle serviteur du roi, ne les lui donnait pas sans doute pour jeter les fondemens de la République? Mille francs par jour! je ne m'étonne plus que Pétion eût tant de complaisance pour notre côté droit au conseil19

T. XXVI.

général de la Commune; je ne m'étonne plus qu'il se soit si fort opposé à l'impression du discours que j'y prononçai quinze jours avant le 10 août; je ne m'étonne plus qu'il se soit logé au pavillon de Vaudreuil, qu'il n'ait pas quitté un seul jour depuis ce temps l'habit noir, comme en état de représentation permanente et comme un grand pensionnaire.

N'est-ce donc pas un fait que c'est à ses côtés qu'ont toujours combattu ces royalistes bien prononcés, et Rouzet et le réviseur Rabaut, lassé de sa portion de royauté, et qui voulait remettre sa quote-part à Louis Capet; et ce Biroteau, qui appelait des croassemens de grenouilles de marais l'opinion de ces républicains qui condamnaient Louis XVI, par cela seul qu'il fut roi ; et ce Salles, qui avait eu la bassesse d'imprimer qu'il se poignarderait le jour que la France serait sans roi? Combien il faut que le côté droit ait pris la nation française pour un peuple de quinze-vingts et de badauds, puisqu'il n'a pas désespéré de nous faire croire que c'était Salles qui était républicain et Marat royaliste!

N'est-ce donc pas un fait qui, dès le mois de septembre, sautait aux yeux des tribunes, qu'une grande partie de la Convention était royaliste? Le décret de l'abolition de la royauté ne prouvait rien. C'était un arrêt de mort rendu contre un malfaiteur six semaines après qu'il avait été exécuté. La plupart de nos constituans et de nos législatifs dissimulaient mal leur dépit que les républicains de la Convention eussent culbuté leur ouvrage. Leur royalisme perçait dans les imprécations contre Paris. Lasource, un des moins corrompus, et qui opinait avec le côté gauche en dînant avec le côté droit, mais dont on avait mis la bile en mouvement contre Robespierre, s'écriait dès le 14 septembre à la tribune: Je crains ces hommes vils, cette crasse de l'humanité vomis, non par Paris, mais par quelque Brunswick. Tout était perdu, tant que les départemens ne verraient pas dans Paris; selon Lasource, l'ancienne Rome, qui rendait les provinces tributaires; selon Buzot, la tête de Méduse. On ne pouvait pas, s'écriait encore Buzot, faire la constitution dans une ville souillée de crimes. Mais c'est sur leurs bancs qu'il fallait les entendre, et

que leur jaserie décelait leurs dispositions bien mieux encore que leurs harangues à la tribune. C'étaient les mêmes fureurs que dans Bouillé contre Paris quand il jurait de n'y pas laisser pierre sur pierre. Dans ces premiers jours, où ils ne se connaissaient pas bien entre eux, on n'osait s'avouer qu'on était royaliste; mais pour prendre langue, on se déchaînait contre Paris, et les mots agitateurs, désorganisateurs, étaient comme les termes d'argot auxquels tous les aristocrates se reconnaissaient, se prenaient la main, s'invitaient à dîner chez Roland ou chez Vénua. Dernièrement encore, étant à la tribune, j'entendais un de ces aristocrates affecter de dire à mes oreilles: Mon cher Ducos, ce qui me console, c'est que j'espère t'acheter une hotte, avec laquelle tu auras le plaisir de semer du sel sur Paris. Pour ne point transposer les temps et revenir aux premiers jours de la Convention, tous nos royalistes n'osant point dire: Guerre à ces scélérats de républicains; ils disaient: guerre à ces scélérats de désorganisateurs, qui avaient désorganisé une si belle machine que la constitution révisée par Rabaut.

S'ils avaient été de bonne foi, si c'eût été une taie qu'ils avaient sur les yeux, et non pas les deux mains qu'ils y mettaient sans cesse pour s'empêcher de voir; ne seraient-ils pas revenus de leur erreur dès les premiers jours, quand, indigné de leurs calomnies, un orateur qui, comme le Nil, n'a rien de meilleur que ses débordemens et sa colère, Danton concluait un discours énergique en proposant et faisant décréter à l'unanimité que toutes les propriétés territoriales et industrielles seraient inviolablement maintenues; quand le 24 septembre, pour guérir la fièvre de Lasource et sa frayeur d'un dictateur, Danton proposait et faisait décréter, à l'unanimité, la peine de mort contre quiconque parlerait de triumvirat, de tribunat, de dictature? Certes, c'était bien là des démonstrations que nous n'étions ni des ambitieux ni des partisans de la loi agraire. Cette argumentation était aussi pressante que celle de Marat, l'autre jour, lorsqu'accusé par Salles de vivre dans une intimité étrange avec d'Orléans, il leur répondit: Ah! vous dites que je suis l'intime de Philippe, et

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