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lans s'insinuent dans les groupes avec un bouton distinctif sur le quel on remarque un A et un V. ›

Un gendarme. Nous sommes quarante à la réserve. Nous avons fait des patrouilles dans les environs de la Convention; tout est tranquille.

Un membre. Il y avait ici depuis long-temps une députation nombreuse; j'ai vu au bureau certains particulièrs....... (1). Ils se sont retirés en murmurant, et en traitant de scélérats plusieurs membres de la Commune, et notamment Hébert. Ils ont vu que nous n'acquiescerions pas à leur demande.

Santerre paraît à neuf heures et un quart, et dit : « Je n'ai que deux cents hommes ; je vais faire partir des patrouilles de demi-heure en demi-heure. Depuis plusieurs jours se trouvent réunis des agitateurs qui ne veulent pas que la République s'affermisse. Tous ceux qui veulent interrompre l'exécution de la loi ne sont pas républicains. Nous étions surpris que le crime restât impuni... On emprisonne, et on lâche les prisonniers... Ce soir j'ai entendu dire que l'insurrection était nécessaire. Des hommes en place, la plupart ineptes, se croient capables de tout régir. Paris n'est pas le peuple entier de la France. Il n'y a que des hommes perfides qui veulent une insurrection. Je ne dirai ni bien ni mal de Beurnonville: un ministre change ses agens parce qu'il est responsable... Renonçons à nos intérêts particuliers, et prenons tous les moyens pour empêcher une insurrection, qui désorganiserait tout.

Sur l'avis que les mouvemens deviennent plus graves par la nouvelle des cruautés que les Prussiens ont exercées dans la ville de Liége, le conseil-général arrête la lettre suivante aux quarante-huit sections. Réal en donne lecture.

• Citoyens, ouvrez les yeux, de grands dangers nous environnent. Des citoyens égarés demandent que les barrières soient fermées, que le tocsin sonne; ils veulent une nouvelle insurrection. Rapprochez quelques événemens, et vous serez à portée

(1) Il s'agit ici de Fournier, Varlet et Champion. Voir plus bas le rapport de Garat à la séance du 19. (Note des auteurs.)

de juger les scélérats qui égarent les citoyens, qui conseillent ces mouvemens. Rappelez-vous que c'est au moment même où les colonnes ennemies attaquaient nos cantonnemens que l'on excitait à Paris les désordres dont nous avons gémi; réfléchissez que c'est au moment où, après avoir pillé Liége, des armées de barbares marchent sur Givet, veulent encore inonder la France, que l'on parle de faire une insurrection, qui arrêterait à l'instant le recrutement, une insurrection dont le véritable effet est aujourd'hui d'anéantir le seul centre d'autorité qui puisse sauver la chose publique. Citoyens, pour vaincre au-dehors il faut que la tranquillité règne au-dedans. Des malveillans veulent la troubler; déjouez les complots, restez sous les armes ; que la force impose à ceux qui se refuseraient à la raison. Le conseil-général vient de se déclarer en permanence, faites de même; correspondez avec lui, et que la plus grande surveillance contienne les ennemis qui sont au milieu de nous. »

Plusieurs sections annoncent qu'elles se sont déclarées en état de permanence, et demandent d'être informées de l'état de Paris.

Le président leur répond que tout annonce que le calme renaît, et que les mesures prises par le conseil ont eu leur effet.

La section de la Cité annonce au conseil qu'elle s'est déclarée en état d'insurrection permanente.

Le conseil-général ayant paru étonné de cette expression, insurrection, les membres de la députation ont été invités à s'expliquer à ce sujet, et ils ont répondu que, par insurrection permanente, la section entendait dire permanence armée.

Le conseil, satisfait de cette interprétation, invite néanmoins la section de la Cité à supprimer ce mot, comme susceptible d'une interprétation précisément opposée à celle qu'elle lui donne.

« Le conseil-général, considérant que les émigrés qui ont intention de sortir de la République pourraient se servir de la voie de l'enrôlement pour effectuer leurs intentions perfides; considérant en outre qu'il serait dangereux d'admettre dans les bataillons des citoyens affligés de diverses maladies;

Arrête que les sections seront invitées, 1° à n'enrôler aucun

citoyen, que préalablement il n'ait été visité par un chirurgien nommé par la section; 2° à s'informer exactement des nom, surnoms, âge et profession de l'enrôlé, du lieu et du temps de son domicile; 3o enfin, à étendre ces mesures aux enrôlemens qui se font sur les amphithéâtres. >

Le conseil-général arrête qu'il sera envoyé à toutes les sociétés populaires une invitation conçue en ces termes :

⚫ Citoyens, le conseil-général de la Commune a vu avec douleur que l'on cherchait encore à exciter des troubles à Paris ; ces troubles ne tendent qu'à retarder le recrutement de nos armées, et à empêcher nos soldats d'aller repousser nos ennemis. Citoyens, aidez-nous à étouffer le mal qui nous menace. Songez qu'un jour de retard est un malheur public, que nous avons nos frères d'armes à venger, et qu'en arrêtant nos concitoyens dans l'intérieur, nous abandonnons nos armées qui les attendent comme des sauveurs. ›

La séance a été suspendue à 3 heures et demie du matin, ce 11 mars.

CONVENTION NATIONALE. SÉANCE DU 11 MARS.

Au commencement de cette séance, le président reçut une lettre de Beurnonville, annonçant sa démission. Danton monta à la tribune, et dans un long discours il fit l'éloge du ministre et demanda qu'on pût à l'avenir choisir les membres du conseil exécutif dans le sein de la Convention. Cette motion improvisée par Danton fut combattue par Laréveillère-Lépeaux, et rejetée. Le Patriote français, n. MCCCVIII, y trouve la preuve que la Montagne voulait s'emparer du pouvoir, et il donne la liste des candidats qui devaient se le partager. Selon ce journal, Danton aurait eu le ministère des affaires étrangères; Dubois-Crancé celui de la guerre; Jean-Bon Saint-André celui de la marine; Thuriot ou Cambacérès celui de la justice; Fabre-d'Églantine celui de l'intérieur; Collot-d'Herbois celui des contributions, Nous avons dù relever cette assertion, quoiqu'il soit bien évident que Danton ne fit pas une démarche concertée. Il affirme lui-mêma qu'il 5

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énonçait une opinion personnelle, et qu'il ne faisait pas une motion positive. Robespierre fut le seul membre du côté gauche qui en appuya la mise en discussion. Ce fut cette proposition qui fut écartée, et non pas la motion elle-même, car elle ne fut pas formellement présentée. Au reste, les Girondins commençaient à se rassurer. Le même journal dit sous la rubrique du lundi 11 mars: « Cette nuit a été assez tranquille, grace à la pluie qui a dissipé les attroupemens, grace à la bonne contenance de quelques patriotes, grace surtout à la lâcheté des conspirateurs. jourd'hui, même fermentation, mais peu de groupes, à cause du mauvais temps; ni Gorsas, ni la Chronique n'ont pu encore paraître. Les autres journalistes, frappés de terreur, ne se sont point élevés à la hauteur des dangers de la patrie.

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Un secrétaire lit la rédaction du décret d'organisation du nouveau tribunal. A cette occasion, quelques changemens furent introduits dans le projet de Lindet. Nous avons cru bon d'en faire connaître les auteurs; au reste le texte rapporté par nous, pages 59-61, est le texte définitif.

[Robespierre. Il est important de bien définir ce que vous entendez par conspirateurs; autrement les meilleurs citoyens risqueraient d'être victimes d'un tribunal institué pour les protéger contre les entreprises des contre - révolutionnaires. Toujours l'activité des tribunaux aristocrates s'est tournée contre les vrais amis de la patrie; toujours ils ont trouvé dans la loi même les moyens de l'appliquer aux vrais amis de la liberté et de l'égalité. Depuis les Lameth et les La Fayette, on n'a cessé de dire : Les contre-révolutionnaires, ce sont les anarchistes, les agitateurs: et on appliquait ce mot aux vrais, aux purs patriotes. Les fayétistes, les constitutionnaires et tous leurs continuateurs ont abusé du texte de la loi pour dénoncer aux tribunaux les vrais amis de la liberté; et je n'ai pas besoin d'en citer ici des exemples. Si vous laissez la porte ouverte aux mêmes abus, le tribunal que vous venez de créer ne sera qu'un tribunal contre-révolutionnaire. Qui le fait révolutionnaire ? C'est le caractère des hommes choisis. Si la Convention nationale se trompe, elle met un

nouvel instrument entre les mains des ennemis de la patrie. Je demande qu'on spécifie ce que la Convention, ce que les amis de la liberté entendent par conspirateurs, contre-révolutionnaires. C'est ce qui est exprimé dans le projet de Lindet, susceptible de modifications et de corrections.

Thuriot. Je demande que Robespierre présente son article comme il le conçoit.

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Robespierre. Le voici : « La loi défend, sous peine de mort, tout attentat contre la sûreté générale de l'état, la liberté, l'égalité, l'unité et l'indivisibilité de la République. - Puisque vous avez déclaré révolutionnairement que quiconque provoquerait le rétablissement de la royauté sera puni de mort, je veux que le décret le mentionne. Il faut que ce tribunal punisse tous les écrits. (Il s'élève des murmures dans une partie de la salle.) Il est étrange qu'on murmure lorsque je propose de réprimer un système d'écrits publics dirigés contre la liberté, qui attaquent les principes de la souveraineté et de l'égalité, notamment ceux qui ont été soudoyés par le gouvernement lui-même pour apitoyer le peuple sur le sort du tyran, pour réveiller le fanatisme de la royauté, pour dénoncer à l'opinion ceux qui ont voté la mort du tyran, pour diriger les poignards contre les défenseurs de la liberté (Applaudissemens à plusieurs reprises.), pour allumer la guerre civile...

Albitte. Je demande que Robespierre lise sa rédaction, s'il en a une, afin que nous ne perdions pas notre temps.

Robespierre... en désignant Paris comme une ville qui devait être suspecte aux départemens; en désignant le berceau de la révolution à d'autres parties de la République comme une contrée ennemie contre laquelle elles devaient s'armer. Je veux enfin que ce tribunal punisse les administrateurs qui, au mépris des lois et de l'unité de la République, ont levé une force armée de leur propre autorité. (Une grande partie de l'assemblée applaudit.) Isnard propose la rédaction suivante :

Il sera établi à Paris un tribunal criminel extraordinaire qui connaîtra de toute entreprise contre-révolutionnaire, de tout at

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