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vation de l'Ami du peuple. Ce numéro renferme l'analyse des dépêches parvenues à la Convention nationale. Il contient également quelques nouvelles que Marat dit avoir reçues, et à la suite desquelles il expose des vues militaires en partie conformes à celles qui auraient prévenu les désastres de Neer-Winden, selon MM. Grimoard et Servan, plus haut cités. Voici le passage dont nous parlons.

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Les nouvelles fâcheuses annoncées par nos commissaires ne sont malheureusement que trop bien fondées. J'apprends à l'instant que l'avant-garde de Miranda a été livrée par la trahison des généraux Lanoue, Miaczinski et Stengel, dont le dernier a émigré. Nous avons perdu au moins trois mille hommes par le fer de l'ennemi, et douze pièces de canon. Cet échec doit augmenter notre courage, loin de l'abattre, et nous faire redoubler de surveillance; tous les bons citoyens doivent se réunir pour demander le jugement des généraux qui ont trahi la patrie, la déchéance de Beurnonville, pour avoir laissé ces traîtres à la tête de l'armée. Il devrait aussi nous faire changer notre plan de campagne, et nous faire rester sur la défensive : à moins qu'on ne suive celui de s'emparer des digues de la Hollande, coup de main qui aurait bientôt mis fin à cette guerre, dont le prélude a déjà été si désastreux. (Journ. de la Répub. franç., n. CXLII.)

Nous terminerons notre commentaire sur l'article du Patriote français, en plaçant, à côté de sa version à l'égard de sa conduite de Robespierre et de Billaud-Varennes dans la section BonneNouvelle, le procès-verbal même de cette section. Cette pièce est manuscrite; nous la tenons de la même source où nous avons puisé notre histoire des sections au 10 août. D'après le récit du journaliste, on pourrait croire que le canonnier qui fut blessé était une espèce de garde-du-corps de Robespierre, et non pas un citoyen de la section. Le procès-verbal le désigne simplement par son nom : le nom de celui qui l'avait maltraité s'y trouve également. La motion d'où provint le tumulte n'y est point spécifiée, et les éloges que Robespierre aurait donnés au canonnier blessé n'y sont pas mentionnés. Voici cette pièce.

Section Bonne-Nouvelle. Procès-verbal du 8 mars.

< Une députation de la Convention se présente et est introduite dans le sein de l'assemblée. Billaud-Varennes et Robespierre, membres de cette députation, exposent les dangers de la patrie, le péril imminent où se trouvent nos frères de la Belgique, et les prompts secours qu'il est instant de leur porter; ils invitent au nom de la liberté menacée par tous les tyrans, au nom de la chose publique en danger, ils conjurent tous les citoyens de se lever, de s'armer et voler au secours de la République et de nos frères les Belges. Ils jurent de leur côté de terrasser les ennemis du dedans, de veiller aux intérêts des défenseurs de la patrie, de pourvoir aux besoins des parens de ceux qui vont se sacrifier pour la liberté, et de s'exposer plutôt à la mort que de souffrir qu'il soit porté atteinte aux droits du peuple. L'assemblée générale partage tous leurs sentimens, et le président répond en son nom à la députation, que la section de Bonne-Nouvelle, toujours animée du plus pur patriotisme, n'a cessé de s'occuper des mesures à prendre pour fournir son contingent, et qu'elle va se presser d'employer tous les moyens qui sont en son pouvoir pour répondre aux nouveaux efforts que la patrie attend de ses enfans.

› Le citoyen Poirier fait à l'instant une proposition qui est mal accueillie par l'assemblée : il s'élève du tumulte. Ce citoyen est obligé de se retirer; mais attaqué par plusieurs personnes dont l'une le blesse grièvement, il rentre dans l'assemblée, se plaint des violences exercées contre lui pour avoir énoncé une opinion, blåmable sans doute, mais dont, dit-il, l'assemblée devait seule le punir. Le tumulte augmente et se continue; enfin un membre de la députation parvient à se faire entendre, et invite les citoyens, au nom de la chose publique, à faire régner la paix, et à s'occuper des moyens de repousser nos ennemis. La députation se retire au milieu des applaudissemens.

› Plusieurs citoyens demandent que l'assemblée sévisse contre

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ceux qui ont attaqué et blessé le citoyen Poirier. L'assemblée arrête que les citoyens Sawrev et Colombier se transporteront chez le citoyen Lambert pour l'inviter à se rendre en assemblée générale; ces deux citoyens de retour annoncent qu'ils n'ont pas trouvé le citoyen Lambert.

› L'assemblée arrête que demain, en assemblée générale, le citoyen Poirier remettra sur le bureau sa déclaration ou plainte signée de lui, avec désignation des individus qui l'ont maltraité; que ceux qui auront été témoins de cette affaire seront entendus pour ensuite le procès-verbal de ces diverses déclarations être envoyé au tribunal criminel de l'arrondissement, pour sévir contre les coupables. La séance est levée à minuit.

› MARQUES, Secrétaire.

Nuit du 9 au 10 mars.

Les premiers actes du complot auquel les Girondins attribuaient les mouvemens populaires, eurent lieu pendant la nuit du samedi au dimanche, 9 et 10 mars 1795. La démarche qui fut principalement signalée comme émanant du comité d'insurrection, fut un prétendu arrêté du club des Cordeliers porté d'abord dans la section des Quatre-Nations, et ensuite dans quelques autres. Ces deux pièces sont littéralement citées dans le discours prononcé, le 13 mars, par Vergniaud. Il est certain que le club des Cordeliers ne prit aucun arrêté semblable à celui dont il s'agit. Ceux qui le colportèrent dans les sections prirent à la vérité le titre de cordeliers; mais ils furent désavoués par le club, et l'un d'eux, le nommé Martin, se vit rayé de la liste de cette société, sur un simple soupçon d'avoir trempé dans cette affaire. (Révolutions de Paris, n. CXCIII, p. 540.) Tous les témoignages s'accordent à dire que Varlet fut le rédacteur de cette adresse, et qu'il voulut en assurer l'effet en la présentant au nom des Cordeliers; or, il n'était pas même membre de ce club. Nous avons déjà parlé de ce personnage; nous renvoyons, pour de

plus amples renseignemens, au rapport du ministre de la justice, Garat, fait à la Convention le 19 mars. En supposant que Varlet ne fût pas le seul auteur de l'arrêté cité par Vergniaud, on ne pourrait lui adjoindre que Fournier dit l'Américain, et Champion; car, ainsi que Garat pous l'apprend, ces trois hommes agissaient de concert. Ils vinrent le 10 à la Commune pour obtenir d'y lire, en conseil-général, l'adresse qu'ils avaient promenée pendant la nuit, de section en section; mais on ne les reçut pas; à la séance du 12, Marat fit connaître Fournier. L'arrêté surpris par Varlet et sa bande à la section des Quatre Nations, est donc ici la seule pièce officielle; encore fut-il retiré le lendemain, et voici dans quels termes :

Extrait des délibérations de l'assemblée générale de la section des Quatre-Nations, du 11 mars. - A l'ouverture de l'assemblée générale, un membre prend la parole sur l'adhésion donnée hier par l'assemblée au projet d'adresse, et par un homme qu'il prouve être un intrigant, puisqu'il n'est pas, ainsi qu'il s'est annoncé, membre de la société des Cordeliers, ni chargé par elle d'aller aux Quatre-Nations: il prouve aussi qu'outre ces intrigans, il en était un grand nombre qui étaient venus, et que dans le moment de cette lecture ils crièrent: Au voix l'adhésion, et furent les seuls qui levèrent la main. L'assemblée, après avoir acquis la preuve que Varlet, ainsi que d'autres de son parti, ne s'étaient introduits dans son sein et à la tribune, que dans l'intention criminelle de surprendre sa bonne foi; ayant aussi les preuves que nos frères des Cordeliers, qui ne s'écartent jamais des vrais principes, n'avaient ni adhéré, ni chargé de lire aux Quatre-Nations aucun arrêté émané de son sein; convaincue que son adhésion de la veille était une surprise dans un instant où l'agitation était à son comble, arrête à l'unanimité de rapporter son adhésion, de le communiquer à la Commune, aux Cordeliers, aux quarante-sept autres sections, et à la Convention nationale. Signé LESAGE, président. » (Chronique de Paris, numéro du 17 mars.)

Les Jacobins ne prirent aucune part à ce qui se passa. Ils ne

furent pas consultés par Varlet, et rien, dans leur séance du 9 n'annonce qu'ils aient eu la moindre connaissance des expéditions faites chez Gorsas et chez Fiévé. Nous ne pouvons citer le journal des débats de cette société, car l'exemplaire de la Bibliothèque royale qui nous a servi jusqu'à ce jour commence à avoir des lacunes; et, un second exemplaire que nous nous sommes procurés se trouve également incomplet. Les derniers mois de ce journal n'existent peut-être intégralement dans aucune collection, de sorte que nous sommes obligés de chercher ailleurs les matériaux dont nous composerons l'histoire des Jacobins. Au reste, cette perte n'est pas beaucoup à regretter, lorsqu'on réfléchit que l'auteur du journal en question avait été depuis longtemps expulsé des Jacobins ; qu'il ne rédigeait sa feuille que sur des rapports étrangers et sur des ouï-dire, et qu'il était devenu d'une partialité qui achevait de réduire l'importance et la valeur historiques de son compte-rendu. Maintenant le Républicain, journal des hommes libres de tous les pays, donne très-exactement les séances des Jacobins ; cette source remplacera donc pour nous la précédente jusqu'au 1er juin 1793, époque où paraît le Journal de la Montagne, dont nous possédons un exemplaire complet.

La séance des Jacobins du 9 mars, telle que nous la lisons dans le supplément, au numéro CXXX du Républicain, fut ainsi occupée un membre de la Convention raconta les travaux de cette assemblée; une députation de la société de Louvain vint témoigner sa satisfaction de voir cette ville réunie à la France; un citoyen, venant de Belgique, fit part de quelques observations relativement aux généraux sur lesquels il était loin de croire qu'on pût se reposer; enfin, Maulde, ci-devant ministre plénipotentiaire à La Haye, entra dans les détails de sa mission, se plaignant des vexations qu'il avait éprouvées, particulièrement par les intrigues du ministre des affaires étrangères Lebrun. La société applaudit vivement à son discours, et l'invita à le rédiger et à le déposer sur le bureau.

Nous concluons de ce préliminaire que les seules traces histo

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