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tage, par ses acclamations, l'enthousiasme patriotique des volontaires et les applaudissemens des spectateurs.)

Cambacérès demande que le président de la section soit arrêté sur-le-champ. — Sergent demande la question préalable.

Isnard. Citoyens, ce qui vient de se passer est un coup de lumière qui doit nous éclairer sur les manoeuvres qu'emploient les ennemis de la République. L'aristocratie, qui, nouveau Protée, revêt toutes sortes de formes, a bien senti qu'il ne suffisait pas de faire attaquer la liberté par les ennemis du dehors, mais qu'il fallait mettre à profit toutes les vertus qui embrasent les représentans du peuple, prendre le masque du patriotisme, et nous amener à une désorganisation totale. Depuis plus d'un mois, je vois ce système suivre avec une combinaison profonde sa marche perfide. Je savais bien que le feu du patriotisme brûlait dans le cœur de mes collègues, mais je craignais qu'i's ne servissent, sans le vouloir, ces manœuvres criminelles. Je l'ai dit à cette tribune, je fus accueilli avec défaveur : la vérité éblouit quelquefois les hommes. Lorsque je disais à l'assemblée législative que la constitution ancienne était mauvaise, qu'il fallait la déchirer, on me fit descendre de la tribune; mais tel est le bonheur de la France, que les complots formés contre elle tournent toujours à la honte de leurs auteurs. On fomente, depuis quelques jours, un mouvement qu'on a cherché à imprimer à la généralité des citoyens. Combien d'hommes pervers se sont répandus dans les sections, dans les sociétés populaires, dans les groupes! Ici, ils disaient qu'il fallait sonner le tocsin; là, fermer les barrières; ailleurs, tirer le canon d'alarme; dans d'autres endroits, on insistait pour que Dumourier fût amené pieds et poings liés. Je rends justice au patriotisme des Jacobins ; mais, il faut l'avouer, c'est dans leur sein que cette motion épouvantable a été faite par un homme masqué, par un aristocrate sans doute. Dumourier amené pieds et poings liés! Sans doute un général victorieux, sans doute un général qui a sauvé la République dans les plaines de Champagne, un général qui a fait pâlir les puissances du Nord, méritait bien que ces despotes dépensassent quelque argent pour faire amener

pieds et poings liés, pour faire assassiner celui qui leur a été et qui doit leur être si funeste. (On applaudit.)

Citoyens, et vous, peuple, que l'expérience de ce jour vous serve pour l'avenir. N'oubliez jamais qu'un peuple qui comme nous est en révolution s'égare aisément dans les sentiers périlleux qui mènent à la liberté! Songez que ceux qui se disent ses plus ardens amis souvent ne le sont pas, et que ceux-là le sont sincèrement, qui savent préférer même le danger aux applaudissemens, qu'il est si aisé d'obtenir; et vous, ô mes collègues, si vous voulez que ce jour soit celui du salut de la patrie, celui de la mort des tyrans, que ce jour vous éclaire; que ce jour, en vous rendant méfians sur toutes les imanoeuvres de l'aristocratie, soit celui où, abjurant toutes vos haines..... (La plus grande partie de l'assemblée, et quelques membres de l'extrémité gauche se lèvent en répétant par acclamation: Oui, oui!) soit celui où, abjurant toutes vos haines, excepté celle du crime, vous confondrez vos passions dans une seule qui doit nons embraser tous, l'amour de la patrie. (On applaudit.) Voilà, citoyens, le vrai moyen de sauver la République, de la sauver de tous ses ennemis, de la délivrer de tous ses dangers. Il faut encore que nos discussions soient moins tumultueuses; car, et permettez-moi de le dire, si vous ne semez que du bruit, vous ne recueillerez que des tempêtes. Je me résume en demandant que ces deux citoyens soient mis en état d'arrestation pour être jugés par le tribunal révolutionnaire, et que les représentans du peuple s'unissent d'esprit et de sentiment pour travailler à la sûreté et au bonheur de la République.

-Isnard descend de la tribune au milieu des applaudissemens. La Convention ordonne l'impression de son discours.

Maral. J'ai à vous dévoiler des complots horribles. Quelles qu'aient été les liaisons politiques de Dumourier, quelles qu'aient été ses relations avec la cour, je le crois lié au salut public depuis le 10 août, et particulièrement depuis que la tête du tyran est tombée sous le glaive de la loi. Il y est lié par le succès de ses armes, et c'est moi qui paraît à cette tribune pour combattre la

motion insensée ou m'élever contre la proposition profondément perfide du décret d'accusation contre ce général. Si cette proposition était adoptée, ce serait ouvrir aux ennemis les portes de la République.

Vous tenez ici le fil d'un complot général pour perdre la patrie, complot dont ces perfides citoyens sont les meneurs, et qui a été ourdi dans la section Poissonnière, contre laquelle je me suis élevé tant de fois. Les citoyens qui sont à la barre doivent, non-seulement être mis en état d'arrestation, mais il faut les forcer à déclarer leurs complices, car ils en ont.

Une voix. Toi. (De violens murmures se font entendre de toutes les parties de la salle.)

Julien. Je demande que le membre qui s'est permis cette personnalité soit censuré, et que son nom soit inscrit au procès-verbal.

Marat. C'est une injure à laquelle je n'oppose que le mépris. Je prie l'assemblée d'oublier toutes ces querelles particulières. L'assemblée consultée, le membre est rappelé à l'ordre, et son nom sera inscrit au procès-verbal.

Marat. Le complot général de perdre la liberté publique, dont le pétitionnaire que vous venez d'entendre n'est qu'un fil, a été ourdi dans cette même section. Il a commencé à éclater par la pétition sur les grains. Ce complot s'est successivement porté sur différens objets. Les troubles alarmans qui ont eu lieu à Paris en sont la preuve. Il y a quelques jours que des suppôts de l'ancienne police, aux ordres sans doute des agens ministériels et des députés contre-révolutionnaires, excitaient le peuple à l'assassinat.

Je demande que le pétitionnaire lise l'article de sa pétition où l'on demande les têtes de Gensonné, Vergniaud et de Guadet, crime atroce, qui tend à la dissolution de la Convention et à la perte de la patrie. (Applaudissemens unanimes.) Moi-même, je me suis élevé dans les groupes contre ces assassins, je me suis transporté à la société populaire des Cordeliers; j'y ai prêché la paix, et j'ai confondu ces orateurs soudoyés par l'aristocratie,

Je dénonce un nommé Fournier, qui s'est trouvé à toutes les émeutes populaires ; le même qui, à l'affaire du Champ-de-Mars, a porté le pistolet sur la poitrine de La Fayette, et qui est resté impuni, tandis que des patriotes étaient massacrés.

Billaud - Varennes. Cet homme se promenait dans Paris tandis que des patriotes gémissaient dans les prisons.

Un membre. Il présidait aux massacı es du 2 septembre.

Marat. C'est ce scélérat qui est à la tête de cette sédition. Je demande contre lui le décret d'accusation; il nous donnera le fil de cette trame, dont je somme la Convention de livrer les auteurs au tribunal révolutionnaire. Je demande aussi que les citoyens qui ont accompagné les prévenus soient admis aux honneurs de la séance.

Bourdon (de l'Oise). Il y a deux jours que ce même Fournier a dit à trois ou quatre scélérats : «Si vous aviez voulu me suivre, j'aurais donné un coup de pistolet à Pétion. (Un mouvement d'horreur et d'indignation s'élève dans toute l'assemblée. )

Barrère. Citoyens, c'est donc ainsi que la patrie déjoue les complots qui sont dirigés contre elle. Vous voyez depuis trois jours se dérouler devant vous cette trame ourdie depuis long-temps pour changer la forme du gouvernement. Je ne viens pas aujourd'hui réunir comme dans un faisceau tous les points de ces complots; l'imprudence des meneurs avancera le moment où l'on pourra réunir tous les fils de cette intrigue perfide. Ce n'est point quelques têtes de la Convention que l'on veut faire tomber, ce n'est point la vie de quelques hommes que l'on veut, c'est la vie du peuple.

On sait aussi que ce sont toutes les cours de l'Europe, les aristocrates de l'intérieur et les ennemis de la République et de l'égalité, qui fomentent ces troubles. Je range aussi dans cette classe les prêtres qui s'en vont dans les campagnes fanatisant le peuple. J'ai déjà vu une infinité de complots déjoués; celui-là le sera aussi. L'aristocratie commence la campagne de 1793, comme elle a commencé celle de 1792. Suivez le fil en 1792; elle tourmenta l'armée en lui inspirant de la défiance pour ses chefs; elle

agit de même aujourd'hui. En 1792, elle lui inspira des terreurs paniques, et aujourd'hui les dénonciations se multiplient pour produire les mêmes effets. Elle vient ensuite à Paris pour examiner le résultat de ses manoeuvres, et elle sème le désordre en exagérant les malheurs. Je viens au fait qui concerne les pétitionnaires qui sont à votre barre. J'apprends que l'un d'eux est juge de paix eh bien! je le regarde, moi, comme un agent de l'aristocratie. Un juge de paix !... celui que la société charge des fonctions les plus augustes; celui dont le ministère est de porter le calme et d'apaiser les haines, a pu se charger de provoquer injustement la vengeance du peuple contre un citoyen. Je demande qu'il soit destitué de cette fonction, qu'il est indigne de remplir. Je ne suis pas d'avis du décret d'accusation ; je demande simplement qu'ils soient mis en état d'arrestation. Lorsque vous aurez entendu la lecture des registres des délibérations de la section Poissonnière, cette section qui porta jadis le nom de Menus Plaisirs, comme pour marquer ce qu'il y avait de plus corrompu, je ne dis pas parmi le peuple, qui ne connut jamais que des plaisirs innocens, mais à la cour des rois, reçut vos commissaires avec les principes qu'on y avait répandus depuis quatre jours. Et si, comme on vous l'a dénoncé, elle a délibéré de mettre en état d'arrestation deux cents membres de la Convention nationale, vous prendrez alors telle mesure que votre sagesse vous dictera. Je demande que le discours que l'orateur a dans les mains soit déposé sur le burean; c'est avec cela que vous motiverez le décret d'accusation. Il y a une autre mesure à prendre en même temps que vous frappez deux citoyens, il faut inviter la section dont ils sont membres de dire franchement l'opinion qu'elle a sur ces deux individus.

Je demande ensuite qu'on ne passe pas légèrement sur un acte de patriotisme du conseil-général de la Commune de Paris. Dans la nuit du 9 au 10, tout était arrangé pour dominer Paris et la Convention par la terreur; on devait sonner le tocsiu, tirer le canon d'alarme, et faire feriner les barrières. Les aristocrates seraient venus ici, couverts des haillons de la misère,

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