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était presque impossible de faire le bien, et de se promettre quelques succès. On ne pouvait remédier au mal qu'avec une sage lenteur et une prudente circonspection : mais des hommes vertueux, trop sensibles, trop frappés de ce qu'ils voyaient, ont précipité les mesures. De là les schismes, les divisions, l'esprit de parti; de là les débats éternels au milieu desquels la chose publique a été en quelque sorte oubliée.

Ceux-ci, guidés par l'amour-propre, s'inquiètent peu de l'objet en lui-même, pourvu qu'ils fassent triompher leurs opinions ou leurs projets insensés.

Ceux-là ne les combattent que par des ruses, des subtilités, des subterfuges.

Mais les plus dangereux, les plus coupables, sont ceux qui accusent sans cesse, sans raison, comme sans motif.

Les plus vils et les plus perfides sont ceux qui, au lieu de suivre le peuple, s'abaissent à l'aduler, à le flagorner, plutôt qu'à le servir.

de Il est temps d'abjurer les haines, les divisions; il est temps se réunir pour s'occuper de la chose publique et du salut de la patrie; elle ne doit pas être victime de nos malheureux débats.

Citoyens, puisque nous sommes arrivés à un tel degré de discorde et de défiance réciproque, qu'il nous est impossible, poste où nous sommes, de bien servir la patrie; que les deux partis montrent du civisme et de la générosité; que les plus passionnés, de part et d'autre, devenus simples soldats, marchent à l'armée pour y donner l'exemple de la soumission et du courage. (Il s'élève quelques applaudissemens, couverts par une rumeur.)

Chambon. Je remarque que plusieurs membres rétractent les signatures donnés à l'adresse des Jacobins; ils craignent donc la publicité.

Merlin, de Douai. Je déclare que j'ai rayé ma signature lorsque j'ai vu l'usage perfide qu'on veut en faire.

Guillemardel. Et moi aussi.

Gossuin. Je demande aussi à retirer la mienne.

Camille Desmoulins. Et moi je m'honore d'avoir apposé ma signature sur cette adresse, et je ne la retirerai pas; mais j'observe que les meneurs savent que les quarante-huit sections de Paris doivent venir vous demander l'expulsion des vingt-deux royalistes complices de Dumourier; et comme ils voient le vaisseau prêt à être submergé, ils se disent: Mettons le feu à la sainte-barbe; et puisque nous allons périr dans deux ou trois jours....(Violens murmures.)

Barbaroux. Je dénonce cette provocation au meurtre. - (On demande que Camille soit envoyé à l'Abbaye.)

(Plusieurs membres du côté droit se plaignent d'avoir été insultés par des citoyens des tribunes; ils désignent un de ceux qui ont fait des menaces. Le président ordonne de l'arrêter.]

[Camille Desmoulins. Comment peut-on me faire un crime de ce que je viens de dire; il y a vingt-deux membres dans la Convention, dont les sections de Paris doivent venir demander l'expulsion. Or c'est de ces vingt-deux que je disais que se voyant prêts à périr...... (Plusieurs voix : Est-ce que les sections de Paris ont le droit de faire chasser quelqu'un des membres de la Convention.)

N..... Je vous annonce que le président n'ose pas faire arrêter le citoyen qui a insulté les membres de la Convention, parce qu'il craint une insurrection.

Le président. Je demande la parole pour moi. Plusieurs membres se sont plaints qu'ils avaient été insultés par un citoyen des tribunes; j'ai donné l'ordre aux gendarmes de l'arrêter. Les uns m'ont dit qu'on n'avait pu l'arrêter, les autres qu'on ne l'avait pas trouvé.

Le commandant des gendarmes, à la barre. J'ai été avec plusieurs volontaires et gendarmes pour arrêter le citoyen désigné; on n'a pas voulu le laisser sortir. (Il s'élève de violens murmures dans la partie droite.)

N..... Je viens d'apprendre que le scélérat qui avait menacé les membres de la Convention a été arrêté malgré l'opposition des

tribunes. Je demande qu'il soit constaté dans le procès-verbal que les tribunes ont menacé et insulté les membres de la Convention.

Coupé. Je demande l'ordre du jour sur cette proposition, parce qu'elle tend à confondre avec un petit nombre de scélérats payés les bons citoyens des tribunes, qui sont beaucoup plus nombreux.

L'ordre du jour est adopté.

Les membres de l'extrémité gauche demandent la suspension de la séance.

L'assemblée décrète que la séance sera continuée.

Camille. L'erreur d'un grand nombre d'entre vous, c'est que vous croyez les complices de d'Orléans ici (il désigne le côté gauche), tandis que, par des faits, nous sommes assurés qu'ils sont là (il désigne le côté droit). Je vous dirai ce que dit Gensonné, lorsqu'il dénonça le comité autrichien, qu'en matière de dénonciation on ne pouvait pas exiger de preuves juridiques; les présomptions suffisent; et certes, il ne peut exister de plus fortes présomptions de complicité avec un traître, que d'avoir entretenu avec lui une correspondance suivie.

Gensonné. J'ai entretenu une correspondance avec Dumourier jusqu'à son retour de la Belgique; j'ai cessé de l'entretenir depuis cette époque où votre faction s'est emparée de lui, où Danton lui a donné son neveu pour secrétaire.

Brival. Il vous envoyait copie de toutes les lettres qu'il écrivait au ministre.

Buzot, Si les sections de Paris ont le droit de se convoquer pour venir demander elles-mêmes l'expulsion de quelques membres de la Convention, les départemens peuvent suivre leur exem ple pour se sauver eux-mêmes. C'est dans les assemblées primaires que j'appelle mes dénonciateurs, c'est là qu'on nous jugera, c'est là que nous verrons quels sont les plus agréables au peuple; mais comme il faut qu'aucune loi ne soit décrétée par lassitude, je demande l'ajournement à lundi des propositions faites par Gensonné.

Quant à ce qui concerne Marat, il est inconcevable que cet homme jette encore la division dans cette assemblée. ( On murmure.) Il est fort étrange que cet homme ait seul le droit d'être au-dessus de la loi. La Convention n'a jamais assez connu sa puissance; elle pourrait, dans cette ville qu'on a tant calomniée, trouver cent mille défenseurs, en appelant autour d'elle les bons citoyens. Je demande que Marat soit décrété d'accusation. La Convention doit enfin réprimer un homme qui a dégradé la morale publique, dont l'ame est toute calomnie, et la vie entière un tissu de crimes. Les départemens béniront le jour où vous aurez délivré l'espèce humaine d'un homme qui la déshonore.

Les propositions de Gensonné sont ajournées à lundi.
Delaunai continue le rapport.

Les chefs d'accusation qu'il présente contre Marat, sont, 1° son numéro du 5 janvier, dénoncé par Chabot, où il prêche la dissolution de la Convention; 2° son numéro du 25 février, où il provoque au pillage des magasins.

Plusieurs membres demandent qu'on mette aux voix le décret d'accusation proposé par le comité.

Larevellière-Lépaux. Le plus grand des crimes aux yeux des amis de la liberté, c'est de provoquer un maître. Marat s'en est rendu coupable. Vous devez vous rappeler que Chabot l'a dénoncé pour ce fait. Le rapporteur l'a oublié. Je demande qu'il soit relaté dans l'acte d'accusation.

Charlier. Le dénoûment de la sanglante tragédie qui s'est passée dans la Belgique, approché; vous en tenez un des fils. Vous allez livrer un représentant du peuple au glaive de la loi; et, comme dans le rapport qui vient de vous être fait, il peut se trouver des faits inexacts, je demande l'impression, l'envoi aux départemens et aux armées, et l'ajournement de la discussion à mercredi.

Plusieurs voix. Appuyé.

Lecointe Puyravau. J'appuie la proposition de Charlier sans en approfondir les motifs. Il est question de mettre en état d'accusation un représentant du peuple. Faites-le avec maturité, avec

dignité. Il serait surprenant que lorsqu'un tyran couvert de crimes a obtenu un délai de plusieurs semaines, un représentant du peuple ne pût en obtenir un de trois jours. Je demande qu'on aille aux voix sur la proposition faite par Charlier.

Fonfrède. Je demande que si la Convention ajourne, elle décrète que Marat se rendra à l'Abbaye; je rappelle à la Convention que je lui ai lu une lettre de Marat, dans laquelle il déclarait qu'il n'avait pas obéi au décret qui le mettait en arrestation à l'Abbaye, et qu'il n'y obéirait pas.

Massieu. Il vous a dit qu'il serait assassiné ou empoisonné dans la prison.

Peniers. L'ajournement demandé par Charlier est parfaitement inutile. Pourquoi ajourneriez-vous? Tous les chefs d'accusation portés contre Marat vous sont connus depuis long-temps; je demande qu'on aille aux voix sur le décret d'accusation.

Robespierre. On vous a fait un rapport sur la question de savoir si vous mettrez en état d'accusation un représentant du peuple que là on qualifie de telle manière, et qu'ici on juge autrement, et sur lequel jene prononcerai rien, jusqu'à ce que la Convention ait voulu m'entendre avec impartialité. (On murmure. ) Remarquez, citoyens, quelle est votre position: vous vous trouvez entre le décret d'accusation et l'ajournement; mais vous ne pouvez porter le décret d'accusation, car vous n'avez pas discuté ; vous ne pouvez non plus ajourner, car ce représentant du peuple est en état d'arrestation, car vous envoyez dans les départemens un rapport injurieux. (Vifs applaudissemens des tribunes.)

-On demande à aller aux voix. L'assemblée rejette l'ajournement, et décrète l'impression et l'envoi aux départemens du rapport du comité de législation.

Fonfrède. Je demande aussi l'impression et l'envoi aux départemens de l'appel nominal et de la lettre de Marat.

Cette proposition est décrétée à l'unanimité.

Robespierre. Je demande la parole pour un article additionnel; je demande qu'à la suite de toutes les propositions que vous venez de décréter, soit envoyé l'acte que je vais vous proposer:

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