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de la Convention, parce qu'il y aura une expédition à faire. * Pendant la nuit, les assassins résolurent de briser toutes les presses des journalistes ; ils avaient ouï raconter que le farouche vainqueur d'Alexandrie avait dit, en parlant de la bibliothèque qu'il livra aux flammes : Ou elle ne contient que ce qu'il y a dans l'Alcoran, on elle contient autre chose : au premier cas, elle est inutile; au second, elle est dangereuse. Ils ont dit aussi : ou ces journaux ne contiennent que des provocations au meurtre et au pillage, ou ils contiennent autre chose. Au premier cas, ils sont inutiles; nous n'avons pas besoin de leurs leçons. Au second, ils sont dangereux; car ils pourraient contrarier nos projets. Vous savez le reste. Si les presses du Moniteur, de Prudhomme et de quelques autres journalistes ont été respectées, c'est parce que les ouvriers imprimeurs se sont mis dans un état de défense respectable.

Le 10, dans la matinée, une consigne a été donnée par des étrangers aux sentinelles même qui veillent autour de vous. Ón leur a ordonné d'écarter les femmes, de ne laisser entrer que les hommes qui avaient une expédition à faire, celle dont il avait été parlé la veille aux Jacobins. Et ce qu'il y a d'étrange, la consigne fut exécutée : pas une femme ne parut à vos tribunes. On vous dénonça le pillage des presses. Gamon vous dénonça, avec des preuves écrites, le fait de la consigne. Sur la première dénonciation, yous ordonnâtes simplement que le maire de Paris rendrait compte des faits. Sur la seconde, vous passâtes à l'ordre du jour. J'oserai vous le dire, citoyens, votre faiblesse ou votre insouciance ont failli vous perdre.

Le club des Cordeliers prend un arrêté que l'on dit ainsi conçu: • Le département de Paris, partie intégrante du souverain, est invité à s'emparer de l'exercice de la souveraineté; le corps électoral de Paris est autorisé à renouveler les membres traîtres à la cause du peuple ; il sera envoyé des députés au comité d'insur

rection. >>

La section des Quatre-Nations fait porter dans les autres sections une adresse ainsi conçue :

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Voulez-vous être libres? Voulez-vous sauver la patrie? écoutez-nous. Nul doute que l'invasion de la Belgique ne soit l'œuvre de la faction impie qui paralyse la Convention nationale, et déchire le sein de la République. On reconnaît le complaisant des rois, le héros du camp de la Lune, le traître Dumourier, , aux succès de nos ennemis. Les défenseurs de la patrie se lèvent, mais ils jettent au-dedans leurs premiers regards sur les chefs de conspiration; au moment où il faut agir, ils ne s'arrêteront point à vous peindre les menées odieuses des Roland, des Brissot, des Gensonné, des Guadet, des Pétion, des. Barbaroux, des Louvet, etc. Aux yeux de tous les Français libres, ces traîtres sont plus que démasqués, car ils ont la conviction intime de leurs trahisons; ils pensent que la nouvelle proposition faite ces joursci par des patriotes, d'établir un nouveau tribunal révolution. naire, et celle de la destitution des ministres, sont des palliatifs insuffisans, de fausses mesures, puisqu'elles n'attaquent qu'indirectement les assassins de l'intérieur, qui trouvent un point de ralliement au sein même de la Convention. Ils demandent, comme mesure suprême et seule efficace, que le département de Paris, partie intégrante du souverain, exerce en ce moment la souve raineté qui lui appartient. Qu'à cet effet, toutes les sections et cantons soient convoqués, pour autoriser l'assemblée électorale du département de Paris à révoquer et rappeler les mandataires infidèles, etc., etc. >

Dans la section Poissonnière, on donne à des hommes qui vont combattre pour la liberté un drapeau rouge et blanc, orné de cravates blanches, ayant sur la lance deux fleurs-de-lis et deux L croisées, c'est-à-dire un drapeau de Coblentz, un drapeau de la servitude, un drapeau du royalisme, un drapeau de la contrerévolution. On abuse de la trop inadvertante candeur des jeunes recrues auxquelles on fait ce perfide présent, et le signe à jamais flétri des despotes a pu se déployer un instant dans le temple même d'où est partie la foudre qui a terrassé le despotisme.

Le 10, dans la soirée, des hommes armés se réunissent du côté des Champs-Élysées, des groupes nombreux sont formés sur la

terrasse des Feuillans, et les agens de Pitt s'y disséminent pour les embraser.

On se porte aux Jacobins. Là, un contre-révolutionnaire propose de se diviser en deux bandes, dont l'une se portera sur la Convention, l'autre sur les membres du conseil exécutif. On préfère d'aller d'abord aux Cordeliers où est le rendez-vous général. On y arrête de faire fermer les barrières, sonner le tocsin, et de se mettre en marche pour l'exécution du complot. Qui a pu en arrêter le succès?

1o La surveillance du conseil exécutif, qui, enveloppé dans la proscription, pressait de toute son influence la Commune.

Beurnonville a erré une grande partie de la nuit dans les rues, pour suivre de l'oeil et de son sabre les manoeuvres des conjurés.

2o La surveillance de la Commune qui a empêché de fermer les barrières, de sonner le tocsin, et que vous avez justement décrété avoir bien mérité de la patrie.

5° L'assurance donnée aux conjurés, par quelques espions, que plusieurs membres dont ils désiraient le plus de boire le sang, n'étaient pas présens à la séance de la nuit.

: 4° L'assurance qui leur fut encore donnée que le bataillon des fédérés de Brest, sur le départ duquel vous avez eu une discussion si chaleureuse, était sur pied, prêt à marcher au secours de la Convention, au premier monvement qu'on ferait pour l'attaquer.

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5o La crainte de l'indignation manifestée par presque toutes les sections lorsqu'on avait eu l'audace de leur faire des insinuations sur le crime qu'on voulait commettre. Et il m'est bien doux de vous apprendre que, dans ce célèbre faubourg Saint-Antoine, où l'on idolâtre la liberté et maudit l'anarchie, où l'on veut sincèrement et avec énergie la République, où l'on exècre toute espèce de tyrannie, dans ce faubourg qui a tant mérité de la reconnaissance des vrais amis de la patrie, et qui aura les justes ommages de la postérité, des citoyens ont formé une garde pour votre président. (On applaudit.)

Citoyens, telle est la profondeur de l'abîme qu'on avait creusé sous vos pas. Je vous ai montré tout ce que je connaissais des dangers que vous avez courus; non pour exciter des alarmes, ils sont passés: toute terreur serait maintenant presque aussi ridicule que votre sécurité a pensé vous devenir funeste. Mais j'ai cru que leur reconnaissance était importante pour vous diriger dans la conduite que vous tiendrez à l'avenir. Le bandeau est-il enfin tombé? Aurez-vous appris à reconnaître les usurpateurs du titre d'amis du peuple?

Et toi, peuple infortuné, seras-tu plus long-temps la dupe des hypocrites qui aiment mieux obtenir tes applaudissemens que les mériter, et surprendre ta faveur, en flattant tes passions, que te rendre un seul service? Méconnaîtras-tu toujours le courage du citoyen qui, dans un état libre, ne pouvant tenir sa gloire que de toi, ose cependant te contrarier lorsqu'on l'égare, et brave jusqu'à ta colère pour assurer ton bonheur? (On applaudit.)

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Les royalistes ont cherché à t'opprimer avec le mot de constitution; les anarchistes t'ont trompé par l'abus qu'ils ont fait du mot souveraineté. Peu s'en est fallu qu'ils n'aient bouleversé la République en faisant croire à chaque section que la souveraineté résidait dans son sein. Aujourd'hui, les contre-révolutionnaires te trompent sous les noms d'égalité et de liberté.

Un tyran de l'antiquité avait un lit de fer sur lequel il faisait étendre ses victimes, mutilant celles qui étaient plus grandes que le lit, disloquant douloureusement celles qui l'étaient moins pour leur faire atteindre le niveau. Ce tyran aimait l'égalité : et voilà celle des scélérats qui, te déchirent par leurs fureurs. L'égalité pour l'homme social n'est que celle des droits. Elle n'est pas plus celle des fortunes que celle des tailles, celle des forces, de l'esprit, de l'activité, de l'industrie et du travail.

On te la présente souvent sous l'emblème de deux tigres qui se déchirent. Vois-la sous l'emblème plus consolant de deux frères qui s'embrassent. Celle qu'on veut te faire adopter, fille de la haine et de la jalousie, est toujours armée de poignards. La

vraie égalité, fille de la nature, au lieu de les diviser, unit les hommes par les liens d'une fraternité universelle. C'est elle qui seule peut faire ton bonheur et celui du monde. Ta liberté ! des monstres l'étouffent et offrent à ton culte égaré la licence. La licence, comme tous les faux dieux, a ses druides qui veulent la nourrir de victimes humaines. Puissent ces prêtres cruels subir le sort de leurs prédécesseurs! puisse l'infamie sceller à jamais la pierre déshonorée qui couvrira leurs cendres!

Et vous, mes collègues, le moment est venu: il faut choisir enfin entre une énergie qui vous sauve et la faiblesse qui perd tous les gouvernemens, entre les lois et l'anarchie, entre la République et la tyrannie. Si, ôtant au crime la popularité qu'il a usurpée sur la vertu, vous déployez contre lui une grande vigueur, tout est sauvé. Si vous mollissez, jouets de toutes les factions, victimes de tous les conspirateurs, vous serez bientôt esclaves. Nous avons failli être vaincus sans combattre par ce ministre pervers qui n'eût été que ridicule par ses forfanteries envers la France, s'il n'eût réussi par ses manoeuvres à diviser deux grandes nations faites pour s'estimer, et dont la bienveillance réciproque eût maintenu la tranquillité de l'Europe. Nous avons failli succomber sous les intrigues de Pitt, de ces orateurs célèbres par leurs fougues virulentes, des Burke, des Windham, des Scheffield, qui nous ont représentés comme des cannibales, parce que nous n'avons pas voulu nous laisser dévorer par des cannibales privilégiés, je veux dire par des rois; qui, sur une terre plus d'une fois rougie de ce sang qu'ils appellent royal, se sont apitoyés avec tant de bassesse sur le sort d'un tyran dont eux-mêmes ont prouvé la perfidie et voté la mort par leurs préparatifs hostiles et par leurs menac、 s.

Citoyens, profitons des leçons de l'expérience; nous pouvons bouleverser les empires par des victoires, mais nous ne ferons des révolutions chez les peuples que par le spectacle de notre bonheur. Nous voulons renverser les trônes, prouvons que nous savons être heureux avec une république... ( Murmives. ) Êtesvous fàchés que je ne me permette pas de personnalités?... Si

T. XXV.

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JorM

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