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je le crois nécessaire pour démasquer les traîtres, et démontrer le véritable esprit d'oppression qui préside à vos délibérations. Je déclare que je sais apprécier Marat; il a commis des erreurs, des fautes de style; mais de l'autre côté sont les conspirateurs et les traîtres. (On murmure à droite.) Ce n'est pas contre lui seul qu'on veut porter le décret d'accusation; c'est contre vous, vrais républicains, c'est contre vous qui avez déplu par la chaleur de vos ames; c'est contre moi-même peut-être, malgré que je me sois constamment attaché à n'aigrir personne, à n'offenser personne. Je demande qu'à la suite du rapport soit joint un acte qui constate qu'on a refusé d'entendre un accusé qui n'a jamais été mon ami, dont je n'ai point partagé les erreurs qu'on travestit ici en crimes; mais que je regarde comme un bon citoyen, zélé défenseur de la cause du peuple, et tout-à-fait étranger aux crimes qu'on lui impute.

On demande de toutes parts à aller à l'appel nominal.

L'appel nominal est commencé.

Plusieurs membres de l'extrémité gauche l'interrompent, en demandant que chaque votant ait la faculté de motiver son vote. Après d'assez longs débats, cette proposition est écartée. On reprend l'appel nominal.

Un membre demande à expliquer un fait.

L'assemblée presque entière se lève pour imposer silence à l'interrupteur; il insiste pour parler. Tous les membres de l'extrémité gauche demandent qu'il soit entendu; le reste de l'assemblée repousse par des murmures cette demande. Les citoyens des tribunes sont dans une vive agitation; ils poussent des cris, des huées. Le président se couvre.-Le tumulte continue et s'accroît. Enfin le calme se rétablit.

Lidon. Je demande qu'il soit constaté dans le procès-verbal qu'on a fait violence à la représentation nationale, qu'on l'a empêché de délibérer. Je demande que le procès-verbal soit envoyé aux départemens par des courriers extraordinaires.

Le président. J'ai invité les tribunes à respecter la représentation nationale.....

(Plusieurs voix de l'extrémité gauche. C'est nous, c'est nous

qui avons interrompu.)

Pétion monte à la tribune.

L'assemblée continue l'appel nominal.

La plupart des membres motivent leur avis. - Deux demandent que la Convention décrète que Marat a bien mérité de la patrie, et qu'il lui soit accordé une couronne civique.—Un déclare qu'il n'est pas libre. Les tribunes retentissent alternativement d'applaudissemens et de murmures.

L'appel nominal est terminé à sept heures du matin. En voici le résultat Le nombre des votans est de trois cent soixantesept; la majorité absolue de cent quatre-vingt-quatre, deux cent vingt ont voté pour le décret d'accusation; quatre-vingt-douze contre. Sept pour l'ajournement, et quarante-huit se sont récusés ou ont déclaré ne pouvoir voter.

Le président prononce que Marat est décrété d'accusation. (Les murmures continuent et se prolongent dans les tribunes.) La séance est suspendue.]

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Chaumette donne lecture de plusieurs lettres rassurantes, l'une sur les soldats qui accompagnaient Dumourier et qui reviennent fidèles à la République, l'autre sur le patriotisme bien prononcé d'un grand nombre de sociétés populaires dans le département de la Nièvre, qui jurent de mourir plutôt que de souffrir un roi.

Il se plaint ensuite de voir dans le sein du conseil lui-même ses plus grands ennemis, et de ce que les écrivassiers et les journalistes travestissent tout ce qui se dit dans le conseil ; il dit que le temps est venu de faire un vrai journal de la municipalité, à la rédaction duquel il offre d'être lui-même un des coopérateurs.

Sur la réquisition du procureur de la commune, le conseil arrète qu'il sera établi, aux frais de la municipalité, un courrier

pour les armées du Nord, et un autre pour la ville de Lyon, laquelle sera invitée d'en établir un à ses frais pour les armées du Midi, et que deux commissaires seront adjoints au procureur de la commune pour dresser le plan de correspondance à tenir au moyen de ces courriers.

Une lettre du comité de surveillance de Rouen, du 9 avril, adressée au comité de sûreté de la commune de Paris, marque de vives inquiétudes sur le défaut d'énergie que dans les circonstances actuelles témoigne le public. Il pense qu'il est vicié par cette foule d'étrangers attirés dans la ville de Rouen par le modérantisme de l'administration précédente. Il demande des renseignemens et des conseils pour pouvoir porter le flambeau dans ce repaire de conspirateurs qui se cachent dans les ténèbres.

CLUB DES JACOBINS. Séance du 13 avril.

< On donne lecture de la correspondance dont toutes les pièces, plus énergiques les unes que les autres, ne permettent plus de douter que les dangers de la patrie n'aient donné partout au patriotisme une nouvelle existencc.

› Maure communique une lettre datée du quartier général de l'armée des Pyrénées, dans laquelle il est dit que les traîtres avaient aussi formé le projet de secouer la torche des guerres intestines dans les départemens méridionaux ; mais ils ont été prévenus par les braves et surveillans sans-culottes qui en ont arrêté et mis aux fers un bon nombre. Il est aisé de se persuader que les prêtres surtout dirigeaient ce sinistre complot; plusieurs de ces hommes-monstres ont été arrêtés. Des perquisitions qu'on a faites ensuite à Toulouse ont fait découvrir des chapelles dans des greniers, et des chapelains dans des latrines; le tout ensemble a été transporté à la municipalité.

» Il s'élève quelques doutes sur les principes du nouveau ministre Dalbarate. Comme il avait été dit que Monge l'avait indiqué pour son successeur, cet ex-ministre est invité à dire ce qu'il

en pense. Monge déclare n'avoir contribué en aucune façon à la nomination de Dalbarate. Cet aveu amène à la conclusion que les mêmes intrigues qui avaient destitué Pache avaient aussi influé sur le changement qui vient de se faire dans le département de la marine.

› La section des Gravilliers témoigne son indignation contre le décret d'accusation lancé contre Marat. Nous avons, dit-elle, › nommé six commissaires pour veiller à la sûreté de ce député, › intrépide défenseur de la liberté et digne du titre sublime de › l'Ami du peuple. › On applaudit vivement.

› Dubois de Crancé fait, à cette occasion, le rapport des discussions relatives à cet objet, qui ont eu lieu à la Convention nationale. Sur la proposition de Robespierre, la société vote l'impression de ce discours. (Le Républicain, journal des hommes libres, etc., n. CLXVI.)

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PRESSE. Nous empruntons au n. MCCCXXXVIII du Patriote français un article sur le club des jacobins, relativement à un fait où l'on voit que la probité allait bientôt devenir le mot d'ordre absolu de cette société. Nous nous étonnons que Girey-Dupré ait prêté à cette nouvelle la publicité de son journal; la tournure satirique de son récit ne pouvait empêcher le lecteur le moins attentif de faire réflexion que si les Jacobins expulsaient Chabot et Fabre d'Églantine comme malhonnêtes gens, tandis qu'ils déféraient à Marat la présidence de leur assemblée, c'était apparemment que ce dernier était un honnête homme. Voici l'article dont il s'agit: Les Jacobins ont établi un comité épuratoire qui travaille avec assiduité à séparer l'ivraie du bon grain ; mais cette fois, c'est l'ivraie qui restera au grenier. Cependant il faut avouer que le comité a exclu quelques hommes dignes de rester dans la société, tels que le prêtre Chabot et Fabre d'Églantine. On les accuse de ne pas garder assez le décorum dans leurs opérations financières. Ils ont tort; rien n'est plus propre à discréditer une société ; il ne faut pas scandaliser les faibles. - Les

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Jacobins sont assez prudens; ils font comme leurs frères les moines qui chassaient du couvent ceux qui ne savaient pas sauver les apparences. ›

Nous donnerons ici quelques-unes des réflexions de Marat sur le décret d'accusation dont il était frappé.

Dans le n. CLXX de son journal, après avoir exposé et réfuté les griefs qu'on lui reproche, il dit: Voilà donc la troisième fois que je suis frappé d'un décret d'accusation par les ennemis de la patrie, qui dominaient dans nos assemblées nationales, toujours pour la même raison et toujours avec le même acharnement.

› Je l'ai été dans la constituante par la clique des Cazalès, des Maury, des Virieux, des Rabaut, des Montlausier, des Malouet, etc., pour avoir sonné le tocsin dans ma feuille intitulée : C'en est fait de nous, sur les complots tramés par les agens de la cour, et les infidèles mandataires du peuple vendus au despote.

› Je l'ai été dans la législative par la clique des Guadet, des Vergniaud, des Brissot, des Lasource, des Gensonné, des Ducastel, des Vaublanc, des Jeaucourt, etc., pour avoir prédit les trahisons de La Fayette, de Narbonne, de Jarry, de Dillon, etc., présagé le massacre des gardes nationaux conduits à la boucherie, nos défaites honteuses devant Mons, Tournay, Courtray, et tous les événemens désastreux de la première campagne, sous prétexte que je calomniais nos généraux, et faisais perdre la confiance à nos armées; ce qui déplaisait fort aux fripons qui avaient fait déclarer la guerre.

› Je l'ai été dans la Convention par la faction royaliste des hommes d'état à la tête desquels se trouvent les Guadet, les Vergniaud, les Buzot, les Brissot, les Roland, les Lasource, les Gensonné, etc., et cela pour les avoir poursuivis comme les complices de Dumourier, pour les avoir démasqués comme de lâches hypocrites, d'atroces machinateurs, et les avoir forcés de s'avouer eux-mêmes les partisans de Louis-Philippe d'Orléans, les suppôts de la royauté, les créatures des Capets émigrés et rebel

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