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› On entend la lecture, par Desfieux, d'une lettre de Duprat, dans laquelle celui-ci dénonce publiquement, et avec la courageuse franchise d'un Spartiate, la conduite de son frère, député à la Convention nationale. - La société en arrête l'impression et la mention honorable à son procès-verbal.

› La section de la Fraternité exprime les regrets dont elle a été pénétrée à la mort de Lajouski. Elle invite les Jacobins à nommer une députation pour accompagner le convoi à Issy, plaine de Grenelle. Le président lui donne connaissance de l'arrêté pris.

› Tandis que Robespierre prononçait un discours funèbre à ce sujet, on entend crouler une des nouvelles tribunes, non encore bien consolidées, et entraîner avec elle tous les citoyens qui avaient eu l'imprudence de s'y placer en trop grand nombre. Cet accident n'a pas eu des suites aussi fâcheuses qu'on l'avait craint d'abord. Trois personnes ont été légèrement blessées, et le premier objet de la sollicitude des Jacobins a été de leur procurer tous les secours possibles.

› Robespierre reprend son discours, et fait déplorer la perte que la République vient de faire dans Lajouski. Il lui est facile de communiquer le sentiment de douleur qu'il éprouve luimême.

› Un artiste offre de graver à ses frais, sur du marbre, une inscription convenable à la pompe funèbre. Le buste de Lajouski sera placé à côté de celui de Brutus, au-dessus du fauteuil du président. — On nomme des commissaires pour aller reconnaître par l'examen du corps la cause de cette mort. Hébert fait observer que le Panthéon ne renferme encore la cendre d'aucun sans-culotte, et il propose de demander à la Convention nationale que celle de Mirabeau en soit chassée par celle de Lajouski.

› David voudrait que son cœur fût placé sous la tribune de la société; mais la députation de la section de la Fraternité, où Lajouski était domicilié, réclame l'honneur de le conserver au milieu d'elle. Cette lutte de voeux est intéressante. On prendra des

arrangemens de sorte que chacun pourra payer son tribut de reconnaissance aux månes de Lajouski.» (Le Républicain, journal des hommes libres, n. CLXXVI.)

PRESSE. Le Patriote français, n. MCCCLI, fait les réflexions suivantes sur l'affaire de Marat :

Le crime absous et couronné, l'audacieux infracteur des lois reporté en triomphe au milieu du sanctuaire des lois; ce sanctuaire respectable souillé par le rassemblement impur d'hommes ivres et de femmes de mauvaise vie, digne cortège du triomphateur Marat; voilà les événemens de ce jour, jour de deuil pour tous les hommes vertueux, pour tous les amis de la liberté!

› Marat avait consenti à se laisser juger aujourd'hui. Dès hier. il avait invité tous ses amis à se rendre au tribunal; ils s'y sont rendus. Il a paru lui-même moins en accusé qu'en juge. Sa seule arrivée a été applaudie; que devait-ce être de sa justification? Qu'était-ce cependant que sa justification? Marat a prétendu qu'il ne pouvait être inquiété pour son journal, parce qu'il n'y écrivait que ce qu'il énonçait à la tribune de la Convention, et il invoquait la loi de l'inviolabilité des députés, loi qu'il avait tant de fois méprisée. Il a prétendu que le décret d'accusation était nul, parce qu'il n'avait été rendu qu'à la majorité de deux cent dix voix contre quatre-vingt-treize; parce qu'il avait été rendu dans le tumulte des passions et par la faction des hommes d'état.

Les débats de cette affaire ont été peu intéressans; ils ont été nuls ou insignifians de la part des jurés et des juges; ils ont été insolemment stupides de la part de l'accusé. - L'audience a duré moins de sept heures, et plus des deux tiers de ce temps ont été consommés par un incident qui n'avait aucun rapport avec l'acte d'accusation, qui ne pouvait servir ni à la charge, ni à la décharge de Marat. (Ici Gyrey-Dupré reproduit l'histoire de l'anglais Johnson.)

Après cette épisode, dont Marat s'est beaucoup amusé, on ne s'est pas donné la peine de discuter sérieusement l'acte d'ac

cusation; on était pressé de finir; on a fini par acquitter Marat. Alors grandes acclamations', vifs applaudissemens, couronnement civique de Marat; deux officiers municipaux en écharpe l'empoignent et le promènent dans les rues; il est suivi d'une bande nombreuse d'adorateurs qui le proclament le père du peuple; on le mène à la Convention. Danton empêche Lasource de lever la séance. La bande entre dans la salle, et s'y installe à la place d'un grand nombre de députés qui s'étaient retirés. Marat est porté à la tribune, et prononce une harangue mi-modeste, mi-triomphale. Danton dit que tout cela est un beau jour; et chacun s'en va. › '

Voici maintenant comment Marat fixe le jour et les circonstances de son entrée en prison:

Après avoir sollicité à plusieurs reprises la présentation de l'acte d'accusation, il fut enfin expédié au ministre de la justice le 22 de ce mois, à neuf heures du soir, et par lui à l'accusateur public du tribunal révolutionnaire, qui me le fit signaler le lendemain.

› Le soir même je me constituai prisonnier. J'étais accompagné de plusieurs de mes collègues à la Convention, d'un colonel national, d'un capitaine de frégate, etc., qui ne m'avaient pas quitté. A peine étais-je entré dans la prison, que plusieurs officiers municipaux et administrateurs s'y présentèrent pour veiller à ma sûreté. Ils passèrent la nuit avec moi, dans une chambre qu'ils avaient fait préparer. Un bon lit y avait été porté; un souper qu'ils avaient fait préparer au dehors y fut servi; ils avaient poussé leurs soins conservateurs jusqu'à accompagner les plats, et faire apporter des carafes d'eau bien cachetées.

› Dès la veille, plusieurs sections de Paris, entre autres celle des Quatre-Nations, et la section des Quinze-Vingts, avaient nommé chacune quatre commissaires pour m'accompagner au tribunal et veiller à ma sûreté.

» Toutes les sociétés patriotiques avaient pris les mêmes mesures ; une multitude de bons patriotes remplissaient déjà la salle

du tribunal. Dès le matin toutes les salles du palais, les corri dors, les cours, et les rues adjacentes, furent remplis d'une foule immense de sans-culottes, prêts à venger les outrages qui pourraient être faits à leur fidèle défenseur. Je rapporte avec attendrissement ces circonstances, pour faire sentir à quel point les jours de l'ami du peuple sont chers à tous les bons citoyens, à tous les amis de la liberté. C'est la meilleure réponse que je puisse faire à mes lâches calomniateurs. - Marat parle ensuite d'un incident soulevé par le comité de législation, et qui était de nature à prolonger sa captivité jusqu'à ce que les jurés actuels, tous patriotes reconnus, fussent remplacés par d'autres. Il s'agissait de faire réimprimer les numéros de Marat où l'on avait puisé la matière de l'accusation. L'accusateur public leva cet obtacle, et instruisit sur-le-champ. (Le Publiciste de la république française, n. CLXXIX.)

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Dans les numéros CLXXX et CLXXXI, Marat raconte les débats du procès, son acquittement et son triomphe. Ce récit n'offre aucun détail qui ne soit déjà mentionné dans l'audience du tribunal révolutionnaire et dans la séance de la Convention. Nous en transcrirons seulement le passage où il peint le trajet du tribunal à la Convention.

A peine le tribunal m'eut-il acquitté honorablement (c'est l'être sans doute bien complétement; car la sentence porte d'une manière implicite que l'acte d'accusation n'est pas fondé ; et les décisions du jury le déclarent calomnieux et perfide), que la salle retentit des plus vifs applaudissemens, répétés tour à tour dans les salles voisines, dans les vestibules et les cours du palais, toutes remplies de véritables patriotes. Deux des plus chauds s'élancèrent vers le parquet pour me porter sur leurs épaules; je me refusai net à leurs instances; mais il fallut me retirer au fond de la salle, et céder à celles d'une multitude empressée à m'embrasser. Plusieurs couronnes civiques furent posées sur ma tête. Les officiers municipaux, les gardes nationaux, les canonniers, les gendarmes, les hussards qui m'entouraient, craignant que je fusse étouffé dans la presse, formèrent une haie, et me

recurent au milieu d'eux. Ils firent halte au haut du grand escalier, pour que les citoyens pussent mieux me voir. Au-dehors de ces cours, depuis le Palais jusqu'à la Convention, les rues et les ponts étaient couverts d'une foule innombrable de peuple qui criait à l'envi, et sans relâche: vive la République, la liberté et Marat! des spectateurs sans nombre aux croisées répétaient les applaudissemens; les plus aristocrates étaient forcés de suivre cet exemple; plus de deux cent mille ames bordaient les rues depuis le Palais jusqu'à la Convention; sur les ponts et les marches des églises, ils formaient des amphithéâtres, où hommes, femmes et enfans étaient entassés.

› Le cortége qui m'accompagnait était immense, et tel que celui qui formait la procession de Château-Vieux. Il y avait plus de cent mille ames, c'est-à-dire presque tous les sans-culottes de Paris, que Gorsas le folliculaire traite d'une horde de brigands.

› Je ne terminerai pas cet article sans observer que, pendant mon jugement et pendant mon triomphe, la foule immense qui remplissait le Palais-de-Justice, les rues de Paris, la salle de la Convention et son enceinte, n'a pas commis le plus leger désordre; il ne s'est pas perdu un mouchoir ni donné une chiquenaude. Le voilà cependant ce bon peuple, si long-temps calomnié par les libellistes aux gages de Roland, et par les hommes d'état! ce bon peuple que les Dulaure, les Gorsas, les Girey-Dupré, les Brissot, les Condorcet, ne cessent de représenter comme une horde de brigands, pour le punir de voir clair et de demander la punition des traîtres et des machinateurs. bliciste de la République française, n. CLXXXI.)

(Le Pu

Là se termineront nos extraits relativement au procès de Marat. Nous n'avons pas jugé nécessaire d'insérer l'acte d'accusation; cette pièce est une simple énumération des numéros du journal Le Publiciste de la République française où se trouvaient des passages sur lesquels les Girondins fondaient leurs griefs contre le rédacteur. Comme nous avons toujours choisi dans Marat ce qu'il y avait de plus révolutionnaire, nos analyses

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