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riques incontestables où soient conservés les événemens de la nuit du 9 au 10 mars, indiquent Varlet, Fournier et Champion comme les seuls instigateurs de ces désordres. Pendant que Varlet, profitant de l'émotion générale, cherchait à soulever les sections, Fournier dirigeait sa bande sur la maison de Gorsas et sur l'imprimerie de Fiévé. Voici comment le Patriote Français nous peint cette nuit orageuse, que suivit une journée dont les Girondins s'effrayèrent plus encore.

• Du dimanche 10 mars. Le danger est à son comble; mais notre courage est encore au-dessus. Sous le glaive de la proscription nous continuerons nos honorables fonctions jusqu'à ce qu'il faille les quitter avec la vie. Nous allons poursuivre le tableau des événemens qui nous entourent.

› Hier, pendant que Pétion était en butte aux outrages et aux menaces, Marat était reconduit en triomphe par une multitude qui chantait les louanges de l'incorruptible, du patriote, du prophète.

. Ce n'était là que le prélude des horreurs. Vers les huit heures du soir, des bandes de satellites de l'anarchie, armés de pistolets et de sabres, se portent chez Gorsas et chez Fiévé, imprimeur de la Chronique de Paris. Ils s'emparent des avenues, font le blocus dans les formes; et ces misérables, le pistolet à la main, entrent dans les imprimeries, brisent les presses, déchirent et brûlent les journaux et le papier, dispersent les caractères, mettent tout au pillage; et ce n'est pas leur faute si l'incendie n'a pas succédé au pillage, car ils ont renversé des poêles allumés et lancé des chandelles ardentes sur des papiers et des matelas. Gorsas aurait sans doute perdu la vie sans son courage et son sang-froid. Armé d'un pistolet, il a passé, inconnu, au milieu d'une cinquantaine de brigands qui parlaient de lui brûler la cervelle. Arrivé au bas de l'escalier, il s'aperçoit que la porte est gardée par des gens armés qui ne laissaient sortir personne. Il prend son parti, monte le long d'un treillage sur le mur de la cour, et se jette dans la maison voisine, d'où il se rend à sa section.

T. XXV.

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› Vers minuit, c'est-à-dire plus de quatre heures après cette affreuse scène, un homme vint froidement, ironiquement même, s'informer, de la part du maire, des détails de l'expédition.

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› Ainsi le pillage, horrible avant-coureur de plus grands maux, s'est exercé paisiblement, sous les yeux des autorités constituées, et sans que la force armée secourût les lois expirantes. Et quelles étaient les victimes du brigandage? les hommes qui ont fait la révolution du 10 août ; car c'est en attaquant, c'est en dévoilant sans cesse une cour conspiratrice, que les journalistes, maintenant proscrits, ont mùri ou créé cet événement, qui a fondé la République.

› Contens de ces deux exploits, les brigands ont remis à aujourd'hui ce qu'ils appellent les grands coups. La journée a été violemment agitée. Pendre les généraux, arrêter le conseil exécutif et une partie de la Convention, les juger populairement, et envoyer leurs têtes aux départemens, tel était l'ordre du jour de la terrasse des Feuillans et des autres groupes. Les nouvelles alarmantes, aliment de la fermentation, circulaient avec rapidité. Malheur à qui aurait osé contredire les bruits absurdes de la perte de toute la Belgique, du siége de Givet, du siége de Valenciennes ! La soirée a été plus orageuse encore...... Républi cains, soyez prêts..., mais ne tendez pas la gorge aux poignards; mais ne vous enveloppez pas de votre manteau. Donnez l'exemple de la résistance à l'oppression; vous périrez peut-être, mais la République ne périra pas. Vive la République! » (Patriote Français, n. MCCCVII.)

Journée du 10 mars.

La fin du précédent article contient déjà quelques détails sur cette journée. Aux yeux de ceux que préoccupaient des idées de complot, elle rappelait celle du 2 septembre. Des nouvelles plus sinistres encore que la prise de Verdun couraient de bouche en bouche; la proclamation de la Commune retentissait dans les rues de la grande cité; des groupes nombreux occupaient les lieux consacrés par les habitudes révolutionnaires, et là, des

motions, des prédications de toute espèce se mêlaient au récit des désastres de l'armée et de la trahison des généraux. On se racontait les désordres de la nuit; on s'entretenait des démarches énergiques que préparaient certaines sections. Il est trèsvrai que la section Bon - Conseil avait pris l'arrêté dénoncé par Lesage à la séance du 12. Plusieurs sections avaient même adheré à cet arrêté, entre autres la section Poissonnière, ainsi que l'atteste le procès-verbal du 11.

Il est certain que le sentiment par lequel la Gironde fut vaincue se manifesta, en ces conjonctures, d'une manière terrible. Mais les événemens qui en résultèrent seraient inexplicables si l'on s'arrêtait à la donnée d'une conspiration; car, s'il faut en croire des pièces qui ont une égale valeur, il y en eut au moins deux, l'une faite par les anarchistes, l'autre par les émigrés; même ces deux conspirations semblèrent un instant se donner la main et agir de concert. Pour l'intelligence des débats parlementaires, nous analyserons et nous discuterons les principaux faits.

Selon les Girondins, la conspiration des anarchistes se fit reconnaître, pendant la journée du 10, aux actes suivants. Ce fut elle qui envoya demander à la Commune assemblée la fermeture des barrières et un supplément d'insurrection; ce fut elle qui ameuta autour de la Convention une foule acharnée; ce fut elle qui inspira aux Jacobins les motions furibondes à la suite desquelles une bande se porta vers la Convention afin d'y couper la tête à Brissot et à ses amis.

Selon la Commune de Paris, il y eut un complot royaliste dont les fauteurs avaient adopté pour signe de ralliement un bouton particulier. Leurs projets étaient énoncés dans un placard où était prêchée l'extermination des Jacobins et celle de la Convention nationale. La Commune avait saisi ce placard.

Selon les débats de la Convention, ces deux complots conspirèrent ensemble à la séance du 12, car ils s'y montrèrent réunis dans la députation de la section Poissonnière. On remarqua, en effet, que les volontaires de cette section portaient un drapeau

dont les cravates étaient blanches, et dont le bâton était fleurdelisé, tandis que l'orateur de la députation poussait violemment à l'anarchie, surtout en demandant la mise en accusation de Dumourier.

Or, ces faits, qui, présentés de la sorte, seraient d'indéchiffrables énigmes, sont si naturellement et si clairement expliqués lorsqu'on a recours à la moindre critique historique, qu'il nous paraît impossible d'avoir deux opinions là-dessus.

Les mêmes hommes qui s'étaient mis en mouvement pendant la nuit du 9 au 10 vinrent le lendemain au conseil-général de la Commune. Fournier, Varlet et Champion, qui ne sont pas nommés, mais qui sont désignés seulement dans le procès-verbal de l'assemblée municipale du 10, se présentèrent en effet pour obtenir que l'on fermât les barrières et que l'on se déclarât en insurrection. Mais, ce qui prouve qu'ils n'agissaient au nom d'aucune section ni d'aucune force secrètement organisée, c'est qu'ils s'adressèrent à quelques membres du conseil-général pour sonder le terrain, et que, leur ouverture ayant été repoussée, ils ne furent point entendus officiellement. Ces trois individus purent bien crier plus que les autres dans les groupes qui assiégeaient les abords de la Convention. Quant à les avoir formés eux-mêmes, c'est là un sophisme évident de la peur. Les bruits qui circulaient depuis bientôt huit jours, et qui devenaient de plus en plus alarmans, l'état moral de la population surexcitée par les émeutes de février, par la pensée d'une guerre à soutenir contre l'Europe et d'une guerre civile à éteindre, enfin la suspension du travail en un jour de dimanche, telles sont les véritables causes occasionnelles des rassemblemens imputés par les Girondins à deux ou trois meneurs.

Les motions faites aux Jacobins et les bandes qui marchèrent de ce lieu sur la Convention sont des incidens totalement étrangers aux membres de ce club. Ces faits seront assez bien expliqués par le ministre de la justice (Garat) et par Dubois-Crancé à la séance du 13 mars. Il manque à leur récit une circonstance trèsimportante, car elle suffit à nous faire comprendre pourquoi,

vers le soir, quelques têtes se montrèrent si exaltées. Le journal de Periet, n. CXVII, nous apprend que ce jour-là la section de la Halle-aux-Blés célébra un banquet civique. Le couvert fut mis sous les piliers des halles ; tous les citoyens y furent invités, et chacun apporta à cette table commune les mets qui devaient servir à son repas particulier. Or, les motionnaires qui firent dans la soirée tant de bruit aux Jacobins, et les bandes qu'ils y excitèrent appartenaient à la section de la Halle-aux-Blés, qui, selon Dubois-Crancé et selon le compte-rendu de la séance de ce club, vint y présenter ses volontaires et y défiler au nombre de plus de mille personnes. Ce fut par-là que commença la séance. La section de la Halle-aux-Blés défile, tambour battant, avec flammes et drapeaux. Tous, par un mouvement unanime, prêtent le serment de vaincre ou de mourir. Les applaudissemens redoublés qu'excite le feu du patriotisme brûlant qui anime tous les esprits rendent cette scène vraiment intéressante. Le Républicain, journal des hommes libres, etc., n. CXXXII, à qui nous empruntons ce passage, continue son compte-rendu par le discours d'un soldat de Marseille et par une discussion paisible relative à la querelle engagée entre Maulde et Lebrun; nous en avons déjà parlé. Au lieu donc que ce soit ici une ramification d'un complot anarchique rattachée aux Jacobins, il n'y a qu'une section bruyante qui, en d'autres temps, au sortir d'un banquet, aurait promené sa joie dans Paris, et qui maintenant se trouvait plus révolutionnaire que de coutume.

Le complot royaliste découvert par la Commune nous paraît plus vraisemblable. Cette opinion 'en était réduite, en effet, à se cacher et à conspirer. Il est vrai que des individus furent saisis porteurs de marques distinctives; il est vrai qu'on répandit à profusion un placard contre-révolutionnaire, et dont ce qu'en dit Garat dans la séance du 19, nous dispense de nous occuper. Ce n'est pas que ce complot soit pour nous chose démontrée, mais l'intérêt des royalistes à profiter de tous les désordres, et les actes dénoncés par la Commune donnaient une grande apparence à une manoeuvre de ce genre, et en faisaient un

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