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sont debout, et c'est pour prévenir leur arrivée que la faction scélérate presse l'accomplissement des forfaits du traître Dumou rier. Français, la patrie est menacée du plus grand danger! Dumourier déclare la guerre au peuple; et, devenue tout à coup l'avant-garde des féroces ennemis de la liberté, une partie de son armée, séduite par ce grand criminel, marche sur Paris pour rétablir la royauté et dissoudre la Convention nationale.

› Aux armes, républicains! volez à Paris, c'est le rendez-vous de la France; Paris doit être le quartier-général de la République. Aux armes! aux armes ! point de délibération, point de délai, ou la liberté est perdue. Tous les moyens d'accélérer votre marche doivent être mis en usage; si nous sommes attaqués avant votre arrivée, nous saurons combattre et mourir, et nous ne livrerons Paris que réduit en cendres. »

Dubois-Crancé. Si cette adresse est coupable, décrétez-moi d'accusation; car je l'approuve.

Un grand nombre de membres de l'extrémité gauche se levant spontanément: Nous l'approuvons tous... Nous sommes prêts à la signer.... (La salle retentit de ces cris et des applaudissemens des tribunes.)

David. Je demande que cette adresse soit déposée sur le bureau, et que tous les patriotes aillent la signer...

Mêmes membres: Oui, oui... David, Thirion, DuboisCrancé, Desmoulins, se précipitent vers le bureau, un mouvement rapide et simultané entraîne à leur suite une centaine de membres. On les entend plusieurs fois s'écrier: Décrétez-nous tous d'accusation. L'adresse est à l'instant couverte de leurs signatures. Ils retournent à leur place, au bruit des acclamations prolongées des tribunes.

Granet. Je demande que cette adresse soit imprimée, envoyée aux départemens et aux armées. (Oui, oui, s'écrie-t-on à la fois dans toutes les parties de la salle.)

Robespierre aîné. Je demande la parole sur cette proposition. Vergniaud. Je l'appuie, car il faut que l'on connaisse dans les départemens ceux qui proclament la guerre civile.

L'assemblée parait pendant plusieurs momens tumultuairement agitée par le désordre des altercations particulières.

Tavaux. Si l'assemblée décrète cette mesure, elle décrète la guerre civile. Une partie des départemens ne manquera pas de donner son adhésion à l'adresse ; d'autres, dans des principes contraires, l'improuveront, et il en résultera nécessairement que vous diviserez la République en deux partis.

Lacaze. Vous avez bien tort si vous croyez que la République sera divisée d'opinions sur cette adresse.

Tavaux. Où en sommes-nous donc réduits, si nous nous déchirons avec un acharnement dont les Autrichiens sont incapables? Nous ne sommes pas envoyés ici pour servir nos passions, mais pour sauver la chose publique. Nous ne pouvons le faire, si nous ne sommes unis. Rallions-nous autour de la constitution que nous allons faire. Je demande qu'on ne donne aucune suite à la démarche que plusieurs membres ont faite, en donnant leur adhésion à l'adresse des Jacobins. Je demande la question préalable sur l'impression et l'envoi de cette adresse.

Lacroix. Une mesure indiscrète a été proposée à la Convention nationale. Ceux qui l'appuient, justifieraient ce qu'a dit Marat, ou plutôt les Jacobins, dans leur adresse, qu'il y a ici un point de contre-révolution. Tous ceux qui se sont présentés au bureau, et y ont apposé leurs signatures, ont émis un vou individuel; mais la Convention ne peut ni ne doit approuver de tels principes, car elle déclarerait que nous n'avons plus la confiance de nos commettans (On murmure. ); et si vous l'avez perdue, il faut convoquer les assemblées primaires. (Les murmures recommencent. Quelques voix à la droite de la tribune: Eh bien, oui.)

Lacroix. En descendant de la tribune, président, je demande acte qu'aujourd'hui on m'a refusé la parole, et que j'ai été obligé d'abandonner la tribune.

Gensonné. J'appuie les deux propositions de l'impression de l'adresse et des signatures qui y sont apposées, l'envoi aux départemens et la convocation des assemblées primaires sur-le

champ. Je les appuie par deux considérations puissantes. Je prie l'assemblée de me permettre de les développer.

Une voix de l'extrémité gauche: Il faut vous faire votre procès auparavant. (Les tribunes applaudissent.)

Gensonné. Il n'est plus possible de se le dissimuler, d'après la scission qui vient d'éclater dans cette assemblée, tous les hommes de bonne foi doivent convenir que tous les liens d'une confiance mutuelle sont rompus. (Oui, oui, s'écrient quelques membres placés à l'extrémité de la partie gauche.)

Mazuyer. Mais observez donc que ces cris partent d'une minorité.

Gensonné. Je n'examine point de quel côté est la majorité; mais il n'en est pas moins vrai que tel est l'état de l'assemblée, qu'indépendamment des menaces formelles que contient l'adresse que viennent de siguer quelques membres, elle renferme aussi, dans la partie que je ne veux pas caractériser, un appel au peuple. Eh bien! c'est cet appel que j'ai toujours demandé, et que je sollicite encore. Il est temps que le peuple français sache si c'est lui qui doit faire la loi, ou si c'est une misérable faction.... N...... Pourquoi donc demander le décret d'accusation contre Marat pour cette adresse?

Gensonné. Je le demande au nom de mon département ; j'en ai la mission. Dans l'état de division et de haine où l'on nous a jetés, nous ne pouvons avoir de juge que le peuple; c'est son jugement que je réclame; et peut-être ai-je à me reprocher d'avoir cédé, dans les premiers jours de la Convention, à l'opinion de quelques-uns de mes collègues que j'estimais, et de n'avoir pas demandé que chaque base constitutionnelle fût envoyée séparément à la sanction du peuple. Dans les circonstances fâcheuses où nous sommes, en partant des principes mêmes de l'adresse des Jacobins, il est impossible d'éluder la proposition que j'ai faite; elle contient un véritable appel au peuple contre ses représentans. Elle est signée par une partie de l'assemblée; et dès lors il est de la dignité de la Convention, de son respect pour la souveraineté du peuple, d'adhérer à cet appel. Et certes, il n'est personne ici

qui ne sente que nos discussions sont peut-être le plus grand des dangers que court la République. Déjà dans quelques parties on sollicite le rappel de quelques députés; on demande contre quelques autres le décret d'accusation. Voilà donc, et le fait est trop certain, la République divisée. Je ne sais s'il est possible de faire cesser cet état de choses, autrement que par l'expression du vœu national.

Citoyens, je ne vous ai présenté ma proposition que sous un point de vue; il en est un plus important, celui des circonstances où se trouve la République entière: il existe un conjuration; voyez quel en est le but, quels sont ses moyens. Son but est de donner un régent à la France, et la constitution de 1789.

Une voix. Vous en savez quelque chose.

Gensonné. Président, faites-moi justice de ces interruptions. Oui, le but de cette conspiration est de rétablir la constitution de 89, de donner à la France un roi ou un régent. Par quels moyens peut-elle réussir? C'est évidemment en profitant de nos divisions; c'est en faisant germer dans le peuple français l'opinion d'une contre-révolution, en faisant envisager au peuple que le système actuel de gouvernement n'amène que le brigandage et l'anarchie. Voyez combien l'attaque que vous font ces conjurés. est dangereuse. Ils ont tout fait pour vous empêcher de présenter une constitution au peuple; on en a dénaturé d'avance le plan ; on annonce publiquement que ce plan, à qui on ne reprochera dans quelques années qu'un excès de démocratie, faisait tout en faveur des riches, et rien en faveur des pauvres. Ceux qui lui ont fait ce reproche avaient annoncé un plan de constitution; ils ne Fort pas présenté. Le peuple s'attend que le projet de constitution entraînera plusieurs mois de discussion; vos ennemis lui en présentent une toute faite qui a marché quelque temps quel avantage n'ont-ils pas sur vous! Ne souffrez pas qu'ils consultent le peuple avant vous; songez que si la République est perdue, elle devra vous imputer sa perte.

Vous avez un moyen bien simple de prévenir sa ruine. Nous ne pouvons pas être discordans sur les bases constitutionnelles ;

que les hommes les plus méfians s'accordent entre eux; qu'ils nous présentent l'organisation de la France en République; la déclaration que cette République est une et indivisible; qu'il n'existera aucune distinction quelconque entre les citoyens; que toutes les élections se feront par le peuple lui-même ; arrêtons ces bases, et présentons-les au peuple. Si vous donnez ce point d'appui à tous les Français, vous n'avez rien à craindre de toutes les factions. Ne tardons pas un seul instant à consulter le peuple; arrachons aux ambitieux, à nos ennemis, l'arme terrible qu'ils peuvent se forger par une fausse opinion publique.

J'ai appuyé l'appel au peuple lorsqu'on demanda la déchéance de Louis, et j'insiste sur la même idée. Je demande encore que le peuple manifeste sa toute-puissance, qu'il adopte ou rejette les bases de la constitution que nous allons lui présenter, et qu'il prolonge l'existence de la Convention, en y maintenant ceux qu'il croira dignes de son choix.

Vernier. Vous ne serez pas fàchés d'entendre quelqu'un qui n'a jamais adopté aucun des partis qui vous divisent, qui ne s'est jamais mêlé de leurs querelles, qui ne communique avec per

sonne.

Quand vous avez jugé le ci-devant roi, j'ai eu la simplicité de croire que les opinions étaient libres; je me suis trompé ; je suis un de ces scélérats qui ont été assez grands pour voter, sous les poignards, l'appel au peuple et le bannissement du tyran. Ma lettre à mes commettans n'en a pas été moins sévère; j'y ai soutenu que l'opinion qui avait prévalu était la meilleure. Je suis un de ces scélérats avec qui l'on ne veut ni paix, ni trève ; et comme je crains d'échapper à cette noble proscription, je viens me dénoncer publiquement.

Avant notre réunion, une coalition funeste était déjà formée dans Paris entre le club des prétendus amis de la liberté, la Commune, la force armée, les corps administratifs; elle a éclaté dès les premières séances de cette assemblée.

Dans tous les départemens où il existait des clubs affiliés, une coupable influence se faisait sentir. Dans cet état de choses, il

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